Représentant quelque 7 500 associations organisées en une centaine d'unions départementales, l'UNAF a, sur la question des rythmes scolaires, un positionnement complémentaire à celui des associations de parents d'élèves qui sont plus directement des usagers de l'école : nous portons un regard global sur la famille, impliquant l'ensemble des générations - et c'est à ce titre, forts d'une observation d'un nombre important de situations locales, que nous participons de longue date au débat sur l'école, avec pour ligne de mire l'intérêt de l'enfant : le principal, pour nous, est que la réforme aide les élèves dans leur parcours scolaire, dans leur développement. Cela dit, nous sommes très prudents sur la réforme des rythmes scolaires : elle se met tout juste en place et elle n'a porté que sur près de 4 000 établissements scolaires, sur les 24 000 que compte notre pays.
Quelques réflexions générales, d'abord, sur cette réforme des rythmes scolaires. Des journées d'enseignement moins longues, la possibilité pour tous les élèves d'accéder à des activités qui les ouvrent sur le monde - qu'il s'agisse de la culture, des arts ou des sports - , la mobilisation des acteurs locaux - les élus, les parents, les acteurs associatifs, voire économiques, j'y reviendrai -, un recentrage des enseignements sur les fondamentaux, car la diminution du temps d'apprentissage scolaire doit nécessairement être accompagnée d'un allègement des programmes : autant de points positifs de cette réforme, dont, à tout le moins, on peut espérer qu'ils se réalisent. La réforme, cependant, n'aborde pas d'autres points importants de la vie scolaire : l'organisation du temps scolaire tout au long de l'année, l'alternance entre les vacances et l'école, le temps de travail dans la journée elle-même - les spécialistes conviennent que l'attention de l'enfant est plus grande le matin, puis dans la seconde moitié de l'après-midi -, l'articulation entre la notion de cadre commun à tous les élèves et les disparités entre les territoires, ou encore, parmi les points exclus de la réforme, la question pourtant déterminante du financement.
Que nous disent les associations affiliées à l'UNAF, après ces quelques mois de mise en oeuvre et, j'insiste, sur une partie seulement des établissements scolaires ? Les parents, d'abord, évoquent la fatigue des enfants : le fait d'aller à l'école cinq jours au lieu de quatre les fatiguerait davantage ; le sujet, cependant, est loin d'être simple car les spécialistes du sommeil des enfants - je pense en particulier à l'association Morphée - soulignent que le facteur déterminant est plutôt la régularité du rythme des enfants, le fait de se coucher tous les jours aux mêmes heures, ce qui concerne au premier chef les familles elles-mêmes et non pas l'école. Deuxième source d'inquiétude : l'application de la réforme aux classes maternelles. Troisième élément important : les parents ne sont pas convaincus de ce que cette réforme améliorera le bien-être de leurs enfants, d'autant que ceux-ci passent finalement le même temps à l'école, même si c'est pour des activités différentes. Quatrième élément : la réforme des rythmes scolaires peut obliger les parents à changer leurs horaires de travail, donc l'équilibre auquel ils étaient parvenus avec leur vie professionnelle : le mercredi matin peut être désormais travaillé, d'autres journées peuvent se terminer plus tôt. Cinquième élément : les difficultés d'organisation de certaines écoles ont généré du stress pour les parents - donc de la fatigue pour les enfants... - à quoi s'ajoute la diversité des encadrants, autre source d'inquiétude pour les parents, en particulier dans les écoles maternelles. Sixième élément : la tendance à vouloir « remplir » d'activités, coûte que coûte, les heures sans enseignement scolaire, comme s'il fallait que les enfants soient nécessairement et tout le temps stimulés, comme s'ils n'avaient plus la possibilité... de rêver ! Septième élément : la désorganisation des agendas : il faut articuler les activités extrascolaires avec les nouvelles activités périscolaires, ce qui peut poser des problèmes de transport, ou encore de cantine à l'heure du déjeuner. Huitième élément : la qualité des activités proposées, directement liée, mais pas seulement, aux questions de recrutement, de formation. Enfin, et je l'ai gardée pour la fin parce que nous y tenons beaucoup à l'UNAF : la question de la gratuité des activités proposées, garante de l'égalité d'accès.
Que pouvons-nous proposer pour que les choses se passent le mieux, dans l'intérêt de l'enfant ? D'abord, ouvrir le dialogue pour construire des réponses collectives aux questions très concrètes et importantes qui se posent sur les activités, les locaux, les transports, la cantine, le coût des activités, l'adaptation aux contraintes locales, mais aussi la mobilisation des ressources du territoire. Ce dialogue me paraît indispensable pour que les familles s'approprient les objectifs et le sens même de la réforme des rythmes scolaires. Je crois, ensuite, qu'il ne faut pas tomber dans le piège de la surconsommation d'activités, que nous devons aussi valoriser le temps de décompression et pas seulement les capacités d'acquisition de connaissances, que nous devons laisser aux enfants un temps vide d'activités, propice à l'imagination - nous connaissions ces temps vides, à l'école, pendant lesquels nous apprenions à inventer nos propres jeux.
Il nous semble important, encore, de mettre un peu de souplesse dans la réforme - en particulier de la souplesse à l'Education nationale : nous nous sommes enfermés trop vite dans des schémas, au lieu de rechercher collectivement les meilleures solutions, sur des questions pourtant aussi importantes que celles des activités elles-mêmes et de leur rythme - vaut-il mieux, par exemple, des activités régulières, à jours fixes, ou bien des séquences extraordinaires ? La réponse est-elle identique partout ?
Autre point auquel nous tenons : la gratuité des activités pour les familles. Les enquêtes montrent la diversité des situations, des coûts, il nous semble essentiel de maintenir le principe de la gratuité.
Une piste majeure de travail, enfin : la réforme des rythmes scolaires est une occasion formidable d'ouvrir l'école sur son territoire - il y a tant de ressources, de forces vives à mobiliser localement, c'est un atout évident pour l'école. Ici, cependant, nous constatons que le monde économique, les entreprises ne se mobilisent pas suffisamment, alors qu'elles sont indispensables à la vie des territoires. Cette mobilisation collective de la communauté éducative, dans son sens le plus large, ne peut se concevoir que dans la durée.
Je citerai pour finir Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour moi, mais sans moi, est fait contre moi ».