L'une des questions non tranchées est la suivante : y a-t-il un intérêt spécifique des monnaies virtuelles en termes de coûts de transaction ? Elles imposent de moindres frais de transaction, mais en contrepartie les utilisateurs doivent supporter d'autres types de coûts, notamment en matière de sécurité informatique. Le développement du marché nous dira s'il existe un véritable risque de concurrence avec les moyens de paiements traditionnels au sens du code monétaire et financier, ceux que les commerçants ne peuvent pas refuser. Au-delà de l'aspect libertarien des monnaies virtuelles, il existe aussi un intérêt pour les personnes qui auraient des choses à cacher.
Ensuite, le caractère spéculatif du bitcoin, lié à sa rareté et au déséquilibre entre l'offre et la demande, limite en fait son développement. C'est le paradoxe : c'est en partie à cause de sa volatilité que le bitcoin n'est pas une menace pour la stabilité financière aujourd'hui, parce que son développement est limité.
Du point de vue des pouvoirs publics, le développement des monnaies virtuelles implique de faire comprendre aux utilisateurs les risques inhérents à leur volatilité, à leur non-convertibilité, à leur exposition au piratage, etc. Une sensibilisation a déjà été menée par l'Autorité bancaire européenne (ABE), notamment par une alerte en décembre 2013. Mais c'est un autre paradoxe : plus nous allons clarifier et avertir, plus nous allons permettre la diffusion de ces monnaies virtuelles.
Une interdiction absolue est difficile à concevoir en tant que telle, dans la mesure où elle viserait une activité relevant du troc entre personnes privées et selon des modalités libres. En revanche, il est possible d'imposer des obligations, notamment au niveau du « lieu de rencontre » entre ces monnaies virtuelles et la monnaie légale. Ainsi, une décision de justice a récemment confirmé que les plateformes proposant de convertir des monnaies virtuelles en euros sont tenues d'avoir la qualité de prestataires de services de paiement. Cela ne permet toutefois pas de couvrir l'intégralité des transactions en bitcoins, certaines pouvant être réalisées de gré à gré, sans l'intervention d'un tiers et sans conversion.
Enfin se pose la question du risque de blanchiment. Les techniciens pensent que la traçabilité des transactions en bitcoins est possible. Mais quelle est l'utilité de la traçabilité des flux si l'on ne connaît pas l'identité des personnes qui en sont à l'origine ? Là encore, l'intervention des prestataires de services de paiement et des établissements teneurs de compte constitue une piste.
Ces questions sont débattues au niveau international. Les lignes directrices du GAFI mériteraient probablement d'être repensées. Au niveau national, le Trésor participe au groupe de travail mentionné par Jean-Baptiste Carpentier. Sur le plan fiscal, des travaux sont en cours en lien avec la direction de la législation fiscale (DLF). J'y ajouterai d'ailleurs la question du revenu des « mineurs », qui génèrent les bitcoins en contribuant au fonctionnement du système et à la sécurité des transactions.