Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 3 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Charges communes et comptes spéciaux du trésor

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la dernière fois qu'est présenté, sous cette forme, un fascicule budgétaire unique des comptes spéciaux du Trésor qui retrace les opérations budgétaires des trente comptes spéciaux restants.

A compter du projet de loi de finances pour 2006, conformément à la LOLF, chaque compte spécial deviendra une mission en tant que telle et, donc, une unité de vote budgétaire.

Cela nous évitera, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, la présentation d'un rapport sur trente comptes distincts, sans aucun rapport les uns avec les autres, dont la cohérence d'ensemble peut largement échapper au lecteur et paraître particulièrement décousu.

Depuis plusieurs années, le nombre de comptes spéciaux du Trésor a tendance à décroître de manière significative. Cette tendance se renforce à l'approche de la mise en oeuvre de la LOLF.

Ce phénomène concerne principalement les comptes d'affectation spéciale, qui traduisent la volonté d'affecter certaines ressources spécifiques à des dépenses particulières, à tel point qu'ils ne sont plus que sept dans le projet de loi de finances pour 2005. Ils seront encore moins nombreux dans le prochain projet de loi de finances.

Deux reproches sont adressés à ces comptes d'affectation spéciale.

Premièrement, un certain nombre d'entre eux ont accumulé des reports de crédits. Ces reports sont parfois importants. En ce qui concerne, par exemple, le Fonds d'aide à la modernisation de la presse, qui a fait l'objet d'un contrôle de notre ancien collègue Paul Loridant, les reports sur l'exercice 2004 représentent 172 % des crédits de la dotation initiale pour 2004.

Ces reports sont dus, pour l'essentiel, aux modalités spécifiques de financement des investissements des comptes d'affectation spéciale. La combinaison des procédures d'engagement des autorisations de programme, qui doivent concerner l'ensemble de l'opération d'investissement, et de la règle relative aux comptes d'affectation spéciale, selon laquelle les dépenses engagées ou ordonnancées ne peuvent excéder les ressources constatées, conduit le gestionnaire du compte à attendre de disposer des recettes nécessaires avant de donner son accord pour engager son opération d'investissement.

Ces modalités conduisent mécaniquement à des reports. Les comptes d'affectation spéciale sont, pour cette raison, considérés par Bercy comme ne constituant pas le support idéal pour l'investissement.

Deuxièmement, un certain nombre de comptes contreviennent à la règle posée par l'article 21 de la LOLF, selon laquelle les recettes sont par nature en relation directe avec les dépenses.

En conséquence, ont été clôturés l'année passée, ainsi que leurs actions inscrites au budget général, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le Fonds national de développement de la vie associative, cette année, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aériens, l'année prochaine, sans doute, le Fonds national pour le développement du sport.

Ce mouvement de budgétisation des comptes d'affectation spéciale m'inspire, monsieur le ministre, une certaine inquiétude. Rien ne garantit, en effet, que les actions financées par ces fonds très utiles, notamment sur le plan local, bénéficient à l'avenir des ressources budgétaires qui leur revenaient auparavant grâce au compte d'affectation spéciale.

Il y aurait sans doute un suivi à faire sur la durée pour vérifier les conditions de transfert des comptes les plus importants sur le budget général.

J'ai lu dans le rapport de notre collègue Michel Sergent en ce qui concerne, par exemple, le sport, que la probable création d'un établissement public administratif pour remplacer le FNDS se trouverait budgétisée avec une fraction des crédits du FNDS. On a donc du mal à percevoir ce que sera demain le développement de l'activité sportive dans notre pays !

Avez-vous, monsieur le ministre, par exemple, pu vérifier auprès de vos services que le Fonds national pour le développement des adductions d'eau bénéficiait encore des moyens lui permettant de financer les projets, en particulier des communes rurales ? Vous le savez, l'an dernier, c'est un sujet qui avait largement mobilisé notre assemblée au moment de ce transfert.

J'en viens maintenant à l'analyse du compte n° 902-24 d'affectation des produits de cessions de titres et de parts de sociétés, dit parfois compte de privatisation, alors qu'il relate autant des recettes, liées à des cessions d'actifs publics, que des dépenses, c'est-à-dire en l'occurrence le plus souvent des apports en capital.

Ce compte a été consacré par la LOLF, puisque l'article 21 de la loi organique crée de droit un compte retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante.

Plusieurs conditions doivent, me semble-t-il, être réunies pour que ce compte fonctionne de manière satisfaisante.

Il faut, tout d'abord, que le compte n° 902-24 soit exhaustif et mentionne l'ensemble des opérations patrimoniales de l'Etat. Or, je constate que les dotations en capital à Réseau Ferré de France, par exemple, ne transitent plus par ce compte depuis la loi de finances pour 2004. Elles sont financées par le budget général.

Cela ne permet pas d'aborder la situation de RFF de la même façon qu'une autre entreprise publique, alors que les apports du budget de l'Etat visent à prendre en compte un endettement dont la part de décision incombe, pour l'essentiel, à l'Etat tout au long de la vie de la SNCF. Il me semble donc que c'est bien l'équivalent d'un apport en capital à cette entreprise publique qui devrait être pris en compte par le budget.

De plus, cette procédure ne paraît pas très satisfaisante au regard du principe posé par la LOLF.

Echappent également à ce compte les recettes issues des cessions immobilières de l'Etat.

Il faut, ensuite, que les comptes soient transparents. Sur le compte 902-24 stricto sensu, il est parfois difficile de vérifier que les dotations prévues ont bien été versées.

Je pense, par exemple, aux dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche : les 150 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale leur ont-ils bien été versés en 2004 ? Nous ne pouvons pas le savoir au vu des éléments mis à notre disposition.

En ce qui concerne les comptes des entreprises publiques, on peut, en revanche, se féliciter de la publication dans le rapport relatif à l'Etat actionnaire des premiers comptes combinés des entreprises publiques.

L'effort est réel puisque ces comptes permettent d'éclairer le Parlement sur la situation consolidée des entreprises du secteur public. Un premier constat peut être tiré de ces comptes : ces entreprises manquent globalement de fonds propres.

Il faut, enfin, que l'Etat ait une véritable politique en direction de ses entreprises, notamment de celles qui ont besoin de son appui. Je pense, par exemple, à GIAT- Industries.

Il est regrettable, de ce point de vue, que l'Etat, client des entreprises publiques, ait, en raison de la régulation budgétaire qui a pesé en 2003, différé le paiement de certaines de ses factures.

Il faut convenir par ailleurs que rien, dans le fonctionnement du compte d'affectation spéciale, ne permet une adéquation entre des recettes de privatisation, par définition frappées d'aléas économiques, financiers, politiques, et les besoins en fonds propres des entreprises publiques.

Il y a donc parfois des reports préoccupants dans les dotations en capital. Alors que cela est possible, jamais l'Etat n'investit, à partir du budget général, dans ses entreprises. Il s'ensuit le manque de fonds propres que je soulignais précédemment.

Dans ces conditions, les entreprises publiques - je pense à Aéroports de Paris, mais j'aurais pu aussi citer la SNCF - n'ont pas eu, dans le passé, d'autre alternative que de financer leurs investissements par un endettement qui est devenu parfois préoccupant. Faute d'exercice de ses responsabilités par l'Etat actionnaire, le mode de financement retenu pour le secteur public est devenu celui du marché. On sait, en particulier, pour la SNCF que les conséquences ont été lourdes sur son endettement, surtout pendant les périodes où les taux d'intérêt étaient très élevés.

Je vous poserai une question pour finir, monsieur le ministre, sur la situation financière de Bull. Je me demande si l'aide à la restructuration accordée via le compte 902-24 en 2005 sera suffisante pour assurer de manière pérenne la survie de l'entreprise et à quelles conditions cette aide a été acceptée par la Commission européenne.

La commission des finances a, dans sa majorité, recommandé l'adoption des crédits des comptes spéciaux du Trésor et des articles 52, 53, 55, 56, 57 et 58 dans la rédaction résultant des votes du Sénat en première partie, ainsi que des articles rattachés 54 et 56 bis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion