Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Claude Gaudin au nom du groupe UMP vise à donner aux maires la compétence d’organiser le temps scolaire des écoles élémentaires situées sur le territoire de leurs communes.
Avant d’en venir au sujet de la réforme des rythmes scolaires à proprement parler, permettez-moi de m’arrêter un moment sur une interrogation préalable d’ordre juridique, mes chers collègues.
Selon le code de l’éducation, « l’éducation est un service public national dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’État », conformément aux principes affirmés par le préambule de la Constitution, qui déclare que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
Convenons ensemble que cette proposition de loi, en disposant que le temps scolaire ne relèverait plus de l’éducation nationale, s’inscrit dans une logique tout autre. Sous couvert « d’assouplissement législatif », c’est d’une sérieuse dérogation au caractère national du service public de l’éducation qu’il s’agit. Il est légitime d’en débattre dans notre hémicycle, mais comprenez aussi que cette orientation puisse interpeller les parlementaires que nous sommes.
L’école de la République, c’est d’abord offrir à chaque citoyen la même qualité d’enseignement, sans distinction sociale ou géographique, dans un souci d’égalité des droits. Proposer un règlement à la carte, c’est fragiliser un service public essentiel et prendre le risque d’une école à plusieurs vitesses.
Il n’est pas question ici de nier le rôle des communes et de leurs maires dans l’éducation. Leurs prérogatives et leurs responsabilités sont d’ailleurs reconnues dans le code de l’éducation en ce qui concerne les heures d’entrée et de sortie des élèves, la charge des écoles publiques ou l’organisation des modalités d’accueil pendant le temps périscolaire.
L’article 2 du décret du 24 janvier 2013 précise d’ailleurs que les maires sont consultés par le directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, pour l’organisation de la semaine scolaire de chaque école du département dont il a la charge.
Plus important encore, le nouvel outil que constituent les projets éducatifs de territoire, adoptés dans le cadre de la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013, ouvre la possibilité aux maires, en lien avec les équipes pédagogiques, les associations et les parents, de co-élaborer les politiques éducatives au plus près des territoires et dans l’intérêt des enfants. Ils peuvent notamment définir ensemble le rythme le plus approprié pour mener les activités choisies et adaptées à chaque école. Les maires ont donc une certaine latitude pour administrer leurs territoires dans le champ éducatif.
Ce cadre réglementaire national nous paraît compatible avec un minimum de souplesse de mise en œuvre au niveau local. Cet élément est important, car c’est au plus près des spécificités territoriales que nous construirons l’école de demain, ouverte aux innovations et à la diversité des parcours.
Plus généralement, le groupe écologiste considère que le retour à la semaine de quatre jours et demi constitue une avancée positive pour faire reculer l’échec scolaire et améliorer le bien-être des enfants.
Depuis septembre 2013, quelque 1, 3 million d’élèves, soit 22 % des effectifs, bénéficient désormais de la nouvelle organisation du temps scolaire. Nous ne nions pas les difficultés qui peuvent se faire jour : journée supplémentaire de ramassage scolaire, difficulté de trouver un personnel qualifié, notamment dans certaines zones rurales, définition délicate des activités adaptées dans des classes multi-niveaux.
Néanmoins, dans ce cas, prenons le temps d’évaluer les résultats de cette première tranche pour définir les ajustements nécessaires, en écoutant les retours de l’ensemble de la communauté éducative. Cette évaluation partagée sera déterminante pour réussir une réforme juste, qui permette de faire réellement reculer les inégalités.
L’inégalité des territoires et l’inégalité des citoyens face au service public sont des sujets sérieux, qui ne doivent pas être bradés. Cela suppose que nous soyons à l’écoute des difficultés financières de certaines communes, que nous soyons vigilants sur la pérennisation des fonds d’amorçage et offensifs sur les possibilités de péréquation.
Votre texte, chers collègues de l’opposition, manque à la fois de cohérence et d’ambition. Il est aussi précipité, alors qu’une mission commune d’information a été mise en place, à votre demande, et qu’elle doit permettre au Sénat de définir, sur la base des expériences des municipalités, des experts, du corps enseignant et des parents d’élèves, les améliorations nécessaires.
Le calendrier rapide choisi par le groupe UMP pour présenter cette proposition de loi court-circuite ce travail en cours de la mission commune d’information. Nous regrettons vivement ce télescopage.