Intervention de Evangelos Venizélos

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 janvier 2014 : 1ère réunion
Priorités de la présidence grecque de l'union européenne — Audition de M. Evangelos Vénizélos vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères du gouvernement grec et de M. Théodore Passas ambassadeur de grèce en france sur les priorités de la présidence grecque de l'union européenne

Evangelos Venizélos, vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères du gouvernement grec :

Merci pour votre invitation. Je suis heureux de m'exprimer au sein du Sénat de la République française pour présenter les priorités de notre présidence de l'Union européenne et évoquer avec vous l'avenir de la Grèce et celui de l'Europe. C'est en effet la cinquième fois que mon pays exerce cette présidence depuis qu'il a rejoint la famille européenne, ce qui avait été facilité par l'appui de la France, à laquelle nous sommes pour cela profondément reconnaissants. Nous avons désormais l'expérience nécessaire à cette tâche : nos institutions comme nos services y sont préparés. Nous coopérerons avec le président permanent du Conseil européen, avec la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec la présidence permanente de l'Eurogroupe, qui est une structure centrale dans l'édifice européen, quoiqu'elle ne soit pas contrôlée par les Parlements européen et nationaux.

Notre premier devoir sera de promouvoir les priorités des citoyens, des peuples, de la société civile. Nous développerons un modèle de croissance européen susceptible de nous faire dépasser la crise, qui a touché tous les pays d'Europe : partout, la croissance, la compétitivité, le chômage, le financement de l'économie posent problème. En particulier, le secteur financier doit être mieux assujetti à l'économie réelle. Nous devrons restaurer l'idée même d'État social européen.

Notre deuxième priorité sera la gouvernance économique. Les défauts des institutions actuelles sont flagrants. Nous avons besoin de nouveaux mécanismes pour faire fonctionner la zone euro à dix-huit membres. Nous devons aussi proposer des améliorations de la gouvernance économique mondiale. Nous nous attacherons à achever la procédure législative instaurant l'union bancaire et le mécanisme unique de résolution. Notre système bancaire en Grèce est à présent recapitalisé et modernisé. Quatre de nos banques font partie des cent trente banques systémiques européennes. La sécurité des dépôts doit être le critère ultime du mécanisme de garantie européenne des dépôts : la surveillance et la résolution ne suffisent pas.

Notre troisième priorité sera constituée par les questions humanitaires et de sécurité. La protection des frontières européennes contre l'immigration illégale doit faire l'objet d'une plus grande coordination : ce problème ne concerne pas seulement les pays frontaliers, c'est un problème européen.

La quatrième priorité sera la politique maritime intégrée européenne, après la déclaration de Limassol pendant la présidence chypriote. Ce sujet comporte plusieurs dimensions, puisqu'il concerne la politique de l'énergie, le tourisme, les activités maritimes, l'environnement... Il s'agit également de délimiter les zones maritimes en se conformant au droit international de la mer.

La troisième et la quatrième présidence grecque de l'Union européenne avaient coïncidé avec des vagues d'élargissement de la famille européenne : sous notre troisième présidence, celle-ci est passée de douze à quinze pays - cela aurait été seize s'il n'y avait eu le deuxième référendum négatif en Norvège - et sous notre quatrième, de quinze à vingt-cinq, ce qui a donné lieu à une cérémonie historique à Athènes. Elles avaient également promu des efforts d'intégration institutionnelle : le grand débat sur la Constitution européenne, avant d'être stoppé par les référendums français et hollandais, avait été lancé à Thessalonique en 2003 sous la présidence grecque. Cette fois, nous ne disposerons que d'un court semestre parlementaire avant que le Parlement ne soit dissous en vue des élections européennes. Nous n'aurons donc guère que trois mois et demi pour mener à terme les procédures législatives en cours.

Nous faisons face à un euroscepticisme d'un genre nouveau, qui s'attaque à l'idée même d'Union européenne, et non à certains aspects de sa mise en oeuvre. Notre devoir historique sera donc d'offrir une nouvelle narration de la construction européenne. Car, pour la majorité des jeunes Européens, l'idée et la pratique de l'Europe sont associées à l'austérité et à la crise économique. Il importe que nous puissions présenter un discours politique différent, surtout en France.

Le grand problème institutionnel, politique, économique et financier de l'Europe sera de rétablir l'équilibre entre Berlin et Paris. La relation entre la France et l'Allemagne, qui sont les deux grands pays de l'Union européenne et de la zone euro, accuse en effet un déséquilibre flagrant. Or les rapports de force en Europe restent principalement interétatiques. Les partis politiques européens et nationaux peuvent avoir des stratégies différentes - pourvu qu'elles ne fassent pas renaître le nationalisme - mais les rapports s'établissent entre les États.

Dans la zone balkanique occidentale, notre politique est très claire : nous sommes favorables à une perspective européenne et atlantique pour tous les pays de la région. Je présiderai la semaine prochaine la première séance de la conférence intergouvernementale sur l'adhésion de la Serbie. Le début de la discussion est très positif pour la Serbie et le Kosovo. Nous avons d'étroites relations avec l'Albanie, dont le nouveau Premier ministre est proche de nos vues politiques. Le cas du Monténégro ne soulève pas de difficulté, mais la forme institutionnelle de la Bosnie pose problème. Sur l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), j'aurai l'occasion d'expliquer notre position plus en détail, mais nous sommes disposés à accepter un compromis : la Grèce est le premier investisseur à Skopje, qui est aussi notre premier marché pour le tourisme. Nous pouvons donc aider à rapprocher ce pays de la perspective d'une adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN.

Sur les grands problèmes internationaux, j'ai indiqué hier à mon homologue français que nous partagions les positions françaises. C'est la Grèce qui préparera, à Larissa, dans les prochaines semaines, la mission militaire européenne en Centrafrique.

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