Mon rapport sur ce texte vise également la proposition de loi que François Pillet a déposée le mois dernier pour autoriser l'usage de la géolocalisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance. En préliminaire, je voudrais évoquer la question de l'article 20 de la loi de programmation militaire. Les dispositions que nous avons prises de concert avec les députés sur la loi de programmation militaire, protectrices des libertés publiques, ont été présentées comme attentatoires aux libertés, par des personnes qui avaient intérêt à semer la confusion dans l'opinion. Nous avons défendu notre position : les parlementaires n'ont nulle intention de restreindre les libertés, nous avons pris des dispositions protectrices, tout en donnant aux services de sécurité les moyens d'accomplir leur mission, en particulier contre le terrorisme - mais une campagne d'opinion a présenté notre action à l'inverse de ce qu'elle est ; nous devrons donc reprendre l'offensive et je vous propose, dans un premier temps, d'organiser sur le sujet une journée de travail, après les municipales.
La géolocalisation en temps réel est devenue un outil indispensable à nos services de police et de gendarmerie, elles l'utilisent dans leurs missions d'investigation, contre la délinquance organisée, en particulier. Cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 octobre dernier, vient d'exiger que la géolocalisation se déroule sous le contrôle d'un juge. Pour ce faire, elle s'est fondée sur l'arrêt Uzun contre Allemagne du 2 septembre 2010, dans lequel la Cour européenne des droits de l'homme a exigé l'intervention du juge - de manière plus souple cependant, puisque la Cour européenne n'a pas imposé de délai à cette intervention.
Deuxièmement, le texte que nous examinons se justifie par l'histoire déjà longue du refus de la Cour européenne des droits de l'homme de regarder nos magistrats du Parquet comme des magistrats à part entière - alors qu'en droit interne, la position constante du Conseil constitutionnel accorde bien cette qualité au Parquet. A cette aune, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est devenue urgente, même à se limiter au mode de nomination de ses membres ; le président de la République l'a annoncée prochaine, et je salue les efforts de Jean-Pierre Michel pour qu'elle advienne.
Dans ces circonstances, ce texte encadre le recours à la géolocalisation ; je vous en proposerai quelques aménagements, qui me paraissent équilibrés, conciliant les avis des services ministériels de la justice, de l'intérieur, aussi bien que des syndicats de magistrats et de policiers que j'ai largement consultés.
Ce texte circonscrit d'abord le recours à la géolocalisation en temps réel : elle est possible pour les infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement ; je vous proposerai de porter ce quantum à cinq ans - la peine de trois ans s'applique notamment au vol simple, ce serait placer le seuil trop bas.
Il dispose, ensuite, que ce recours doit être décidé par le procureur et que sa décision doit être confirmée dans les quinze jours par le juge des libertés et de la détention - avec un cas particulier pour le domicile privé, où l'installation d'un dispositif de géolocalisation exige une décision préalable du juge des libertés et de la détention.
Je vous proposerai d'autoriser l'officier de police judiciaire, en cas d'urgence, à prendre l'initiative du recours à la géolocalisation, à charge pour lui d'en informer le procureur ou le juge d'instruction par tout moyen - et que, dans ce cas, l'autorisation écrite du magistrat compétent intervienne dans les douze heures.
Enfin, je vous proposerai que le magistrat ait, s'il le juge nécessaire, la faculté de disjoindre du dossier de la procédure les circonstances de la mise en place de la géolocalisation, de manière à protéger les témoins ou les informateurs des services d'enquête. De fait, l'obligation de verser au dossier toutes ces circonstances ferait, dans certains cas, porter un risque sur ces personnes. Les magistrats m'ont dit n'y être pas opposés, dès lors que cette décision leur appartiendrait : c'est la solution que je vous proposerai.
Ce texte est donc très important, parce qu'il comble un vide juridique en matière de géolocalisation, un vide déraisonnable parce qu'il fige un nombre important de procédures en cours - comme cela s'est produit avec la garde à vue.