Elle vous a fait croire que vous pourriez, au nom de l’intérêt des élèves, prétendre améliorer la performance de notre système éducatif par la seule transformation de l’organisation du temps scolaire, tout en bannissant l’approfondissement des enseignements fondamentaux.
Or on peut douter que cette nouvelle organisation du temps scolaire ait un effet significatif sur les conditions d’apprentissage, car elle ne prend que très partiellement en compte les rythmes biologiques de l’enfant.
Les conclusions des chronobiologistes et des chronopsychologues sont aujourd’hui bien connues. Afin de mieux prendre en compte les rythmes biologiques des élèves, il faut instaurer une journée d’enseignement plus courte, mettre les séquences d’apprentissage au moment où les élèves ont leurs pics de vigilance, étaler la semaine sur quatre jours et demi, allonger la durée de l’année scolaire et prendre en compte le fameux « sept-deux » – sept semaines de travail, deux semaines de vacances.
Votre réforme étant focalisée sur le seul allongement de la semaine d’enseignement, elle n’agit que très modérément sur la réduction de la journée d’enseignement, qui est la priorité selon les chronobiologistes. En outre, elle n’agit pas du tout sur l’allongement de la durée annuelle d’enseignement, qui aurait eu pour conséquence de réduire les vacances d’été, dont il est avéré, monsieur le ministre, que la trop longue durée est un facteur d’aggravation des inégalités scolaires.
L’allongement de la durée de l’année scolaire et une meilleure prise en compte des rythmes biologiques des élèves auraient dû constituer les deux priorités d’une réforme des rythmes scolaires. Or votre réforme se limite à l’ajout d’une demi-journée d’enseignement. Les enfants ne passeront pas moins de temps à l’école, puisqu’ils resteront jusqu’à seize heures trente pour les activités périscolaires. On leur supprime, en revanche, la pause du milieu de semaine.
En outre, monsieur le ministre, des comparaisons internationales invitent à ne pas surestimer le poids du facteur « rythme scolaire » sur la performance d’un système éducatif. Il n’y a pas de corrélation forte entre la concentration du temps scolaire et la performance des élèves. À titre d’exemple, les écoliers coréens ou finlandais réussissent mieux que les élèves français avec un nombre d’heures d’enseignement annuel moins important et une année plus longue. En revanche, les écoliers espagnols ou portugais, dans des conditions comparables, réussissent moins bien.
C’est bien plus l’aspect qualitatif de l’enseignement délivré qui doit être considéré comme le levier principal de la réduction des inégalités et de la prévention de la difficulté scolaire. La réalité est donc que l’objectif du retour de la semaine d’enseignement à quatre jours et demi est infime au regard du défi que doit relever notre système éducatif. Il ne justifie pas, monsieur le ministre, le coût exorbitant qu’il représente pour les collectivités et les contribuables.
Au-delà des doutes légitimes que l’on peut avoir sur l’efficacité de cette réforme, celle-ci suscite de nombreux mécontentements.
En premier lieu, chez les enseignants, qui payent un lourd tribut, puisque la demi-journée de classe supplémentaire n’est compensée par aucune augmentation salariale. En manifestant dès le mois de mars dernier, les enseignants vous ont également signifié que cette réforme n’était pas la priorité dont l’école avait besoin.
En deuxième lieu, chez les parents, qui fustigent le manque d’intérêt et de cohérence de nombreuses activités proposées et qui craignent même pour la sécurité de leurs enfants à la suite de l’adoption d’un décret entérinant l’assouplissement des taux d’encadrement.
En troisième lieu, chez les contribuables, qui subissent une pression fiscale de plus en plus forte et qui devront de nouveau payer pour financer l’aménagement du temps scolaire. L’introduction de quelques heures d’enseignement périscolaire a justifié la création d’un fonds étatique doté de 250 millions d’euros et le recours à la Caisse nationale d’allocations familiales pour aider les communes. Pourtant, l’argent mis à disposition ne suffira pas. Dans quelques mois, les municipalités seront contraintes de solliciter à nouveau le porte-monnaie des contribuables via une hausse des impôts locaux.
En quatrième lieu, enfin, votre réforme suscite des mécontentements chez les élus locaux, qui dénoncent l’impossibilité de la mise en œuvre de cette réforme en l’état.