Le professeur Chevallier vous l'a dit, il faut, d'abord, réfléchir au caractère dual de notre système de protection des données, organisé en deux commissions : la Cnil et la Cada. Je ne suis pas favorable à leur fusion, car leurs périmètres sont distincts, et ne se recouvrent que sur la question des données à caractère personnel. Cette question est très importante, mais ne doit pas être le prisme unique à travers lequel la problématique de la transparence administrative est abordée. Les deux commissions ne s'estiment pas en concurrence, en vertu du principe d'unité de l'Etat, bien que deux divergences soient toutefois apparues entre elles. Sur les règles fixées par le code du patrimoine sur la réutilisation des données, nous avons alors laissé la Cnil faire du droit dur dans du droit mou en fixant par une délibération des délais qui auraient pu figurer dans la loi.
Distinguons l'accès aux documents administratifs, leur diffusion et leur réutilisation. L'accès est exclusivement régi par les dispositions de l'article 6 de la loi, qui définissent ce qui est secret et donc accessible par le seul intéressé. En principe, la notion de données à caractère personnel recouvre toute donnée identifiante. Une conception aussi extensive interdirait tout débat public : les noms de MM. Hollande et Sarkozy, par exemple, sont mentionnés tous les jours dans la presse, donc sur internet ; il faudrait demander leur autorisation à chaque fois... Cette notion entre en ligne de compte uniquement dans les règles de diffusion et de réutilisation. La question est alors celle de la frontière entre ce qui appartient au domaine public et le reste. Faut-il donner aux autorités administratives indépendantes compétence pour la tracer ? Les libertés publiques sont en jeu, c'est donc au législateur d'intervenir - ce serait plutôt ma position.
Qu'est-ce qu'un document administratif ? Pour les informations environnementales, le code de l'environnement, transcrivant les directives européennes, le définit comme un document détenu par une personne publique. La loi Cada, quant à elle, le définit comme une information produite ou détenue par une personne publique dans le cadre de sa mission de service public et par une personne privée chargée d'une mission de service public. Cette rédaction visait à codifier la jurisprudence antérieure de la Cada et du Conseil d'Etat, mais l'expression « dans le cadre de sa mission de service public », qui se comprend bien pour une personne privée, est plus embarrassante pour les personnes publiques, dont la quasi-totalité de l'activité est une mission de service public. La jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat distinguait selon le régime juridique de l'activité : si celle-ci relevait du droit administratif, on avait un document administratif ; si elle était organisée sous le régime du droit privé, c'est qu'elle était concurrentielle et il n'y avait pas de raison de faire peser sur un service public industriel et commercial des charges dont ses concurrents étaient exemptés.
La solution retenue actuellement fait une synthèse entre cette jurisprudence et la doctrine de la Cada : le régime juridique de l'activité reste le critère pour les services publics industriels et commerciaux dans leurs relations avec leurs usagers et leurs agents. Pour les marchés, nous essayons de déterminer l'étroitesse du lien avec un service public - comme on faisait autrefois pour déterminer si un agent était un agent public ou non. En clarifiant les choses, le législateur réduirait l'insécurité juridique.
Qui sont les bénéficiaires de la loi Cada ? Le code de l'environnement donne actuellement compétence à la Cada sur les litiges entre personnes publiques pour l'accès à une information environnementale. La loi Cada de 1978 était conçue pour le citoyen. La Cada estime que pour cette loi, les contestations entre personnes publiques ne relèvent pas de sa compétence. Il serait possible de faire autrement, la Cada en a la capacité, mais son rôle en serait modifié : elle serait alors au service du citoyen et de celui de la démocratie.
Il me semble que la nouvelle directive sur la réutilisation sera transposée a maxima puisque les politiques actuelles vont au-delà de ses exigences. L'information publique est désormais considérée comme une matière première, et l'on escompte retrouver par l'impôt sur les sociétés ce qui sera perdu dans des redevances difficiles à gérer. La Cada est un organisme consultatif dont les avis, motivés, sont le plus souvent suivis. Voulons-nous lui donner un pouvoir de décision ?