Intervention de Simon Sutour

Réunion du 15 janvier 2014 à 14h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisie en nouvelle lecture du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, la commission des lois a rétabli l’essentiel des modifications que le Sénat avait adoptées en première lecture en séance publique.

L’échec de la commission mixte paritaire du 9 octobre dernier a mis en lumière les principales différences d’approche entre les deux assemblées parlementaires sur la question de la limitation du cumul des mandats.

À l’issue de cette commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a fort logiquement rétabli, en nouvelle lecture, les textes qu’elle avait adoptés en première lecture, sous réserve de modifications essentiellement formelles. Elle est donc revenue sur l’ensemble des modifications opérées par notre assemblée, y compris celles qui avaient été adoptées par le Sénat à la quasi-unanimité.

La seule modification notable, je veux le souligner, porte sur la concession de l’Assemblée nationale relative aux fonctions « dérivées » locales. Alors qu’elle avait adopté, en première lecture, une incompatibilité interdisant à un parlementaire d’être non seulement président ou vice-président, mais aussi membre d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale, d’une société publique locale, d’un établissement public local, etc., elle a, en nouvelle lecture et sur l’initiative de son rapporteur, décidé de limiter le champ d’incompatibilité aux seules fonctions exécutives – ce qui est dans la logique de la réforme proposée par le Gouvernement. Ainsi, un parlementaire pourra continuer à siéger au sein de ces organismes locaux.

Sans être exhaustif sur les dispositions des deux textes que vient de présenter M. le ministre, je rappellerai que l’Assemblée nationale est favorable, sur le principe, à l’incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale – ce qui était initialement proposé par le Gouvernement. De sa propre initiative, elle a étendu cette incompatibilité aux fonctions « dérivées » locales, comme je viens de l’évoquer à l’instant.

À l’inverse, le Sénat, tout en admettant la nécessité de renforcer le régime d’incompatibilité, n’a pas souhaité appliquer ces nouvelles règles aux sénateurs eux-mêmes et a ainsi créé en leur faveur un régime propre, invoquant comme argument la fonction de représentation des collectivités territoriales que l’article 24 de la Constitution confie à la Haute Assemblée.

La commission a ainsi créé une exception à l’identité de régime qui existe, depuis 1958, entre députés et sénateurs en matière d’incompatibilités. À titre personnel, vous le savez, je suis favorable au maintien de cette identité de régime, considérant qu’elle est la marque et, plus encore, la protection de la vocation généraliste du Sénat.

Cependant, la commission des lois a estimé, dans sa majorité, qu’aucune exigence constitutionnelle n’imposait de maintenir l’identité entre les régimes d’incompatibilités applicables aux députés et aux sénateurs. À l’inverse, dès lors que ce régime d’incompatibilités est rendu plus restrictif, la fonction de représentation des collectivités territoriales lui a paru plaider pour cette distinction.

Je tiens à préciser, pour être honnête, que la modification adoptée par la commission des lois ne signifie pas le statu quo, puisqu’elle intègre dans le décompte des fonctions incompatibles celles exercées au niveau des EPCI, dont on sait qu’elles ont acquis une importance accrue que le nouveau mode d’élection des conseillers communautaires ne devrait que renforcer.

En revanche, en nouvelle lecture, notre commission, sans doute en raison de l’évolution marquée par l’Assemblée nationale sur ce sujet, n’a pas modifié, il faut le noter, l’incompatibilité créée par l’Assemblée nationale avec les fonctions « dérivées » locales.

Dès la première lecture, les deux chambres ont adopté dans les mêmes termes le projet de loi ordinaire, dans le périmètre proposé par le Gouvernement. Cependant, les règles d’incompatibilité qui seront applicables aux représentants au Parlement européen sont en fait largement dépendantes de la rédaction finale du projet de loi organique, dans la mesure où ces incompatibilités sont fixées par simple référence aux dispositions organiques, comme vous le savez. Nos deux assemblées se sont ainsi accordées sur un principe : le régime d’incompatibilité des représentants au Parlement européen devra être le même que celui des députés, ce qui, je le rappelle, n’a pas été le cas entre 2000 et 2003.

Je voudrais souligner que, parallèlement à la modification opérée par la commission en matière de limitation de cumul des mandats et des fonctions locales, la commission, comme le Sénat en première lecture, a instauré une règle limitant, autant pour les parlementaires que pour les élus locaux, les indemnités qu’ils perçoivent au montant de l’indemnité parlementaire de base. Cette position est constante depuis l’adoption, le 24 avril 2013, par la commission des lois de la proposition de loi organique en ce sens, déposée par nos collègues du groupe RDSE.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale n’a pas suivi le Sénat. Votre commission a cependant réaffirmé son souhait de bien distinguer les questions qui intéressent l’opinion publique, cumul des indemnités et cumul des mandats, pour traiter clairement celle du cumul des indemnités perçues. Je note, monsieur le ministre, que le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement contraire à la position de la commission sur ce point ; et je m’autorise à y voir un signe d’ouverture, si ce n’est de soutien.

J’en viens, enfin, à une modification, adoptée à l’unanimité en commission, afin d’obliger à l’organisation d’une élection partielle lorsqu’un parlementaire abandonne son mandat à la suite du renouvellement au-delà de six mois d’une mission auprès du Gouvernement. En effet, l’article L.O. 144 du code électoral prévoit qu’un député ou un sénateur peut être chargé par le Gouvernement d’une mission temporaire et qu’il peut cumuler cette mission avec son mandat parlementaire pendant six mois. Au-delà, il perd son siège. Or, dans ce cas, son remplacement est, depuis 1959, assuré par son remplaçant, ce qui a parfois donné lieu à des pratiques qui ont pu paraître contestables afin d’effectuer des remplacements que l’on pourrait qualifier de « discrets ».

Le Sénat est attaché à l’idée que, dans ce cas, une élection partielle ait lieu. Je vous présenterai, d’ailleurs, au nom de la commission, un amendement visant à parfaire le dispositif adopté en commission. En effet, le retour aux urnes s’impose d’autant plus que la nomination et son renouvellement relèvent du pouvoir discrétionnaire du Gouvernement : le remplacement par le suppléant ou le suivant de liste traduit une curieuse conception du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Je me permettrai de souligner que cette disposition, adoptée dans son principe en 1959 par ordonnance, puis codifiée par décret en 1964, n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.

En conclusion, et comme je l’ai indiqué dès la première lecture, la réforme qui nous est soumise en appelle d’autres, que les débats au Sénat ont déjà esquissées, que ce soit un véritable statut de l’élu local ou le renforcement des pouvoirs des parlementaires dans leurs missions constitutionnelles.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a d’ailleurs approuvé le rapport de notre collègue Jean-Claude Peyronnet le 17 décembre dernier, …

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