Deux principes ont guidé notre travail, monsieur Legendre : le maintien de la diversité culturelle et le maillage du territoire par un réseau de libraires indépendants. Je ne propose pas une révolution copernicienne : la mesure est limitée ; elle aura un impact essentiellement psychologique. Les grands groupes ne pourront plus afficher des frais de port gratuits. Or, c'est aujourd'hui un élément important de leur stratégie commerciale. Le modèle économique d'Amazon est basé sur la gratuité des frais de port, mais, une fois les concurrents éliminés, Amazon les réintroduira. Cette entreprise n'applique d'ailleurs pas la gratuité dans les pays qui n'ont pas de prix unique du livre. Le maintien de la concurrence concerne toute la filière, y compris les éditeurs car Amazon commence à éditer directement des livres numériques.
La proposition de loi offre un répit afin que les libraires organisent la livraison à domicile. Actuellement, le délai de livraison entre l'éditeur et le libraire est trop long. Un effort doit être fait pour le réduire. La livraison par les messageries de presse est une piste à explorer, vous avez raison, monsieur Legendre.
En réponse aux remarques de notre présidente et de David Assouline, je constate qu'il est difficile de ne pas nommer l'entreprise qui est seule sur son créneau. Amazon est d'ailleurs déjà citée dans plusieurs rapports, de même que Facebook, Google ou Apple l'ont été lors de nos débats sur la fiscalité du numérique. Mais nous tâcherons d'être créatifs afin de n'exclure aucun opérateur existant ou à venir.
Les distorsions de concurrence existent. Je ne le nie pas. Nous proposons d'améliorer le texte en y introduisant l'interdiction de la gratuité des frais de port. En outre, la proposition de loi n'est qu'un maillon du plan plus vaste de soutien à la librairie, comme le mentionnait M. Eblé. Je vous renvoie au rapport du président du CNL : 11 millions d'euros de subventions supplémentaires en faveur du livre sont prévues dont 4 pour la transmission des entreprises et 5 d'aides à la trésorerie.
La FNAC profitera de ce dispositif, madame Duchêne, car, à la différence d'Amazon, elle dispose de magasins physiques.
Je suis sensible aux observations de Mme Gillot sur la valeur ajoutée d'un contact humain. Les libraires jouent un rôle extraordinaire d'ouverture à la culture.
Si, en revanche, je devais résumer les propos de notre collègue Sophie Primas, je dirais : « Encore 6 mois, monsieur le bourreau !». Tout est perdu, fors l'honneur ?