Les pronostics sont difficiles par les temps qui courent ! La CMP chargée d'élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014 a échoué. Au bout de dix-sept minutes, les divergences étaient telles qu'il a été jugé impossible de parvenir à une rédaction commune.
Dès lors que le Sénat avait rejeté le projet de loi, c'est sur la base de son propre texte de première lecture, comportant 151 articles, que l'Assemblée nationale a statué en nouvelle lecture. Elle a amendé 62 articles, proposant des modifications plus nombreuses et plus importantes que l'an dernier. Sur les 175 amendements adoptés, 74 l'ont été à l'initiative du Gouvernement qui a repris un certain nombre de nos suggestions et 47, à celle de la commission des finances.
Sur la première partie, 10 amendements adoptés par le Sénat, portant sur 7 articles, ont été repris. Si nos articles additionnels n'ont pu connaître cet heureux sort, quelques-uns ont toutefois été insérés dans le projet de loi de finance rectificative pour 2013, comme la taxe sur les cessions de fréquences hertziennes obtenues gratuitement, que nous avions adoptée à l'initiative de notre collègue David Assouline. Sur la deuxième partie, l'Assemblée nationale n'a pas pu retenir nos préconisations, puisque nous n'en avons pas adoptées, du fait du rejet de la première partie du texte.
Nous sommes en nouvelle lecture, avant le « dernier mot » de l'Assemblée nationale. À ce stade de la procédure, selon la Constitution et selon l'analyse du Conseil constitutionnel, l'ensemble du texte reste en discussion : en effet, aucun article n'a fait l'objet d'un accord entre nos deux assemblées, le Sénat ayant rejeté le texte. Lors de la lecture définitive par l'Assemblée nationale, les seuls amendements recevables au dernier texte voté par elle sont ceux que le Sénat aura précédemment adoptés en nouvelle lecture. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : l'Assemblée nationale ne pourrait reprendre aucun amendement voté par le Sénat si nous devions finalement rejeter le texte.
Dans ces circonstances, il est très peu probable que le Sénat puisse faire évoluer le projet de loi de finances pour 2014, car l'examen des positions exprimées en première lecture par les différents groupes politiques laisse prévoir l'absence de majorité en nouvelle lecture. À chacun de prendre la mesure de la situation. Pour ma part, je ne préconiserai pas de combat d'arrière-garde sur tel ou tel point de divergence avec l'Assemblée nationale puisque nous n'avons aucune chance de peser sur le résultat final.
L'Assemblée nationale a repris des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. À l'article 7 quater, elle a adopté un amendement proposé par la commission des finances et rendant éligibles les engrais d'origine organique au taux intermédiaire de TVA. À l'article 11, portant sur la réforme du régime d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, elle a repris deux propositions de la commission des finances : l'une pour préciser que l'abattement de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant à la retraite pour le calcul de leur plus-value de cession s'applique à l'ensemble des gains afférents à une même société, et non par cession ; la seconde, pour mieux articuler l'incitation à l'investissement dans les PME les plus risquées avec l'imposition des plus-values tirées de cet investissement. À l'article 13, relatif à la réforme de la défiscalisation outre-mer, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements, l'un supprimant pour les bailleurs sociaux le seuil de 20 millions d'euros ouvrant accès à la défiscalisation à l'impôt sur les sociétés, l'autre prévoyant la remise d'un rapport sur la substitution, au moins partielle, d'un prêt à taux zéro à l'aide fiscale. Il s'agissait de propositions de nos collègues Eric Doligé et Thani Mohamed Soilihi. À l'article 19, comme l'avait proposé la commission des finances, l'Assemblée a prévu que la construction de logements situées à plus de 300 mètres et à moins de 500 mètres de la zone ANRU bénéficierait du taux de TVA à 7 %, si la demande de permis de construire est déposée avant le 1er janvier 2014. Le taux réduit de TVA sera également appliqué à la fourniture de nourriture et d'hébergement par les logements foyers, les foyers de jeunes travailleurs et les centres d'hébergement d'urgence ; une disposition semblable, mais qui n'incluait pas les hébergements d'urgence, avait été adoptée par le Sénat à l'initiative des membres du groupe écologiste.
Outre la reprise de ces dispositions votées par le Sénat, l'Assemblée nationale a apporté de nombreuses modifications au texte. À l'article 7 ter, elle a adopté un amendement tendant à appliquer le taux réduit de TVA aux travaux induits liés à une rénovation énergétique, conformément à un engagement pris par le Gouvernement devant le Sénat. À l'article 8, elle a renforcé les incitations à la reconstitution de titres de propriété immobilière. À l'article 19, elle a étendu aux travaux de rénovation dans les logements sociaux le taux réduit de TVA appliqué aux travaux induits.
À l'article 20, elle a inclus les PME et PMI grandes consommatrices d'énergie dans le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SCEQE) ; celles-ci bénéficieront donc du maintien des tarifs actuels de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
À l'article 22, elle a adopté deux amendements mettant en oeuvre le principe de pause ou de palier dans le développement des biocarburants produits à partir de cultures à vocation alimentaire. Elle a enfin exonéré certaines chambres de commerce et d'industrie des départements et régions d'outre-mer de la contribution prévue par l'article 34. Cette disposition avait été proposée par nos collègues Georges Patient et Thani Mohamed Soilihi et retirée après que le Gouvernement s'était engagé à trouver une solution.
En seconde partie, l'Assemblée nationale a adopté de très nombreuses modifications concernant les crédits, qui correspondent à des ajustements ainsi qu'à des modifications « à titre non reconductible ». Elle a également majoré les plafonds des autorisations d'emploi des services du Premier ministre et du ministère de l'égalité des territoires et du logement, afin de tirer les conséquences de la création d'un commissariat général à l'égalité des territoires. Ces majorations ont été compensées par une minoration des plafonds d'emplois du ministère des affaires sociales et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
À l'article 57, elle a prévu que le dispositif de base minimum « par défaut », en l'absence de délibération sur le nouveau barème de cotisation foncière des entreprises (CFE), ne s'appliquerait pas en cas de délibération prise entre le 22 janvier 2013 et le 1er octobre 2013, afin de conserver toute leur effectivité à ces délibérations.
À l'article 58 bis, portant sur la création d'un second fonds de péréquation départemental des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), elle a prévu que le reversement au titre du second fonds de péréquation serait effectué en fonction des restes à charge par habitant de chaque département au titre des allocations individuelles de solidarité (pour 70 %) et en fonction du potentiel fiscal corrigé du département (pour 30 %). Les simulations du Gouvernement sont à votre disposition. Le Sénat aura hélas été incapable de peser sur ce dispositif important, portant sur environ 600 millions d'euros...
À l'article 60, pour faciliter la mise en oeuvre du fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts structurés, l'Assemblée nationale a introduit la possibilité pour l'État de demander les informations utiles au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, sans que puisse lui être opposé le secret bancaire, et a inclus les instruments de couverture dans le champ d'intervention du fonds.
À l'article 60 quater, elle a porté la dotation de développement urbain (DDU) à 100 millions d'euros à compter de 2014. À l'article 73, elle a supprimé la répartition libre du FPIC à la majorité qualifiée ainsi que la modification du critère d'éligibilité au prélèvement, qui conduisait à la concentration des prélèvements sur un nombre restreint de communes et EPCI. Enfin, elle a supprimé l'article 74 bis, qui intégrait le versement transport dans le coefficient d'intégration fiscale (CIF).
La nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 à l'Assemblée nationale a amélioré de 10 millions d'euros le solde budgétaire de l'État, qui s'établit à 82,6 milliards d'euros. Ce solde prend en compte les dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2013, ainsi que les modifications apportées au projet de loi de finances pour 2014 en nouvelle lecture, qui minorent sensiblement les recettes comme les dépenses.
Les recettes fiscales ont été minorées de 436 millions d'euros, tandis que les recettes non fiscales ont été majorées de 17 millions d'euros grâce aux nouvelles conditions de rémunération de la garantie accordée au Crédit immobilier de France. Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne a été majoré de 80 millions d'euros, après l'adoption définitive par le Parlement européen d'un budget 2014 supérieur de 500 millions d'euros à la position adoptée par le Conseil.