Intervention de Christian Favier

Réunion du 15 janvier 2014 à 14h30
Ville et cohésion urbaine — Article 9 bis, amendement 23

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de cette intervention pour défendre l’amendement n° 23 rectifié, que les membres de mon groupe ont déposé sur cet article.

Nous touchons, par l’article 9 bis, aux limites concrètes du présent projet de loi. En effet, si nous partageons la définition d’un critère unique fondé sur le niveau de revenu, qui permet de donner de la cohérence et de lisibilité, nous déplorons que son utilisation, à enveloppe budgétaire constante, conduise à sortir de la politique de la ville près de la moitié des quartiers auparavant définis comme prioritaires.

Pour accompagner cette sortie, lors de l’examen du texte en commission, les députés ont, sur proposition du Gouvernement, inséré un article additionnel qui instaure, en faveur des quartiers sortants, un dispositif de veille active mis en place par l’État et les collectivités territoriales. Concrètement, cela se traduira par la possibilité, pour ces quartiers, d’être couverts par un contrat de ville. Pour notre part, nous proposerons qu’il s’agisse d’un droit et non pas seulement d’une faculté.

Les moyens mobilisés seront ceux qui relèvent des politiques de droit commun. Une telle démarche permet, en effet, d’apporter de la transparence.

Pour autant, et malgré ce dispositif, les élus sont inquiets. Ce dispositif nous semble, en effet, lourd de conséquences.

Je prendrai l’exemple de mon département, le Val-de-Marne, qui compte aujourd’hui 93 périmètres relevant d’un contrat urbain de cohésion sociale, ou CUCS, dont 23 zones urbaines sensibles, les ZUS, qui forment un ensemble de 78 quartiers relevant de la politique de la ville pour une population concernée d’environ 340 000 habitants. Selon les hypothèses que nous avons retenues, et en fonction du nouveau critère de géographie prioritaire, entre 35 et 50 quartiers val-de-marnais pourraient « sortir » des dispositifs de la politique de la ville.

Parallèlement, cette sortie risque d’entraîner une réduction mécanique des financements en faveur de la politique de la ville. En effet, aujourd’hui, l’enveloppe spécifique allouée annuellement par l’État à la politique de la ville dans le Val-de-Marne s’élève à environ 10 millions d'euros ; elle est dédiée au soutien d’un nombre significatif d’actions et d’acteurs dans les quartiers.

Pour ce qui concerne l’investissement, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, aura accordé 507 millions d'euros au terme du premier programme national de rénovation urbaine, le PNRU 1, pour la rénovation de 16 sites et la conduite d’« opérations isolées » dans 11 autres quartiers. J’ajoute que le département a, pour sa part, dégagé plus de 120 millions d'euros afin d’accompagner les efforts de l’État.

Conséquence directe de la diminution du nombre de quartiers concernés par la politique de la ville, les crédits spécifiques alloués tant à la rénovation de ces quartiers qu’au soutien des dynamiques sociales risquent de connaître une baisse significative, alors qu’il faudrait au contraire renforcer la présence de l’État dans ces territoires toujours fragiles au regard de la brutalité de la crise que nous traversons et des choix gouvernementaux.

La contraction des crédits alloués à la politique de la ville et la diminution du nombre de quartiers concernés font ainsi peser un risque de désengagement important pour les quartiers qui, au 1er janvier 2015, sortiront du dispositif et feront l’objet d’un dispositif de veille active.

Le présent projet de loi vise à faire appel au droit commun de l’État et des collectivités territoriales afin de « conforter la situation de ces quartiers. »

En l’état actuel des finances publiques, et après les déclarations qu’a faites hier le Président de la République, il est à craindre que la mobilisation des crédits d’État de droit commun ne soit très relative et insuffisante pour répondre aux besoins de ces territoires. Les collectivités locales, au premier rang desquelles les intercommunalités mais aussi les départements, seront conduites à compenser ce probable retrait des crédits de l’État.

En réduisant le périmètre d’intervention de l’État, au nom de la lutte contre le saupoudrage des deniers publics, on risque de fragiliser des territoires où les équilibres sont précaires ; on ouvre même la porte à des reculs et à la dégradation de la situation dans certains de ces quartiers.

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