Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je vous présente le budget annexe d'une institution de plus en plus écartelée entre sa mission indiscutablement régalienne de frappe de notre monnaie métallique et ses activités concurrentielles, qui l'obligent à se battre quotidiennement pour conserver ou gagner des parts de marché, et dont elle tire les deux tiers de ses recettes. De ce fait, la direction des monnaies et médailles obéit à un impératif de plus en plus fort et urgent : la rentabilité.
L'année 2005 devrait marquer la mémoire des passionnés d'histoire de la monnaie, puisque, pour la première fois depuis que l'émission de monnaie a été centralisée, en 864, il sera frappé plus de pièces étrangères que de pièces françaises. C'est la conséquence d'une double conjoncture.
D'abord, la commande de l'Etat français demeure réduite - 565 millions de pièces - en raison des stocks de pièces excédentaires qui dorment, et pour longtemps !
Ensuite et surtout, la Monnaie de Paris a été retenue pour produire 600 millions d'afghanis, la nouvelle monnaie afghane. Même si ce contrat n'offre qu'une très faible marge bénéficiaire, il représente une véritable aubaine - certains ont parlé de « ballon d'oxygène » - pour l'établissement monétaire de Pessac, qui va ainsi retrouver un niveau normal d'activité en 2005.
Cette situation sans précédent entraîne une augmentation du budget de 12, 8 % : 98 millions d'euros de dépenses et 95, 3 millions d'euros de recettes. Il s'en faut de peu pour que les secondes équilibrent les premières. La subvention demandée demeure donc limitée : 2, 7 millions d'euros.
L'augmentation des dépenses concerne essentiellement deux chapitres fortement dépendants de l'activité : les achats et les services extérieurs.
Je veux insister sur les efforts sans relâche et souvent douloureux de la direction des monnaies et médailles pour diminuer ses coûts, notamment de personnel. Un large plan de formation permet de développer la polyvalence et les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Ainsi, compte tenu de la suppression de 44 postes en 2005, l'effectif global est porté à 768 personnes. De nombreuses activités sont transférées de Paris à Pessac, où l'établissement girondin se trouve ainsi mieux rentabilisé.
Du côté des recettes, celles qui proviennent de l'activité régalienne augmentent de 26 % pour s'élever à 31 millions d'euros. Cette augmentation, certes neutre pour le budget de l'Etat, peut surprendre, puisque les quantités cédées au Trésor diminuent d'environ 25 %. Elle résulte de l'utilisation d'un système de comptabilité analytique entièrement rénové, permettant à la direction des monnaies et médailles de facturer au « juste prix » les pièces que lui commande la direction du Trésor, en intégrant tous ses coûts, notamment ceux de stockage à Pessac.
Cette cession au Trésor conduit à s'interroger sur le sujet plus large des besoins de monnaie métallique à plus ou moins long terme. Le porte-monnaie électronique Moneo est-il mort ou ne fait-il que sommeiller ? Quelle est l'appétence des consommateurs - de quelque pays qu'ils soient - pour les pièces de monnaie - de quelque coupure qu'elles soient -, sachant que la question fait particulièrement débat au sein de la zone euro pour les pièces de 1 centime et de 2 centimes ?
S'agissant de ses activités commerciales, la Monnaie de Paris se bat sur des marchés fluctuants, incertains, souffrant de phénomènes de ventes à perte, de contrefaçon ou de spéculation.
Si, pour 2005, tous secteurs confondus, les recettes sont prévues à 59 millions d'euros, leur structure change : régression confirmée des ventes de monnaies de collection, après l'éclatement d'une bulle spéculative en février 2004, et explosion des ventes de monnaies courantes étrangères, fortement dynamisées par la commande afghane.
La Monnaie de Paris développe une stratégie judicieuse de diversification dans la frappe de monnaies courantes, en ciblant les pays les plus susceptibles de passer des commandes et en cherchant à bénéficier d'effets de volume. L'objectif sans précédent de près de 21 millions d'euros pour ce secteur traduit un optimisme dont on espère qu'il sera suivi de résultats.
J'en viens à l'application de la LOLF, qui s'adapte mal à l'article 18 relatif aux budgets annexes.
La solution pour l'instant retenue est celle d'une mission « monnaies et médailles », hors budget général de l'Etat, composée de deux programmes : « activités régaliennes » et « activités commerciales ». Mais il s'agit d'une solution nécessairement transitoire puisqu'elle est liée au statut de la direction des monnaies et médailles, lequel est probablement appelé à évoluer dans le cadre du grand chantier de la réforme de l'Etat.
Certes, pour ce qui concerne son secteur concurrentiel, aujourd'hui largement majoritaire, son statut actuel empêche la Monnaie de Paris d'élargir ses activités et la prive des marges de manoeuvre dont disposent ses concurrents. Il semble donc plus la contraindre que la protéger.
Monsieur le ministre, les personnels sont inquiets ! L'an dernier, dans cet hémicycle, la question posée à votre prédécesseur est restée sans réponse. Je la réitère aujourd'hui : quelles sont vos intentions s'agissant du statut de la direction des monnaies et médailles ?
Nul ne doute de la qualité de notre institut de frappe monétaire, lequel fait partie de notre patrimoine. Mais nul n'ignore que c'est maintenant que se dessinent les contours d'une future réorganisation de la frappe des monnaies à l'échelle européenne. C'est dans ce cadre qu'il faut, sans tarder, donner à la Monnaie de Paris les moyens de se battre efficacement.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du budget annexe des monnaies et médailles.