Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, diminution des cotisations sociales des entreprises, exonérations et allègements fiscaux, crédits d'impôts, crédits de taxes professionnelles : autant de choix budgétaires pour 2005 qui témoignent d'une véritable fuite en avant dans le dumping fiscal et social, quoi qu'en dise M. le président de la commission des finances.
Est-ce là la solution aux mouvements de délocalisation en cours, aux plans de licenciements et aux plans sociaux de liquidation qui frappent de plein fouet notre industrie depuis plusieurs années ? Est-ce là la réponse pour diminuer le chômage, qui touche près de trois millions de personnes aujourd'hui ? Est-ce là la réponse à apporter aux dix millions de salariés qui vivent dans une situation d'extrême précarité ?
Je suis loin d'en être convaincu, et je ne suis pas le seul.
En septembre dernier, dans son vingt-deuxième rapport sur la concurrence fiscale et l'entreprise, le Conseil des impôts relativisait fortement l'influence de la fiscalité sur l'implantation des entreprises, soulignant que « la fiscalité semble jouer un rôle réduit dans la problématique d'ensemble de l'implantation des entreprises. » L'impôt de solidarité sur la fortune et, plus globalement, la fiscalité sur les hauts revenus, n'y sont pas considérés comme des facteurs susceptibles de nuire à la compétitivité de nos entreprises.
Quant aux nouvelles mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, à savoir le crédit d'impôt en faveur des entreprises qui relocalisent en France, le crédit de taxe professionnelle, les allègements fiscaux et sociaux en faveur des entreprises participant aux pôles de compétitivité, elles participent des logiques de moins-disant fiscal et social qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas permis de renchérir en emplois le contenu de la croissance.
Dans le même temps, ce sont autant de recettes en moins pour les finances publiques globales et locales, ce qui pèsera sur la croissance future.
Vous estimez, monsieur le rapporteur, qu'il en résultera une augmentation, et que cette « augmentation de 800 millions d'euros constitue un signal très fort en faveur du retour de la politique industrielle ». Je ne crois pas qu'un tel plan permettra de mettre un terme à l'hémorragie d'emplois que connaît notre pays depuis plusieurs années.
Dans mon propre département, le Pas-de-Calais, ce ne sont pas moins de trente-trois entreprises qui, en 2004, par le biais de délocalisations, pour la plupart, ont supprimé ou s'apprêtent à supprimer plus de 6 000 emplois. Ces 6 000 suppressions d'emplois viennent s'ajouter aux 4 000 intervenues l'année dernière, ce qui fait 10 000 suppressions d'emplois en deux ans.
La croissance demeure atone, limitée, selon l'INSEE, à 2, 3 %. Elle manquera encore de souffle en 2005.
Si l'investissement semble repartir, il demeure fortement orienté vers la rationalisation. Nos grandes entreprises encore publiques, comme La Poste, la SNCF, ou récemment privatisées, comme France Télécom, ont engagé des plans drastiques de réduction de l'emploi et des coûts.
Dans un tel contexte, où l'Etat lui-même se targue de supprimer plus de 7 000 postes, j'ai beaucoup de doutes, monsieur le ministre, quant à l'efficacité des mesures de surenchère qui visent à tirer vers le bas l'ensemble de nos coûts, à placer nos territoires en concurrence, à conduire les entreprises à profiter des avantages fiscaux des zones franches urbaines et à mettre la clé sous la porte lorsque ceux-ci prennent fin !
Ces nouvelles mesures dites d'anti-délocalisations participent, en réalité, de la même problématique qui consiste, sous prétexte de compétitivité et d'attractivité, à multiplier les cadeaux aux entreprises sans pour autant faire peser sur elles de véritables contraintes en matière de maintien d'emplois à moyen terme et à long terme.
Monsieur le ministre, il est nécessaire et urgent de responsabiliser les entreprises qui délocalisent leur production à l'étranger : à cette fin, il serait utile de rétablir la loi « Hue » sur le contrôle des fonds publics, de sanctionner financièrement et fiscalement les entreprises bénéficiaires qui licencient, de créer un lien juridique entre le donneur d'ordre et ses sous-traitants lorsqu'un plan de licenciements intervient.
Pourquoi ne pas supprimer toute aide publique aux entreprises ayant procédé, l'année précédente, à des délocalisations ?
Pourquoi ne pas taxer les importations de produits délocalisés pour des raisons de bas coûts de main-d'oeuvre ou de concurrence fiscale déloyale ?
Une telle mesure, fondée sur le rejet des pratiques de dumping social auxquelles se livrent les multinationales avides de profit, n'est ni plus protectionniste, ni moins légitime que la TVA de compétitivité ou la TVA sociale proposées par certains de nos collègues de droite.