La coopération transfrontalière avec l'Espagne s'est développée depuis son adhésion à l'Union européenne en 1986.
Dans le domaine de la santé, toutefois, ces actions apparaissent moins nombreuses et plus ponctuelles que dans d'autres domaines, comme l'énergie ou les transports, ainsi qu'en témoigne l'ouverture récente de la ligne de TGV entre Barcelone et Paris.
L'accord cadre, signé le 27 juin 2008, sur la coopération sanitaire transfrontalière, complète les dispositifs mis en place localement et donne un cadre permettant d'assurer une couverture adéquate de l'offre de soins. Des conventions bilatérales comparables ont été conclues avec la Belgique et l'Allemagne, il y a déjà quelques années.
Le projet de loi autorisant sa ratification qui nous est soumis aujourd'hui a été adopté par l'Assemblée nationale le 27 juin 2013.
Ces conventions sont d'autant plus importantes pour la population des zones enclavées. Ainsi dans les Pyrénées, la géographie des lieux, le réseau routier et les conditions météorologiques rendent-ils parfois les installations sanitaires d'un des deux pays plus accessibles aux habitants de l'autre pays. Elles permettent aussi, par l'organisation de la complémentarité des soins, d'éviter une duplication des moyens disponibles.
S'il est difficile de disposer d'une vue d'ensemble des initiatives plus ou moins formalisées, prises au plan local, on notera l'existence :
- d'un accord bilatéral permettant la prise en charge de patients andorrans au sein d'établissements de santé français et une convention de coopération conclue entre l'hôpital d'Andorre et le centre hospitalier du Val d'Ariège ;
- d'une convention signée en 2002 entre le centre hospitalier de Perpignan et l'hôpital Fondation de Puigcerdá pour la mise en oeuvre des services d'urgence suivie d'une convention de tiers-payant.
Parallèlement était lancé en janvier 2003, à l'initiative des collectivités territoriales, le projet de création d'un hôpital transfrontalier pour la Cerdagne, à Puigcerdá. Cet établissement, dont la construction est achevée, devrait ouvrir ses portes au cours du premier semestre 2014. Je m'attarde sur ce projet car il constitue une illustration concrète.
Il apportera une réponse globale en matière d'offre sanitaire, à la fois pour la population habitant à l'année et pour les résidents saisonniers, ce qui est important dans une zone touristique.
Le nouvel hôpital disposera de 71 lits et d'un plateau technique équipé notamment de 2 blocs opératoires, 2 salles d'accouchement, 10 postes de dialyse, radiologie, laboratoires, lits de soins intensifs, et d'équipements de télémédecine. Il pourra prendre en charge les urgences, ainsi que les séjours aigus, les soins primaires, des soins de long séjour et des soins à domicile.
Cette structure constituera le noyau dur de l'offre de soins pour les populations des deux Cerdagne et du Capcir. Elle sera complétée par un pôle gériatrique, regroupant deux établissements côté français.
Sur le plan juridique, la constitution d'un groupement européen de coopération territoriale (GECT) - nouvel instrument juridique visant à faciliter les démarches de coopération entre États membres mis en place par l'Union européenne, dans le cadre de la programmation 2007-2013 de la politique de cohésion - a été retenue, ce qui est une première en matière médicale.
Il ne faut pas pour autant se dissimuler les difficultés auxquelles se heurtent de tels projets. Elles sont la conséquence de la complexité des procédures administratives et financières, de la complication des mécanismes de prises en charge de soins, des règles d'organisation du transport sanitaire des patients et de l'absence de garantie de continuité des soins.
Ainsi certaines modalités concrètes de fonctionnement de l'hôpital de Puigcerdá restent-elles à parfaire s'agissant du contenu et des modalités des prestations assurées par les partenaires, du cadre juridique des mises à disposition de personnel, des règles en matière de responsabilité civile, des langues de travail, de l'uniformisation des pratiques médicales, des questions d'état-civil et en matière funéraire. Les réunions techniques, nombreuses, devraient permettre de lever les derniers obstacles.
L'accord cadre, complété par un accord d'application, signé le 9 septembre 2008, soumis conjointement à votre appréciation, devrait apporter des solutions partielles à ces difficultés. Il renvoie à des conventions locales de coopération, ce qui lui confère une grande souplesse.
Je ne m'attarderai pas ici sur les dispositions précises de l'accord que vous trouverez dans mon rapport écrit.
Je soulignerai simplement que les conventions locales permettent aux assurés sociaux d'être pris en charge sans avoir à requérir d'autorisation préalable de leur caisse d'affiliation et de se faire rembourser les frais médicaux engagés. L'accord rappelle, en outre, que le droit applicable en matière de responsabilité médicale est celui de l'État sur le territoire duquel les soins ont été prodigués et impose, de surcroit, la souscription d'une assurance aux professionnels, établissements et services français pour leur activité dans ce cadre.
En conclusion, la coopération transfrontalière dans le domaine sanitaire, en dépit de la complexité des règles nationales (ou régionales) qui organisent ces activités et vont du droit de l'état-civil au droit de la santé en passant par celui de la sécurité sociale, est appelée à se développer.
Il est donc nécessaire d'en définir le cadre juridique et de donner aux acteurs locaux les moyens de sécuriser leurs projets.
Comme beaucoup de rapporteurs avant moi, je regrette les délais excessifs dans lesquels le gouvernement soumet les projets de loi autorisant la ratification à l'examen de la représentation nationale. Plus de cinq ans et demi se seront écoulés depuis la signature de l'accord cadre. Les formalités de ratification par l'Espagne ont été achevées dès le mois de mars 2009.
Sans régler tous les problèmes, le présent accord cadre et son accord d'application y pourvoient. Il méritera sans doute des compléments pour lesquels j'espère que l'expérience de Puigcerdá pourra servir de référence et qui pourront être élaborés avec une plus grande célérité. En conséquence, je recommande son adoption selon la forme simplifiée.
Si l'on peut regretter la longueur de la gestation et les freinages récurrents des administrations nationales qui peinent à accepter les dérogations nécessaires que le bon sens commun commande pourtant de réaliser, il convient de saluer l'aboutissement de ces projets utiles aux populations locales, qui témoignent de la vitalité d'une Europe proche de ses habitants.