Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de la tenue, sur l’initiative du groupe socialiste, de ce débat sur les négociations du partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement. Le Sénat montre une fois de plus sa pleine implication dans les grands débats portant sur des choix de société et dans la préparation de ces négociations dont les enjeux sont mondiaux et déterminants quant à la place de la France et de l’Europe dans l’économie internationale.
Le Sénat s’est saisi de ce sujet dès l’ouverture des négociations, en février 2013, et s’est exprimé par une résolution sur l’ensemble du mandat de négociation de ce partenariat transatlantique. Il y a rappelé son attachement au multilatéralisme, tout en faisant valoir que celui-ci n’exclut pas la conclusion d’accords bilatéraux plus ambitieux que ceux, décevants, conclus au sein de l’OMC.
Le Sénat estime que la perspective de ce partenariat transatlantique représente une opportunité importante pour l’Union européenne, et qu’un tel accord est susceptible d’insuffler une nouvelle dynamique aux relations transatlantiques et de contribuer à la croissance en développant nos échanges.
L’enjeu est de taille. Je rappelle que les États-Unis sont le premier partenaire de l’Union européenne. À eux deux, l’Union européenne et les États-Unis représentent près de la moitié du produit intérieur brut mondial, 25 % des exportations et 32 % des importations. Les États-Unis sont également le cinquième partenaire commercial de la France et le premier investisseur étranger dans notre pays, avec 88 milliards d’euros investis et 450 000 emplois créés.
Le Sénat a également rappelé les points sur lesquels il entend exercer sa vigilance et les priorités européennes à défendre dans la négociation.
La partie qui se joue est certes difficile, mais je suis convaincue que nous devons être ambitieux et faire preuve de détermination afin de négocier le meilleur accord possible, équilibré et bénéfique, tant pour l’Union européenne que pour la France.
Le débat d’aujourd’hui nous donne l’occasion, madame la ministre, de vous entendre sur l’état d’avancement des négociations alors que s’achève leur phase préliminaire, ainsi que d’évoquer devant vous certaines de nos interrogations, au moment où Européens et Américains s’apprêtent à entrer dans le vif du sujet.
Ces négociations vont porter sur plusieurs secteurs que nous considérons comme très sensibles. Nous mesurons les difficultés que ne manquera pas de poser, par exemple, l’harmonisation des normes et des standards des deux côtés de l’Atlantique, en particulier en ce qui concerne les règles phytosanitaires et environnementales, pour les produits agricoles notamment. Je souhaiterais aborder plus particulièrement ce sujet.
Madame la ministre, je connais votre volonté et votre attachement à la protection des consommateurs et à l’harmonisation par le haut des normes sociales et environnementales. Je salue la position de la France, qui est opposée au mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs. Il importe d’affirmer clairement notre détermination à veiller à éviter un nivellement par le bas de nos législations et à garantir la préservation de nos spécificités.
Je pense en particulier, dans le domaine de la recherche agricole, à la nécessité de maintenir le système du certificat d’obtention végétale pour les semences face au brevetage anglo-saxon, qui tend à le grignoter.
Vous le savez, cette négociation rencontre des points d’achoppement majeurs en matière agricole, qui crispent les relations entre les deux parties : les OGM, l’utilisation des hormones de croissance, la décontamination des carcasses et les fameux poulets chlorés, la viande issue d’animaux clonés ou la protection européenne des dénominations.
L’Europe a des intérêts importants à faire valoir en matière de mesures sanitaires et je tiens, madame la ministre, à saluer ici votre action, qui a permis d’inscrire dans le mandat de négociation la préservation des acquis européens et la non-remise en cause des législations nationales. Nous savons votre détermination à tenir bon sur les préférences collectives, mais nous craignons de voir certaines de ces questions réintroduites dans le champ de l’accord lors des discussions à venir. Pouvez-vous nous réaffirmer l’engagement de la France à être vigilante sur ce point ?
Par ailleurs, nous espérons que le système des indications géographiques sera pleinement reconnu par les États-Unis.
Sous l’impulsion de la France, la reconnaissance des indications géographiques protégées, les IGP, a été inscrite comme un objectif dans le mandat de négociation, et nous avons appris avec satisfaction que l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada intègre 145 indications géographiques, dont 31 françaises, ce qui va garantir aux producteurs européens de produits agricoles bénéficiant d’indications géographiques une protection sur le marché canadien, où ils n’en bénéficient actuellement d’aucune. C’est un précédent important pour les négociations commerciales multilatérales.
Sur ces sujets, l’Europe doit être ferme et solidaire pour défendre ses valeurs.
Cet accord commercial doit donc nous permettre de renforcer nos positions sur certains marchés et d’en conquérir de nouvelles en décloisonnant le marché américain, qui est très protégé.
Dans le secteur agricole, nous avons un fort potentiel d’exportation de nos produits laitiers – ceux de Normandie ont déjà été évoqués, je citerai pour ma part, au nom du Massif central, le roquefort !