Après l'échec de la commission mixte paritaire du 9 octobre dernier, le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
Notre commission avait rejeté, le 11 septembre dernier, ces deux textes avant que le Sénat, en séance publique, ne modifie profondément le projet de loi organique.
Sans surprise, l'Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, les textes qu'elle avait adoptés en première lecture, sous réserve de modifications essentiellement formelles. Elle est donc revenue sur l'ensemble des modifications opérées par notre assemblée, y compris - ce que l'on peut regretter - celles adoptées par le Sénat à la quasi-unanimité.
Les différences d'approche entre les deux assemblées sont désormais bien connues. L'Assemblée nationale est favorable à l'incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale - initialement proposée par le Gouvernement - ainsi qu'avec les fonctions « dérivées » locales, ce que l'Assemblée a souhaité introduire d'initiative.
A l'inverse, le Sénat, tout en admettant la nécessité de renforcer le régime d'incompatibilité, n'a pas souhaité appliquer ces nouvelles règles aux sénateurs et leur a ainsi créé un régime propre, eu égard à la fonction de représentation des collectivités territoriales que lui confie l'article 24 de la Constitution. Comme je l'ai indiqué en première lecture pour le déplorer, le Sénat mettait ainsi fin à l'identité de régime qui existe, depuis 1958, entre députés et sénateurs en matière d'incompatibilités. Il a aussi supprimé l'incompatibilité créée par l'Assemblée nationale avec les fonctions « dérivées » locales.
En première lecture, le Sénat a adopté sans modification le projet de loi ordinaire transmis par l'Assemblée nationale, mais les règles applicables aux représentants au Parlement européen dépendent de la rédaction finale du projet de loi organique. L'accord qui s'est exprimé est donc avant tout formel.
S'agissant du cumul des indemnités, l'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat qui avait décidé en première lecture, à l'unanimité, d'exclure pour un parlementaire la perception des autres indemnités liées à la détention d'un mandat ou de fonctions locaux. Elle a supprimé une disposition, introduite par le Sénat, plafonnant au montant de l'indemnité parlementaire de base les indemnités perçues au titre de plusieurs mandats locaux. Je vous proposerai deux amendements pour rétablir la rédaction adoptée par la Haute assemblée en première lecture.
De même, l'Assemblée nationale a supprimé la modification introduite par le Sénat, à l'unanimité, qui visait à obliger à l'organisation d'une élection partielle lorsqu'un parlementaire voyait son mandat cesser à la suite de la prolongation au-delà de six mois d'une mission auprès du Gouvernement. Le consensus exprimé sur ce sujet m'a conduit à également vous proposer un amendement pour rétablir la position du Sénat.
Enfin, le Sénat avait adopté, en première lecture, cinq articles additionnels au projet de loi que l'Assemblée nationale a supprimés en nouvelle lecture, les considérant sans lien avec le texte. Ils instituaient de nouvelles incompatibilités applicables aux collaborateurs du président de la République et aux membres des cabinets ministériels et renforçaient les inéligibilités applicables à l'ensemble des membres des cabinets des autorités exécutives locales.
En conclusion, cette réforme, à laquelle j'étais et je reste favorable, appelle une réflexion sur ses conséquences. Tel est le sens du rapport rendu par Jean-Claude Peyronnet, au nom de la délégation des collectivités territoriales et de la décentralisation, le 17 décembre dernier, Tirer les conséquences des règles de non-cumul : pour l'association des parlementaires aux commissions locales.
L'examen imminent, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, dont nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur sont à l'origine, sera également l'occasion de traiter du statut de l'élu.
Comme je l'ai marqué en première lecture au nom de notre commission, le cumul dit « horizontal » entre mandats et fonctions locaux devra nécessairement être abordé, dans un souci de justice et d'équilibre, lors d'un prochain véhicule législatif, tout comme le renforcement des moyens d'action des parlementaires. Les partisans comme les opposants à la réforme dont nous débattons, l'ont également souhaité, ce qui laisse espérer une approche consensuelle au sein de notre assemblée.
Conformément à la méthode arrêtée par le bureau de notre commission pour la discussion des textes en seconde ou nouvelle lecture, je me bornerai à indiquer, pour certains amendements, qu'ils ont été rejetés par le Sénat en première lecture. La commission ainsi éclairée pourra donc choisir de maintenir sa position ou pas.
En outre, en application de l'article 45 de la Constitution et des alinéas 5 et 6 de l'article 48 de notre Règlement qui fixent la règle dite de l'entonnoir, deux amendements déposés par Mme Lipietz sont irrecevables car ils conduisent à remettre en cause des dispositions adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées dès la première lecture. Je les signalerai lorsque la commission viendra à leur examen.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous remercie d'avoir rappelé ces points de méthode. Je signale que le rapport sur la proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leurs mandats, sera présenté par M. Bernard Saugey lors de notre réunion de mercredi prochain.