Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 30 janvier 2014 à 9h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Article 8

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Le présent article est symbolique de ce projet de loi. Il permet la création de la garantie universelle des loyers, la GUL. Depuis le début, nous trouvons ces termes encourageants, voire prometteurs, comme un premier pas vers ce que nous appelons une « sécurité sociale du logement ». Cependant, derrière le concept, la réalité du fonctionnement de ce mécanisme ne nous semble pas à la hauteur.

La GUL suscite nos interrogations, qui sont d'ailleurs plus nombreuses aujourd’hui qu’hier, à la suite des travaux de l’Assemblée nationale. Elle est censée viser trois objectifs prioritaires : sécuriser les bailleurs en les indemnisant en cas d’impayé au niveau d’une garantie socle définie comme le loyer médian de référence ; prévenir les expulsions et les situations sociales dramatiques en identifiant très tôt ces impayés ; enfin, faciliter l’accès au logement, notamment pour les jeunes ou les précaires. Pourtant, lorsqu’on fait le point sur les bénéfices de la GUL pour les différentes parties, force est de constater que cette garantie est déséquilibrée. Concrètement, lorsque le locataire ne sera pas en mesure de payer son loyer, un organisme prendra le relais pour assurer le paiement du loyer au propriétaire durant dix-huit mois. L’organisme, voire le Trésor public, pourra ensuite se retourner contre le locataire mauvais payeur. Il est d’ailleurs assez invraisemblable que le Trésor public soit mobilisé pour recouvrer une dette privée.

Alors que nous aurions pu légitimement l’attendre, la possibilité d’un effacement de cette dette n’est absolument pas prévue par cet article, et ce quand bien même l’impayé résulterait d’un accident de la vie. De même, le locataire ne sera pas plus demain qu’aujourd’hui à l’abri de poursuites de la part de son bailleur, alors même que ce dernier a été indemnisé.

Selon vos propos, madame la ministre – et il s’agirait d’une avancée concrète pour les locataires –, « en cas d’impayé, l’indemnisation du propriétaire s’effectuerait en même temps qu’un accompagnement du locataire ». Or cet accompagnement existe déjà aujourd’hui. S’il ne fonctionne pas de manière satisfaisante, c’est sans doute faute de moyens. Et ce n’est pas la baisse des dotations aux collectivités qui permettra une quelconque amélioration des services sociaux !

Au fond, l’aide à laquelle le locataire pourra prétendre est celle dont il dispose d’ores et déjà aujourd’hui ; il change uniquement de créancier. Nous n’appelons pas cela un droit nouveau ou alors il faut préciser que ce droit nouveau est au bénéfice exclusif du bailleur !

Si la GUL est déséquilibrée, c’est aussi de par son mode de financement. Initialement réparti « de manière égale » entre les locataires et les bailleurs, son financement sera désormais supporté essentiellement par le budget de l’État et le 1 % logement. Son coût a fait l’objet d’estimations totalement contradictoires, mais je me garderai bien d’entrer dans ce débat. Cependant, alors que cette garantie relève de la solidarité nationale et est principalement financée par l’impôt, certains locataires ne pourront pas en bénéficier, notamment ceux qui résident dans le parc social. Nous trouvons cela particulièrement injuste et, pour cette raison, nous demanderons que soit élargi le périmètre de la GUL à l’ensemble du parc privé et public, ce qui serait légitime.

En outre, la dimension universelle est largement remise en cause même si le principe de la gratuité demeure. Alors même que l’instauration de cette garantie locative nécessitait de supprimer la caution, un autre choix a été fait. Cette garantie n’est plus obligatoire, mais simplement facultative, laissée à la discrétion du seul bailleur. Celui-ci pourra choisir la GUL ou s’assurer autrement ; il pourra même conserver la possibilité de solliciter une caution. Ce dispositif risque donc d’être inefficace, comme, en son temps, la garantie des risques locatifs, la GRL, ou le Loca-pass. En quoi, dans ces conditions, la GUL serait-elle universelle et même novatrice ?

Nous avons de vrais doutes et craignons que les bailleurs ne préfèrent recourir à la caution, qui couvre intégralement l’ensemble des risques. Pour finir, la GUL risque d’être contre-performante dans son objectif de renforcer l’accès au logement, notamment des plus démunis, et de prévenir les expulsions. En effet, la démonstration n’a jamais été faite d’un lien entre difficulté d’accès au logement et sécurisation des propriétaires.

Par ailleurs, son bénéfice sera restreint aux seuls locataires dont l’effort locatif ne dépasse pas 50 % du budget et qui pourront justifier ne pas avoir eu d’impayés depuis deux années. Même si cela ne figure pas explicitement dans le texte, nous craignons l’instauration d’une sorte de « casier judiciaire du logement »

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