Intervention de Simon Sutour

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 janvier 2014 : 1ère réunion
Procédures européennes de règlement des petits litiges — Communication

Photo de Simon SutourSimon Sutour, rapporteur :

A partir du moment où il est adopté, un règlement européen est un texte qui s'applique immédiatement dans tous les pays de l'Union. La situation est donc bien différente de celle d'une directive qui doit faire l'objet d'une transposition.

Le mois dernier, notre commission s'est saisie de la proposition de règlement relative à la procédure européenne simplifiée de règlement des petits litiges, qui a été transmise au Sénat le 29 novembre 2013. Ce texte renforce cette procédure européenne, prévue par le règlement du 11 juillet 2007, en vigueur dans l'Union depuis le 1er janvier 2009. Il modifie également le règlement du 12 décembre 2006 en précisant que la procédure européenne simplifiée de règlement des petits litiges peut s'appliquer aux procédures européennes d'injonction de payer.

Cette procédure simplifiée a été mise en place au niveau européen pour améliorer l'accès à la justice, rendu parfois complexe en présence d'un élément transfrontalier, en simplifiant et en accélérant le règlement de ces litiges et en réduisant les coûts de procédure pour les parties. Elle est applicable aux personnes physiques et morales en matière civile et commerciale, pour les contentieux transfrontaliers d'un montant limité à 2 000 euros. Cette procédure est allégée à plusieurs titres : elle est principalement écrite, elle est fondée sur l'utilisation de formulaires types et la représentation par un avocat n'est pas obligatoire. L'exécution de la décision est également facilitée car elle ne nécessite pas ensuite de procédure intermédiaire (exequatur) pour être mise en oeuvre.

Cependant, la procédure européenne simplifiée de règlement des petits litiges demeure méconnue et peu utilisée. Selon une enquête Eurobaromètre, seules 12 % des personnes interrogées la connaissent et 1 % seulement l'ont déjà utilisée. Quant aux entreprises, 45 % ayant un litige transfrontalier ne saisissent pas la justice car les frais de procédure seraient disproportionnés au regard du montant des demandes et 27 % parce que la procédure serait trop longue.

Cette proposition de règlement entend modifier cette procédure pour la rendre plus accessible et plus efficace. Selon l'exposé des motifs, l'amélioration de l'efficacité de la justice contribuerait à la réalisation des priorités politiques actuelles de l'Union, consistant à favoriser la reprise économique et la croissance durable. À cet effet, la proposition de règlement modifie la règlementation en vigueur sur plusieurs points : elle élève le seuil d'application de la procédure de 2 000 à 10 000 euros ; elle impose aux juridictions l'obligation d'utiliser la vidéoconférence ; elle favorise les notifications par voie électronique ; elle plafonne les frais de justice acquittés par les justiciables, en proportion du montant du litige.

Si nous soutenons l'objectif général énoncé par la proposition de règlement, plusieurs dispositions posent des problèmes au regard de notre législation. Notre proposition de résolution européenne souhaite donc faire évoluer la proposition de règlement sur plusieurs points.

Premièrement, le texte propose d'étendre le champ d'application de la procédure européenne simplifiée aux litiges transfrontaliers dont le montant atteint jusqu'à 10 000 euros contre 2 000 euros actuellement. Cette élévation, applicable aux seuls litiges transfrontaliers ne serait pas cohérente avec les seuils retenus, en droit français, pour les procédures simplifiées. En effet, le seuil en deçà duquel il est possible d'assigner son adversaire par simple déclaration au greffe du tribunal d'instance est de 4 000 euros, ce qui correspondait au seuil maximum de compétence de la juridiction de proximité. Il s'agit aussi du seuil en deçà duquel il n'y a pas d'appel possible, mais seulement la cassation. Par conséquent, si le plafond de 10 000 euros était retenu, un Français pourrait être attrait à une procédure simplifiée, qui ne présente pas les mêmes garanties pour la défense, alors que sa cause relèverait, si le litige était uniquement situé en France, d'une procédure et de garanties normales.

Deuxièmement, le texte prévoit un recours quasi-systématique aux moyens de communication électronique pour l'ensemble des échanges au cours de la procédure. Certes, ces moyens font gagner du temps, mais il est préférable de maintenir explicitement la possibilité de recourir à la voie postale en raison du risque de rupture d'égalité entre les personnes qui possèdent un équipement informatique et les autres. Si cette possibilité semble implicitement admise par la proposition de règlement, qui impose l'acceptation de ces moyens de communication par les parties, ce point mérite d'être clarifié.

Troisièmement, la modification de la règlementation en vigueur renforcerait le caractère écrit de la procédure et restreindrait la liberté du juge d'apprécier l'opportunité de tenir une audience ou de recourir à des preuves orales.

Favoriser la célérité de la procédure ne peut être considéré comme une fin en soi. Priorité doit être donnée à la protection des droits des parties, notamment du droit à être entendu par un juge. C'est pourquoi le juge doit conserver sa liberté d'appréciation, ce qui est le cas dans le règlement appliqué actuellement. Conservons donc la rédaction en vigueur.

Quatrièmement, en cas d'audience, le texte impose aux juridictions d'utiliser la vidéoconférence ou d'autres moyens de communication à distance équivalents. Les parties n'auraient ainsi plus besoin de se déplacer dans un autre État mais cette procédure obligerait les membres de l'Union à équiper leurs juridictions de technologies de communication appropriées, ce qui pourrait s'avérer très coûteux. De plus, cela supposerait de mobiliser des personnels d'une autre juridiction que celle saisie pour que la partie convoquée, qui ne se déplacera pas à l'audience, puisse se connecter à partir de la juridiction la plus proche.

Le maintien d'une simple faculté pour la juridiction d'utiliser les moyens de communication à distance, actuellement prévue par le règlement de 2007, serait plus approprié. Cette solution a d'ailleurs été retenue en droit français par la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.

Dernier point : la proposition de règlement limite les frais de justice supportés par les parties à 10 % du montant de la demande. Au-delà de ce plafond, ils seraient considérés comme disproportionnés et constituant un obstacle à l'accès à la justice. Or, il est possible, dans un contexte transfrontalier, que les frais engagés soient supérieurs à ce seuil, notamment s'il faut traduire les pièces échangées. Qui supportera alors le coût des frais de justice supérieurs ? Il semble que l'État devra supporter cette charge, or nous connaissons tous les difficultés à financer les frais de justice. Ce point mérite donc également des éclaircissements.

Cette proposition de résolution européenne améliore la cohérence de la règlementation européenne avec notre droit national Je vous propose de l'adopter, étant entendu que vous pourrez déposer des amendements qui seront examinés lorsque nous débattrons de cette résolution en commission le 22 janvier pour la voter définitivement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion