Pour ce qui concerne l’amendement n° 66 rectifié, une fois encore, faisons preuve de franchise. La présente réforme a pour objet de mettre de l’ordre dans la politique de la ville, dans l’ensemble des zonages et des dispositifs.
Et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, tout particulièrement ceux d’entre vous qui siègent sur les travées situées sur la droite de l’hémicycle, ce n’était pas une réforme facile : les conséquences attendues de celle qui avait été lancée en 2009 étaient d’une telle ampleur – j’en veux pour preuve, notamment, le retrait de la géographie prioritaire du quartier des Minguettes situé dans la commune de Vénissieux – que le Premier ministre de l’époque, dans sa grande sagesse, avait décidé de la repousser après 2014, c’est-à-dire, je suppose, après les échéances municipales.
Pour notre part, nous avons totalement changé de méthodologie. À l’origine, j’avais indiqué que nous visions entre 500 et 1 000 quartiers ; en fait, ce sont quelque 1 350 quartiers sur les 2 500 relevant actuellement de la politique de la ville qui seront concernés. Selon moi, le critère de la concentration de pauvreté permet d’atteindre le bon équilibre.
Mais ne cédons pas à la tentation de faire entrer par la fenêtre ce que l’on n’a pas réussi à faire entrer par la porte, tentation que je décèle dans vos discours ou dans les courriers que je reçois et qui sont tous rédigés selon un même plan !
Premier paragraphe : « Monsieur le ministre, votre réforme est admirable et indispensable ; nous l’attendions depuis des années. Il faut concentrer les moyens. »
Deuxième paragraphe : « Néanmoins, j’attire votre attention sur la situation de ma commune. »
Enfin, troisième paragraphe : « Je vous demande de bien vouloir inscrire les quartiers de ma ville parmi les quartiers prioritaires. »
C’est en totale contradiction avec le critère d’objectivité !
Je comprends une telle attitude de la part de simples élus locaux, mais ici, au sein de la Haute Assemblée, vous devez avoir le souci de l’intérêt général. Au-delà de la difficulté, soulignée par M. le rapporteur, de passer d’une évaluation tous les quinze ans à une évaluation annuelle, vous imaginez bien que la tentation sera d’étendre la politique de la ville à de nouveaux quartiers. Mais nous nous efforçons de fixer un cadre lisible qui donne aux élus le temps nécessaire pour travailler.
Six ans, c’est la durée du mandat municipal. Or, nous le savons, l’État et les collectivités, notamment les départements, les régions, conformément à votre vote d’hier, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que l’ensemble des acteurs supplémentaires prévus dans le présent texte, qu’ils soient économiques, sociaux, devront dresser un diagnostic, puis déterminer les actions communes à réaliser et la façon de les mettre en œuvre. Cela prendra plusieurs mois. Il restera alors cinq ans opérationnels pour pouvoir agir dans la durée et de manière structurelle, parce que c’est aussi l’objet du présent projet de loi.
Mais si l’on effectue une évaluation annuelle au terme de laquelle pourrait se produire un basculement de certains quartiers actuellement situés en périmètre de veille active en quartiers prioritaires, des questions seront sans cesse posées et tout le système sera bouleversé.
Comme M. le rapporteur, je me suis interrogé. Imaginons des villes dans lesquelles une usine d’une grande importance pour elles met soudain la clé sous la porte, conduisant des centaines de personnes à se trouver au chômage. En général, l’incidence d’une telle situation se fait sentir deux à trois ans plus tard. Par conséquent, une évaluation annuelle ne serait pas d’une grande utilité.
Le cadre de six ans que nous prévoyons sera, en réalité de cinq ans, eu égard au temps nécessaire pour l’installation des conseils municipaux, des syndicats intercommunaux, des intercommunalités et pour l’établissement du diagnostic. Nous arriverons à la fin de l’année 2014 ; resteront alors seulement quatre années véritablement opérationnelles, puisque la cinquième est une année pré-électorale…
Je pense donc qu’il est préférable d’en rester au cadre que nous proposons. D’ailleurs, l’avantage du critère unique, outre, comme je le disais hier, sa lisibilité, sa transparence et son objectivité totale, est que dorénavant, c’est certain, une évaluation – par voie de conséquence, un renouvellement de la carte – sera effectuée après chaque renouvellement municipal.
J’ajoute enfin un dernier argument. Selon vous, monsieur Dallier, cette évaluation doit permettre de sortir du dispositif de veille active. Or le seul critère requis pour relever de ce dernier est que le quartier en cause qui n’est pas aujourd'hui quartier prioritaire de la politique de la ville l’ait été à un moment donné.
De plus, selon quels critères estimer l’exclusion d’un quartier du dispositif de veille active, sauf à retomber dans les errements qu’a connus la politique de la ville depuis trente ans ?
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable.