Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 9 janvier 2014 à 10h00
Débat sur les négociations commerciales transatlantiques

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Au demeurant, je ne doute pas, madame la ministre, de votre attachement à la mise en place d’une stratégie de croissance européenne.

Par ailleurs, j’entends des cris d’orfraie contre les normes françaises, qui seraient d’une terrible dureté. Je constate que moins il y a de régulation, plus il y a de normes, souvent inadaptées aux réalités du terrain. De plus, ce sont les mêmes qui dénoncent les normes et qui chantent les louanges de l’Union européenne, alors que 80 % des normes sont issues de directives européennes ! Cela serait risible, si cette situation n’avait des incidences terribles pour notre économie nationale.

Dans cette négociation, quels sont les enjeux essentiels et les verrous pour l’Europe et pour la France ?

Premièrement, j’évoquerai les normes sociales et environnementales. On entend toujours les mêmes discours lénifiants sur la préservation de nos acquis communautaires, mais, concrètement, comment être sûrs que nous ne serons pas contraints, par exemple, d’accepter l’importation de produits OGM ? Comment être sûrs que les normes européennes seront préservées ? Comment être sûrs que toutes les normes de l’Organisation internationale du travail seront bien respectées par l’ensemble des signataires, même si elles ne suffisent d’ailleurs pas, hélas ! à limiter le dumping social ?

Deuxièmement, la désindustrialisation nous menace. Si l’Europe peut tirer globalement de la mise en place du partenariat un certain bénéfice en termes de croissance, la situation sera très différente selon les secteurs industriels et les pays.

D'ailleurs, madame la ministre, si l’étude d’impact de la Commission européenne nous laisse entrevoir le bonheur qui nous attend, elle indique cependant que certains secteurs subiront un choc initial, et d’autres un choc durable. La liste des secteurs concernés permet de mesurer à quel point ces chocs affecteront la France : viande, engrais, bioéthanol, machines électriques, équipements de transport – un domaine où nos positions sont particulièrement fortes –, métallurgie, bois, papier, services d’affaires, communication, services personnels… La Commission européenne indique qu’« il pourrait y avoir des coûts d’ajustement substantiels et prolongés. Il est clair que, même si la main-d’œuvre a la possibilité d’affluer dans les secteurs où la demande augmente, il y aura des secteurs où les pertes d’emplois seront importantes ». Excusez du peu !

La France et, d’une manière générale, les pays du sud de l’Europe seront touchés de plein fouet. En effet, la logique du libéralisme veut que le fort devienne plus fort, le faible plus faible, l’intermédiaire étant écartelé entre les deux. Dans ces conditions, comment allons-nous protéger nos secteurs industriels ? Quelles stratégies défensives allons-nous mettre en œuvre pour parer aux menaces décrites par la Commission européenne elle-même ?

Enfin, plusieurs des orateurs qui m’ont précédée, en particulier Daniel Raoul, ont mis l’accent sur le risque que les intérêts des investisseurs prévalent sur les choix démocratiques.

Madame la ministre, le gouvernement de Lionel Jospin avait refusé l’AMI. Je considère que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault doit refuser que les investissements soient inclus dans le champ du partenariat transatlantique. En effet, nous savons d’expérience qu’il arrive souvent que des États soient condamnés à dédommager des firmes multinationales dont l’activité a été affectée par des changements de réglementation, par exemple dans les domaines sanitaire ou foncier. Il me semble donc que nous devrions tout de suite dire à nos partenaires que nous refuserons de ratifier un accord qui prévoirait la mise en place d’un tel mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

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