Intervention de David Pollock

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 janvier 2014 : 1ère réunion
Négociations israélo-palestiniennes — Audition de M. David Pollock chercheur au washington institute for near east policy

David Pollock :

Je suis venu pour vous apporter mon éclairage sur la situation actuelle du conflit israélo-palestinien et les négociations conduites sous le patronage du secrétaire d'État, M. John Kerry.

La situation n'est pas claire. Mais, à mes yeux, c'est bon signe. Pour la première fois depuis une vingtaine d'années, depuis les accords d'Oslo, on a réussi à garder secrets les détails diplomatiques en négociation. C'est positif. Empêcher les fuites permet de mieux faire avancer les décisions sensibles.

Pour arriver à la paix, il faut trouver des compromis, partager les intérêts de chacun. Il y a des décisions difficiles à prendre. Pour arriver à l'établissement d'un État palestinien, il faut arriver à des compromis entre Israéliens et Palestiniens.

Je constate que les extrêmes, des deux côtés, protestent contre ces négociations. Par exemple, M. Naftali Benett a critiqué hier la proposition de M. Benyamin Netanyahu que la moitié des colonies reste sous souveraineté d'un État palestinien. Il s'agit peut-être d'un rêve de voir ces colons rester en sécurité, mais M. Bennett a, lui, parlé de « folie ». Si les extrêmes se radicalisent, c'est que les négociations vont dans la bonne direction, c'est qu'elles sont sérieuses. Les extrêmes commencent à envisager un accord de principe. Après la conclusion d'un tel accord-cadre, les négociations pourront continuer, sans adhésion unilatérale de la Palestine à l'ONU, sans Intifada, ...

Quant au côté palestinien justement, je remarque que M. Abbas a dit, en Afrique du Sud à l'occasion des obsèques de Nelson Mandela, en arabe pour la chaîne Al Arabiya, qu'il ne soutenait pas le boycott contre Israël. Il cherche à négocier avec les Israéliens. C'est étonnant voire paradoxal, alors qu'en Europe on voit des mouvements promouvoir ce boycott. Certains Palestiniens ont tenté de réduire la portée de ses propos, c'est un bon signal. Lorsque les extrémistes de deux côtés critiquent la politique de leurs dirigeants, c'est que les leaders se dirigent vers un accord.

Il y a des obstacles à la paix, qui sont bien connus, des « obstacles « traditionnels » : la question des frontières du futur État palestinien, la sécurité d'Israël après les accords, la question de Jérusalem, les réfugiés, la colonisation. Mais, en même temps, les recherches menées ont démontré que d'autres obstacles, moins reconnus, se dressent sur le chemin des négociateurs : c'est le discours de la haine et l'incitation à la violence, des deux côtés. Lutter contre ce problème, c'est aussi une opportunité. Cela peut aider à la résolution des autres obstacles.

Distinguons la nature de ces discours de haine et d'incitation à la violence de part et d'autre.

En Israël, le problème relève des individus. Ce sont les colons, dont certains exercent des violences contre des Palestiniens. Mais ce n'est pas autorisé par le gouvernement, lequel lutte activement contre ce phénomène ; avec du retard effectivement, mais tout de même. Par exemple, M. Moshe Ya'alon, le ministre de la défense, qui est réputé pour son intransigeance sur la question de la sécurité d'Israël, a qualifié les assaillants de villages palestiniens de « terroristes », et indiqué que le gouvernement israélien devait lutter contre eux exactement de la même manière qu'il lutte contre le terrorisme palestinien.

Du côté palestinien, hélas, du président Abbas, de son cabinet aux médias officiels, on remarque que, chaque jour, les terroristes palestiniens ayant perpétré des attentats sont considérés comme des héros. C'est un discours officiel, qui va à l'encontre de la paix et qui encourage la violence et le terrorisme. Il y a clairement un double discours, qui consiste, d'un côté, à se revendiquer en faveur de la paix et à prôner la tolérance et, de l'autre, à soutenir la violence et l'antisémitisme. Et je ne parle pas du Hamas à Gaza.

Chaque jour, la télévision officielle palestinienne appelle les juifs « ratons », « animaux ». C'est effroyable. Sur la page Facebook officielle d'étudiants palestiniens, on voit des photos d'Hitler, et des caricatures qui illustrent le hadith (élément rapporté de la vie du prophète Muhammad) qui dit que les musulmans doivent tuer les juifs avant le Jugement dernier, Yaoum Eddin.

Pour l'équilibre, il faut reconnaître qu'il y a, quoi qu'il en soit, une sorte de progrès dans le discours palestinien. Par exemple, les livres scolaires palestiniens sont meilleurs que par le passé. Mais il reste encore beaucoup de problèmes, d'incitation, et de discours de haine.

J'en suis venu à la conclusion que ce problème est très sérieux, mais soluble. On peut envisager des efforts internationaux pour combattre la haine. Par exemple, si les gouvernements européens contestent la colonisation, c'est légitime. Mais pourquoi ne pas protester contre un discours de la haine officiel en Palestine ?

Si le gouvernement palestinien continue, le peuple israélien n'acceptera pas par référendum les compromis trouvés dans le cadre du processus de paix, sachant que les Palestiniens veulent inclure dans leur territoire Jaffa, Haïfa, ... Qui veut la paix doit lutter contre le discours de haine. On peut conditionner l'aide financière européenne et américaine envers l'Autorité palestinienne à la cessation de ces discours. On peut dénoncer ce discours, à haut niveau, et encourager les messages positifs. Quand M. Abbas dit qu'il s'oppose au boycott, M. Netanyahu ne dit pas qu'il apprécie. De même lorsque M. Abbas renonce à vouloir exercer son droit au retour en tant que réfugié de Safed. Mais il faut bien avoir en tête qu'en même temps, M. Abbas dit que les terroristes sont des héros. On en arrive à croire que les messages palestiniens ne sont pas sincères.

Ce n'est effectivement pas le seul problème dans le processus de paix au Proche-Orient. Ce n'est pas une précondition aux négociations, mais c'est un problème assez grave pour élever son importance dans les négociations. Si on fait cela, cela peut aider à la résolution des autres problèmes. Je suis optimiste pour parvenir à la paix. Mais un des moyens pour y arriver est la lutte contre l'incitation à la haine chez les Palestiniens.

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