Un an après ma nomination, cette audition est l'occasion de faire le point. J'effectue de nombreux déplacements : une vingtaine l'an passé. Je rencontre les banques et les assureurs-crédit, les partenaires sociaux professionnels, les chambres des métiers, les fédérations professionnelles, les acteurs publics. Je suis attachée à ce travail de terrain qui constitue une spécificité de ma mission : en effet, 80 % des entreprises qui nous sollicitent sont des entreprises de moins de dix salariés.
Selon les chiffres de la Banque de France, la distribution de crédits aux petites et moyennes entreprises, l'an passé, dans une conjoncture économique atone, a été faible : sur un an, l'encours de crédits n'a augmenté que de 0,5 % à fin octobre 2013. A ce sujet, attention à la confusion : toutes entreprises confondues, l'évolution du crédit bancaire aux entreprises a été négative car la désintermédiation est en marche, les grandes entreprises se finançant de plus en plus par le marché. Mais ce n'est pas le cas pour les PME : il est essentiel que lors des prochaines années, avec le nouveau cadre prudentiel, les banques continuent à les financer.
La courbe d'évolution du crédit aux PME est plate, mais, comme le montrent les collectes de statistiques spécifiques que la Banque de France consacre désormais aux TPE, les encours aux TPE ont augmenté de 2,3 %. Cela peut surprendre. Mais la situation des TPE est très hétérogène et leur taux de défaillances et de sinistralité augmente.
Le coût du crédit n'est pas excessif en France. Tant mieux pour les entreprises mais les banques se voient contraintes d'être plus exigeantes sur les garanties. Notre système bancaire fournit du crédit aux entreprises à des coûts très satisfaisants : c'est une de ses particularités.
Les cotations de la Banque de France, qui connaît bien les PME et dont le réseau de proximité s'est très facilement coulé dans la nouvelle mission de médiation du crédit, confirment que la situation de ces entreprises s'est dégradée l'an dernier.
Cela se lit dans la répartition de l'encours des crédits aux PME par classes de risque : la part des PME les mieux cotées a reculé d'un point. Les banques m'ont indiqué qu'elles n'avaient pas donné d'instructions pour réduire les crédits en cas de changement de cotation. Sans doute sont-elles néanmoins plus sourcilleuses sur les garanties.
Les enquêtes d'opinion relatives à l'accès au crédit sont contradictoires. La Banque de France réalise à ce titre des enquêtes trimestrielles auprès de 3 000 PME : il apparaît que 90 % de leurs demandes de crédits d'investissement ont été satisfaites ainsi que 75 % des demandes de crédits de trésorerie, soit les taux d'acceptation les plus hauts depuis 2012. Ces chiffres laissent cependant perplexes. Selon les enquêtes de la BPI ou de l'Ifop réalisée pour le compte de la CGPME, beaucoup de PME déclarent rencontrer des difficultés de trésorerie ou d'accès au crédit. S'agit-il d'autocensure ? Beaucoup de chefs d'entreprise déclarent s'autocensurer ; mais le phénomène est difficile à estimer. Parfois la situation des entreprises est tellement dégradée qu'aucun crédit ne les sauverait : dans un tel cas l'autocensure est justifiée, bien sûr.
Comme je vous l'ai indiqué, nous nous appuyons sur le réseau de la Banque de France. J'ai souhaité que la médiation soit réactive, visible, disponible, proactive, bien que, naturellement, nous ne puissions pas nous autosaisir. Le nombre des dossiers déposés a augmenté de près de 8 % en 2013 alors qu'il diminuait lentement depuis 2010, après avoir été très élevé - une lame de fond, avec plus de 16 000 dossiers ! - en 2009. Toutefois le nombre de dossiers que nous avons pu accepter augmente moins vite. En effet, certaines entreprises ont un bilan tellement dégradé que nous ne pouvons que leur conseiller de s'adresser sans perdre de temps au tribunal de commerce. La Médiation du crédit intervient en amont des procédures amiables et collectives. Il serait en effet contreproductif de mener une médiation en parallèle à une procédure judiciaire : cela risquerait de créer des distorsions de concurrence et de faire courir des risques à d'autres créanciers. C'est une question de déontologie.
Le ministre de l'Économie et des finances m'a confié une mission sur le financement des TPE, en tant que présidente de l'Observatoire du financement des entreprises. Celui-ci réunit non seulement des experts de la Banque de France, de l'Insee, de Bercy, de la BPI, mais aussi des représentants des fédérations patronales, comme l'Union professionnelle artisanale (UPA) ou la CGPME. La sinistralité des TPE est plus importante que celle des PME. Les défaillances des TPE ont augmenté en un an de 5,6 %, contre 1 % pour les PME. La sinistralité des auto-entrepreneurs est élevée car beaucoup d'entre eux ne sont pas préparés au métier d'entrepreneurs et doivent de ce fait cesser leur activité un ou deux ans après avoir démarré.
Comment se passe le dialogue entre les TPE et les banques ? Les petites entreprises sont-elles logées à la même enseigne que les grandes ? Cette clientèle est souvent traitée par les agences locales et non les centres d'affaires, à la différence des PME. Cela n'est pas irrationnel : le chef d'entreprise a dans la même agence son compte privé, peut-être des contrats d'assurance, des produits d'épargne... Cette réflexion sur les problèmes spécifiques des TPE avait déjà été engagée dans le cadre de l'Observatoire du financement des entreprises. En 2011, mon prédécesseur Gérard Rameix avait préconisé dans un rapport consacré au financement des TPE que les banques soient plus réactives et réduisent les délais de traitement. La Banque de France avait parallèlement mis en place un outil de suivi des crédits aux TPE. Depuis deux ans une évolution a été amorcée, notamment grâce à la mobilisation des experts-comptables. Ceux-ci sont des tiers de confiance de la Médiation et j'ai renouvelé la convention avec les experts-comptables afin qu'ils accompagnent leurs clients dans les démarches. Plusieurs réseaux bancaires, notamment mutualistes, ont signé des conventions et se sont engagés à répondre dans un délai de quinze jours aux petits dossiers qui portent le visa de l'expert-comptable. En outre, la BPI, a consacré 150 millions d'euros, sur les 850 millions qu'elle a alloués au préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), à des dossiers de moins de 15 000 euros sur lesquels elle ne gagne pas d'argent. Ce financement permet un soutien de la trésorerie. De même les dispositifs de mobilisation des créances sur les marchés publics et la ligne de créances « Avances plus » ont connu une progression très rapide depuis un an. Dans les secteurs du bâtiment, du petit commerce, des cafés-hôtels-restaurants ou des services aux particuliers, cette mobilisation rapide de financements constitue un soutien appréciable.
Enfin, les situations sont très hétérogènes : le nombre des saisines a fortement augmenté, avec de fortes disparités selon les régions, sans qu'il y ait toujours de lien avec l'attitude des banques : ainsi dans une région du centre de la France, la distribution de crédit apparaît dynamique alors que mes interlocuteurs ont souligné les difficultés des PME.
Nous sommes à l'écoute des territoires. Nous cherchons à prévenir les difficultés des entreprises : les outils existent mais, malheureusement, les chefs d'entreprise nous saisissent quand « la maison brûle ». Notre taux de succès est stable à 57 %. Les banques que nous contactons jouent le jeu ; encore faut-il que les chefs d'entreprises nous sollicitent...