Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 20 janvier 2014 à 16h00
Géolocalisation — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

J’ai plaisir à voir que cette dernière est associée à l’examen du texte gouvernemental.

J’en viens au fond du présent projet de loi.

Mme la ministre l’a dit, c’est un beau sujet que celui de la protection des libertés individuelles et de la mise en œuvre des nouvelles technologies. Il faut trouver une voie qui concilie le respect des libertés, l’efficacité des enquêtes judiciaires et la sûreté des procédures.

Quels sont les termes du problème ?

Les arrêts du 22 octobre 2013 de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont empêché la géolocalisation lorsque celle-ci est mise en œuvre sur autorisation du procureur de la République. La chambre criminelle a considéré que la géolocalisation ne pouvait être réalisée que sous le contrôle d’un juge. Cette condition est justifiée par le caractère intrusif de cette mesure, qui porte atteinte à la vie privée. Elle s’applique aussi bien à la géolocalisation d’un téléphone, cas tranché par les deux arrêts du 22 octobre 2013, qu’à la géolocalisation par l’utilisation d’un dispositif dédié tel qu’une balise. Ce cas de figure a donné lieu à une décision admettant le recours à cette pratique dans le cadre d’une information judiciaire.

La Cour de cassation estime implicitement que le procureur de la République n’est pas suffisamment indépendant pour décider de cette mesure et que seul le juge est garant de la protection des libertés individuelles.

Cela a été rappelé, le projet de loi prévoit en conséquence que le procureur peut autoriser, dans les enquêtes qu’il dirige, les opérations de géolocalisation en temps réel pour une durée maximale de quinze jours. À l’issue de ce délai, c’est le juge des libertés et de la détention qui est compétent pour autoriser la poursuite de ces opérations.

Pour autant, le projet de loi ne se contente pas de placer les mesures de géolocalisation sous le contrôle d’un juge du siège. Il procède également à une définition précise de ces moyens techniques.

Rappelons que les pourvois ayant abouti aux arrêts d’octobre 2013 ne se bornaient pas à reprocher au droit interne l’absence de contrôle d’un juge sur la géolocalisation, mais soulevaient également l’absence d’un fondement légal respectueux des critères de la qualité de la loi affirmés par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’arrêt du 2 septembre 2010, celle-ci avait rappelé que la géolocalisation devait être « prévue par la loi » au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, ce qui signifiait que la mesure devait avoir un fondement en droit interne accessible, prévisible et compatible avec la prééminence du droit.

Avec le texte qui nous est soumis aujourd’hui, notre code de procédure pénale intégrera également une définition précise des opérations de géolocalisation. Ces précisions nous mettent à l’abri, espérons-le, d’une condamnation par la CEDH.

Il subsiste, malgré tout, une interrogation : dans l’hypothèse d’une géolocalisation en temps réel par le biais d’un terminal de communication, n’y a-t-il pas un risque d’atteinte injustifiée aux droits des personnes si le terminal devait être prêté ou s’il se retrouvait, pour une raison ou une autre, en possession de celui qui n’est pas son propriétaire, lequel était visé par l’enquête et par les moyens de géolocalisation ? Cela impliquerait que la géolocalisation bascule alors sur une personne qui n’a pas de raison de subir cette atteinte à sa vie privée. Le texte apporte-t-il des garanties suffisantes dans cette hypothèse ? J’espère que Mme la ministre ou notre rapporteur pourront me rassurer.

Je voudrais, en conclusion, aborder un autre aspect.

Le débat qui nous occupe aujourd’hui porte, certes, sur les moyens techniques d’enquête, mais il appelle aussi une réflexion plus large sur le statut du parquet.

Plus précisément, ce projet de loi nous donne l’occasion de réaffirmer notre attachement à ce que l’on peut appeler le « parquet à la française ». Nous avions déjà abordé cette problématique lors du débat sur la garde à vue et, en juillet dernier, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Le Sénat avait alors adopté une disposition fondamentale prévoyant que « les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature ». Cette disposition, qui reprend une pratique respectée tant par vous, madame la ministre, que par vos prédécesseurs, apporte des garanties statutaires importantes et réaffirme notre conception de la magistrature.

Malheureusement, force est de constater que cette réforme est au point mort. Notre collègue Michel Mercier le rappelait en commission mercredi dernier : mieux vaut faire aboutir une réforme constitutionnelle, certes ponctuelle, mais consensuelle, et qui représente un réel progrès, que vouloir imposer d’autres modifications alors que la majorité des trois cinquièmes vous fait largement défaut.

Je conclurai en saluant l’excellent travail réalisé par notre commission des lois et par son rapporteur, le président Jean-Pierre Sueur, dans des délais brefs vu l’urgence de la situation.

Les amendements adoptés par la commission des lois nous semblent aller dans le bon sens, notamment celui qui tend à préserver, dans les cas d’urgence, une marge d’initiative pour l’officier de police judiciaire, en lui permettant de poser une balise sans avoir recueilli l’accord d’un magistrat.

Sur les points qui font encore débat, je pense que la discussion à venir nous permettra de progresser.

Le groupe UDI-UC considère que nous aboutissons à un texte équilibré, précis, qui va permettre aux policiers, aux gendarmes et aux magistrats de pouvoir à nouveau s’appuyer sur ces moyens technologiques avec la sécurité juridique requise. Il soutiendra ce projet de loi. §

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