Intervention de Aurélie Filippetti

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 janvier 2014 : 1ère réunion
Financement des politiques culturelles — Audition de Mme Aurélie Filippetti ministre de la culture et de la communication

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Merci de m'avoir conviée à cet exercice qui n'a rien d'habituel. Je suis heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous, tant les questions économiques et fiscales sont au coeur de mes préoccupations. Le récent rapport de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'inspection générale des finances (IGF) intitulé L'apport de la culture à l'économie en France montre que notre pays peut compter sur les différents secteurs de la culture pour agir sur la croissance, l'emploi et l'attractivité du territoire.

En 2014, le budget de mon ministère s'élèvera à 7,26 milliards d'euros. Ce budget est conforme à la programmation triennale votée par le Parlement en 2012. Il diminue globalement de 2 % : le ministère de la culture participe au redressement des finances publiques, mais il n'y a pas eu d'accentuation de cet effort pour 2014. Néanmoins, dès ma prise de fonction, j'ai entrepris de restructurer ce budget, afin qu'il participe à l'effort général de redressement des comptes publics sans que ses missions fondamentales soient affectées. J'ai ainsi défini des priorités et cet exercice nous a permis de mettre un terme à l'accumulation de travaux parfois justifiés, mais parfois moins, et qui entraînaient des dépenses d'investissement, mais aussi de fonctionnement, extrêmement lourdes. C'est pourquoi certains projets ont été poursuivis mais d'autres rééchelonnés, recalibrés ou même arrêtés.

J'ai préservé les missions fondamentales du ministère en faveur des secteurs qui ont un impact sur nos territoires, sur l'économie et sur la vitalité de la création, dans le domaine du spectacle vivant, des arts visuels, de l'édition littéraire ou de la musique.

J'ai tenu à rééquilibrer le soutien apporté aux grands établissements, souvent parisiens, qui peuvent supporter une diminution des subventions en les compensant par une augmentation de leurs ressources propres, grâce au mécénat notamment. En revanche, les structures les plus fragiles et les crédits déconcentrés ont été préservés, voire augmentés. En outre, j'ai souhaité mieux soutenir l'éducation artistique et culturelle, conformément à la mission du ministère, afin de garantir l'égal accès des jeunes à la culture.

J'ai aussi soutenu les actions qui garantissent l'emploi et l'activité des entreprises qui oeuvrent dans le domaine des monuments historiques. Ces entreprises du secteur de la restauration, du bâtiment et des travaux publics génèrent des dizaines de milliers d'emplois et les effets récessifs de la suspension de certains chantiers seraient catastrophiques. En outre, quand on n'entretient pas de façon régulière les cathédrales, les travaux se révèlent, à terme, extrêmement coûteux. Il vaut donc mieux, du point de vue des finances publiques, permettre un entretien régulier de nos monuments.

Au total, ce budget marque une réduction sélective et réfléchie des dépenses et la fin d'une politique centrée sur les grands projets qui avait absorbé toutes les marges de manoeuvre du ministère, menaçant les moyens de fonctionnement de l'ensemble de ses structures et, en définitive, ses missions fondamentales. Vous avez consacré à cette question un certain nombre de travaux, comme le rapport de Yann Gaillard sur la Philharmonie de Paris.

Cette année encore, ces économies et ces redéploiements financeront mes priorités. Nous poursuivrons notre action en faveur de la jeunesse avec le projet national pour l'éducation artistique et culturelle que j'ai présenté en septembre, qui financera 1 000 projets supplémentaires par an dans tous les territoires ; nous conforterons les moyens de l'enseignement supérieur du ministère de la culture qui forme 35 000 étudiants par an, en architecture, dans les écoles d'art, de design, d'arts appliqués, de photographie, de théâtre.

En outre, nous maintiendrons l'effort national en faveur du patrimoine et nous préserverons les moyens d'intervention de l'État en région, surtout dans le domaine de la création, car l'emploi culturel dans le spectacle vivant ou les arts plastiques est extrêmement important.

Enfin, nous ferons entrer le ministère dans l'ère numérique. Le président Marini a évoqué la révolution du numérique qui perturbe considérablement l'économie de la culture. Nous devons mettre en place une régulation adaptée de l'offre des industries culturelles fondée sur la lutte contre la contrefaçon commerciale et le téléchargement illégal, le développement de l'offre légale et de nouveaux outils de financement de la création. Il s'agit ainsi d'élargir l'assiette de certains dispositifs pour faire entrer les nouveaux diffuseurs numériques dans le financement de l'exception culturelle.

Nous serons plus à l'écoute de la culture telle qu'elle se fait, avec ceux qui la font. Nous favoriserons l'émergence et nous accompagnerons la transition des secteurs économiques vers le numérique, tout en menant une action responsable. Avec les collectivités locales, nous mettrons en oeuvre ces priorités dans le cadre du plan d'éducation artistique.

Les professionnels de la culture et les autres ministères concourent bien évidemment à la politique culturelle, dont le périmètre dépasse largement mes seuls crédits budgétaires, comme le montre le rapport que vous avez évoqué. Il faut en effet y agréger le compte de concours financiers relatif aux avances à l'audiovisuel public, les taxes affectées - qui font l'objet de nombreux débats au sein de votre commission - et, enfin, les dépenses fiscales.

En 2014, nous vous proposerons des textes pour repenser l'action publique en matière culturelle : une loi sur la création intégrera les dispositions de l'acte II de l'exception culturelle issues des recommandations du rapport Lescure ; une loi sur les patrimoines revisitera les régulations de ce secteur capital des politiques culturelles, qui impacte le tourisme, le développement local, ou encore l'urbanisme.

J'en viens au résultat des travaux de l'IGAC et de l'IGF. Avec Pierre Moscovici, nous avons lancé cette étude, qui en complète d'autres, comme celle de la coalition France Créative, il y a près d'un an. Le rapport démontre que la culture, au sens étroit du terme, représente 670 000 emplois et 58 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 3,2 % du PIB, l'équivalent de l'agriculture et des industries agro-alimentaires. En y ajoutant les secteurs qui bénéficient des retombées indirectes et induites de la culture, on arrive à 5,8 % du produit intérieur brut (PIB). En y intégrant la mode, le luxe et la gastronomie, les 10 % du PIB sont atteints, soit deux millions d'emplois. Cette étude nous donne des outils pour comprendre le poids respectif de l'État et des collectivités locales dans le financement des politiques culturelles : ces dernières, surtout les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), y participent à hauteur de 7 milliards d'euros. Le musée Guggenheim de Bilbao, mais aussi le Centre Pompidou de Metz ou le Louvre à Lens démontrent que les investissements des collectivités sont rentables, aussi bien en termes d'image que d'attractivité économique.

Un chapitre de ce rapport, qui est disponible sur le site de mon ministère, est consacré aux retombées économiques des différents festivals qui parsèment le territoire.

Je tiens à insister sur la cohérence de ma politique, au plus près des besoins de nos concitoyens les plus jeunes et des collectivités territoriales, afin que la France demeure un grand pays de culture, bénéficiant de l'effet de levier de ses investissements et de ses dépenses, à l'échelle nationale comme dans chacun de ses territoires.

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