Intervention de Roland Courteau

Réunion du 3 décembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Industrie

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'énergie :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits affectés au ministère de l'industrie constitue traditionnellement l'occasion, pour la commission des affaires économiques, de dresser le bilan du secteur énergétique.

Je souhaite cette année m'arrêter un instant sur les enjeux environnementaux de la politique énergétique.

Tout d'abord, nos engagements européens nous fixent un objectif indicatif de 21 % en 2010 pour la consommation d'électricité brute provenant d'énergies renouvelables. Or, en 2003, la France se situait à un peu plus de 15 %. C'est dire le chemin qui reste à parcourir !

Bien évidemment, le développement des énergies renouvelables est une nécessité environnementale au titre de la lutte contre le réchauffement climatique.

C'est également une nécessité économique pour deux raisons.

Les énergies renouvelables nous évitent, chaque année, des importations d'énergies fossiles pour un montant de 3 milliards d'euros, sur une facture énergétique de 22 milliards d'euros. Les énergies renouvelables représentent entre 40 000 et 50 000 emplois, pour la plupart locaux, qui contribuent fortement à l'aménagement du territoire en zone rurale.

La commission des affaires économiques a tenu à souligner que certaines sources d'énergies renouvelables, tels le bois ou la biomasse, sont encore sous-utilisées en France alors que notre pays dispose de ressources abondantes en la matière. J'y ajouterai, à titre personnel, l'éolien et le solaire.

Ce constat me conduit à vous poser plusieurs questions, monsieur le ministre.

Pouvez-vous nous indiquer pourquoi les réseaux de chaleur, plus particulièrement ceux qui fonctionne au bois, ne peuvent bénéficier de l'application du taux réduit de TVA à 5, 5 % ?

Je me félicite du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement utilisant des énergies renouvelables que vous nous proposez à l'article 65 du projet de loi de finances, même si cette disposition n'est pas complètement nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Je m'interroge toutefois sur l'exclusion des inserts de cheminées du champ de ce dispositif. En effet, ces équipements sont, au même titre que les hammams ou les saunas, considérés comme des équipements de confort alors qu'ils sont, à l'évidence, particulièrement utiles.

En outre, les pompes à chaleur seront intégrées dans le champ du crédit d'impôt à 40 %. Pouvez-vous nous garantir que cette disposition ne sera pas détournée ? En effet, elle pourrait être utilisée pour subventionner le développement des appareils de climatisation dans la mesure où les pompes à chaleur à air réversible sont concernées.

Si tel était le cas, mieux vaudrait que cette aide publique concernant la climatisation soit limitée aux personnes âgées.

A la suite du vote d'un amendement du projet de loi réformant le statut d'EDF et de GDF, les producteurs d'énergies renouvelables ne peuvent désormais plus bénéficier du renouvellement du contrat d'obligation d'achat, qui constitue pourtant le principal vecteur de promotion des énergies renouvelables.

On nous a indiqué à cette occasion que cette réforme était réclamée par la Commission européenne, qui jugeait que la reconduction de ce contrat pouvait constituer une aide de l'Etat.

Or, si je me réfère aux considérants de la directive de 2001 sur les énergies renouvelables, il est explicitement indiqué que les Etats membres ont le droit d'appliquer des régimes de soutien direct des prix pour promouvoir les énergies renouvelables.

Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, cet apparent paradoxe, et nous faire part de vos analyses en la matière ?

Tous les producteurs d'énergies renouvelables, sans oublier les hydrauliciens, éprouvent les plus grandes craintes quant à cette réforme, qui menace la viabilité économique de la filière à moyen terme.

Enfin, la commission des affaires économiques s'est intéressée à la question des biocarburants. Nous considérons tous que la France reste sous-développée en la matière, même si nous nous félicitons de la décision qui a été prise par le Premier ministre de construire quatre unités de production supplémentaires.

Je m'interroge sur la situation de la France, qui incorpore péniblement moins de 1% de carburant renouvelable dans les essences, alors que le Brésil en incorpore aujourd'hui plus de 20 %.

Pouvez-vous également nous indiquer pourquoi les marchés européen et français des véhicules particuliers ne font pas un usage plus massif des moteurs dits « flex-fioul », qui fonctionnent soit à l'éthanol, soit à l'essence, soit au moyen des deux.

Je rappelle que Wolkswagen, Fiat et d'autres constructeurs européens sont présents sur le marché brésilien, comme Renault avec la Clio, Citroën avec la C3, et PSA avec la 206 dès l'année 2005.

En conclusion, j'évoquerai la situation du secteur pétrolier. A la fin du mois d'octobre dernier, le prix du baril de pétrole a dépassé le seuil des 50 dollars, atteignant un niveau préoccupant, même s'il est encore éloigné de ceux que nous avons connus lors des chocs pétroliers.

Cette évolution, liée à un décalage croissant au cours de l'année 2004 entre les capacités de productions obérées par les aléas exceptionnels et la demande structurellement en hausse, suscite, monsieur le ministre, un grand nombre d'interrogations.

Même si je constate aujourd'hui que le prix du baril de pétrole baisse légèrement, j'émets les plus vives craintes, à titre personnel, quant aux conséquences économiques de l'envolée des prix du brut, notamment pour la France, qui pourrait en pâtir lourdement du fait d'une hausse de l'inflation, du ralentissement des exportations et de la consommation des ménages.

Toujours à titre personnel, je m'interroge sur la pertinence de la prévision de croissance pour 2005 sur laquelle est assis ce projet de budget et qui est loin d'être assurée si l'on se réfère aux estimations de la Commission européenne et de l'OCDE pour l'année 2005.

Le temps m'étant compté, je vous invite, mes chers collègues, à vous reporter à mon rapport n° 76, tome 6, pour plus de détails sur les grandes questions concernant les évolutions des marchés de l'électricité et du gaz, la poursuite du mouvement de libéralisation, la question du programme électronucléaire et celle des déchets nucléaires, les évolutions du secteur pétrolier et l'état des réserves pétrolières dans le monde, la préparation de l'économie de l'après pétrole, la recherche des énergies alternatives aux hydrocarbures telles que la pile à combustible et les techniques de liquéfaction des gaz issus de la biomasse.

Il est également traité dans ce rapport du protocole de Kyoto, de la lutte contre les changements climatiques, des permis d'émission, du plan climat, des économies d'énergie et des impacts des gaz à effet de serre.

En outre, à titre personnel, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le dérapage fatal du secteur des transports du point de vue tant de la dépendance quasi exclusive à l'égard des produits pétroliers - le secteur consomme en effet 50 millions de tonnes de produits pétroliers par an - que des émissions de gaz à effet de serre, qui représentent 33 % de l'ensemble des émissions.

Le transport de marchandises est réalisé à hauteur de 75 % par la route en tonne-kilomètre, tandis que cette part n'était que de l'ordre de 60 % en 1980. Aujourd'hui, 22 % de ce transport sont assurés par le ferroviaire, et 3 % seulement par les canaux.

Au total, contrairement à ce que je lui ai proposé, la commission des affaires économiques s'est prononcée favorablement sur l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005.

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