Intervention de François Pillet

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 17 décembre 2013 : 1ère réunion
Examen du rapport de M. Jean-Claude Peyronnet « la place des parlementaires dans les instances locales après l'adoption des nouvelles règles de non-cumul » ; Audition de M. François Pillet sur les communes et la sécurité

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

La commission des Lois nous a confié, à M. Vandierendonck et à moi, l'élaboration d'un rapport d'information sur les polices municipales. Nous sommes parvenus à des conclusions partagées.

Nous sommes partis du constat que le thème de la sécurité préoccupait de façon croissante nos concitoyens, et que l'exigence de sécurité s'appliquait à toutes les forces qui y participent : gendarmerie, police nationale, polices municipales, sociétés privées.

Je rappelle qu'il existait 5 600 agents de police municipale en 1984, et qu'ils étaient 18 300 en 2013. Dans le même temps, les 20 000 gardes champêtres en fonction en 1950 n'étaient plus que 1 450 en 2013.

La demande de sécurité exprimée par les populations conduit ainsi les maires à recourir de façon croissante aux polices municipales, indépendamment des réorganisations ou de l'éventuelle diminution des effectifs de police ou de gendarmerie. Aujourd'hui, 3 800 municipalités ont créé une police municipale. Il en existe de natures très diverses, en fonction de la densité de la population ou de la localisation géographique. Ainsi, les villes de Nice, Dijon ou Evry ont-elles des doctrines d'emploi et une définition des tâches de leurs polices municipales très différentes, tout comme l'est le type d'armement qu'elles attribuent à celles-ci.

Suivant le contexte local, les municipalités mettent l'accent tantôt sur les tâches de prévention, tantôt sur celles de répression. La priorité des grandes villes est incontestablement d'assurer la sécurité maximale.

Nous avons constaté une crise d'identité parmi les personnels des polices municipales, qui ne distinguent pas toujours clairement les fonctions de prévention et de répression.

Pour tenter de dissiper cette ambiguïté, nous avons proposé que les polices municipales, regroupées avec les gardes champêtres, constituent une « police territoriale », dénomination qui a le mérite de la clarté en ce qui concerne les missions assignées à ces personnels, mais se trouve mal perçue par la police nationale.

Nous avons également observé que les agents de surveillance de la voie publique constituent une sorte de prolétariat de la sécurité, et qu'ils sont souvent utilisés pour des taches pour lesquels ils ne sont pas formés. Ainsi, à Nice, le centre de surveillance urbaine, qui regroupe les images collectées par la vidéo-surveillance, emploie des agents peu formés à cette tâche, et qui n'ont pas de statut bien défini. Alors qu'ils ont été recrutés pour la surveillance du stationnement, ils sont souvent utilisés de façon beaucoup plus large.

Il nous est donc apparu nécessaire de mettre fin à l'éparpillement des statuts et des compétences des personnels des polices municipales.

Parmi les problèmes que nous avons identifiés, et sans entrer dans les détails, j'évoquerai les sujets suivants : les modalités de recrutement des directeurs ou encore une redéfinition de l'indemnité spéciale de fonction. Nous sommes allés très loin dans notre réflexion sur une meilleure identification de la police municipale, car nous avons posé la question d'un uniforme spécifique permettant de distinguer immédiatement ces agents de la police nationale. Mais cette solution soulèvera trop de réactions pour avoir un avenir.

Par ailleurs, nous préconisons des mesures simples pour répondre à la crise de croissance des effectifs. Il ne s'agit pas de donner plus de pouvoirs aux policiers municipaux mais de leur permettre d'exercer pleinement ceux dont ils disposent. Nous avons constaté qu'il était très difficile pour la police municipale de verbaliser en cas d'infraction à un arrêté de police du maire lorsqu'il n'est pas possible d'infliger une amende forfaitaire. L'agent de police municipale doit alors dresser un vrai procès-verbal. Je pense notamment aux arrêtés du maire pénalisant le citoyen qui sort ses poubelles trois jours avant la date de ramassage des ordures et pollue ainsi visuellement et olfactivement la ville. Nous avons suggéré d'étendre la sphère des amendes sur carnet. Cela ne devrait pas poser beaucoup problème.

Il nous semble également important d'élargir l'accès de la police municipale à certains fichiers. Ainsi les garagistes ont accès à certains fichiers, alors que la police municipale ne dispose pas des autorisations nécessaires pour consulter les mêmes. Actuellement, elle doit s'adresser à la gendarmerie ou au commissariat local. À partir du moment où un agent dispose du droit de constater une infraction, il doit disposer du droit de consulter le fichier correspondant, sous réserve, bien entendu, de la mise en place d'un cadre juridique précis. Par ailleurs, la police municipale, devenue police territoriale, va être sollicitée, dans le cadre de la mise en place des zones de sécurité prioritaires, pour participer à l'oeuvre de sécurité. Or, nous avons constaté que souvent les conventions de coopération entre le maire disposant d'une police municipale et la police nationale ou la gendarmerie sont insuffisamment précises et pas assez synallagmatiques. Il faut notamment fixer avec précision qui fait quoi et dans quel cas une action commune est envisageable. Ces conventions doivent être beaucoup plus élaborées, beaucoup plus réfléchies. Les conventions devront également régler les problèmes de vidéo-protection. En effet, la vidéo-protection est un outil communal auquel a accès, par accord, la police nationale ou la gendarmerie.

Notre rapport n'a pas vocation à tout bouleverser. Son but était de clarifier, de rassurer, de bien distinguer police municipale, police nationale et gendarmerie, et de réunifier le corps municipal du maintien de l'ordre pour lui donner un statut ou, à tout le moins, une existence cohérente.

À la suite de la publication de ce rapport, un débat en séance publique a eu lieu au Sénat, puis avec mon co-rapporteur René Vandierendonck, nous avons rencontré le ministre Manuel Valls, qui s'est montré très intéressé. Pour lui, ce rapport doit avoir une suite. René Vandierendonck et moi avons élaboré une proposition de loi qui est en cours de pré-négociations. Nous en avons parlé avec les services du ministère, nous organisons à nouveau des tables rondes avec les syndicats de police municipale et de gardes champêtres, avec pour objectif le dépôt d'une proposition de loi aboutie. Nous espérons son examen assez rapide. La notion de police territoriale est acceptée par le ministère de l'Intérieur et Manuel Valls s'est montré intéressé par une recomposition du paysage. Enfin, en ce qui concerne l'armement, il s'agit d'une prérogative du maire. Bien évidemment, cela nécessite un encadrement, une délimitation qui se précise dans la convention de négociation. Mais il n'est pas question de désarmer, ni d'armer tout le monde.

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