Les dispositifs budgétaires et la nouvelle organisation des soutiens à l'innovation doivent amplifier l'effet des mesures fiscales décidées pour 2005 au profit de l'innovation et de la compétitivité des entreprises.
Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit l'action engagée en termes d'allègements fiscaux pour les entreprises participant à un projet de recherche et de développement dans les pôles de compétitivité, de renforcement du dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des jeunes entreprises innovantes, de montée en charge du crédit d'impôt-recherche en 2005 et de mise en place d'un crédit d'impôt pour les dépenses de prospection commerciale.
Enfin, la défense de la propriété intellectuelle est devenue, avec la mondialisation de l'économie, un enjeu essentiel pour la compétitivité, la protection des savoir-faire et la localisation des emplois : avec 6, 5 % environ des brevets européens déposés chaque année, notre pays se situe derrière l'Allemagne, qui en a déposé 19, 8 %, et le Japon, qui en a déposé 15 %. Je souligne que, pour la première fois depuis dix ans, le nombre de brevets déposés a augmenté en 2004 de 3, 5 %. Ce résultat, important et encourageant, couronne nos efforts de formation et de recherche.
La valeur ajoutée que constitue l'intelligence est un atout majeur dans la compétition mondiale. Il faut non seulement accroître la formation de nos ingénieurs et de nos techniciens, mais aussi assurer une meilleure diffusion du savoir entre la recherche et l'entreprise.
Le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche devrait notamment contribuer à renforcer les effets d'entraînement de la recherche publique sur le développement de l'innovation technologique dans le secteur privé. La formation des ingénieurs, quant à elle, est une action essentielle que mène mon ministère à travers son propre réseau d'écoles de formation, notamment les écoles des mines et celles des télécommunications.
Plus de 212 millions d'euros seront consacrés l'an prochain à cette action : cet effort, qui représente 10 % du budget total de mon ministère, sera en hausse de 1, 5 % par rapport à 2004.
Le deuxième axe concerne le renfort des synergies entre les acteurs économiques.
La mise en synergie des actions de chacun est un objectif au moins aussi essentiel que le renforcement des moyens d'action. C'est tout le sens de la démarche des pôles de compétitivité, qui visent à donner la priorité non plus à des entreprises, à des régions ou à des filières industrielles, mais à des projets communs de développement économique, fondés sur l'innovation et rassemblant les efforts conjoints des industriels, des collectivités locales et de l'Etat.
C'est aussi pour renforcer l'efficacité de notre action sur le terrain que le Gouvernement a entrepris une réforme des chambres de commerce et d'industrie, notamment de leurs modes électifs, afin d'améliorer leur représentativité, de déconcentrer leur tutelle et de les rendre plus efficaces au service du tissu industriel.
La réforme du financement des centres techniques industriels, les CTI, et des comités professionnels de développement économique, les CPDE, s'inscrit dans cette logique de structuration du débat avec les filières professionnelles et mérite d'être soulignée. Elle est maintenant achevée avec la mise en place d'une taxe affectée garantissant le niveau de ressources de ces organismes précieux pour les secteurs industriels qu'ils servent.
Malgré les contraintes budgétaires, les crédits réservés à cet ensemble d'actions sont stabilisés en 2005.
Enfin, il revient à l'Etat de susciter, plus qu'il ne l'a fait jusqu'à présent, la réflexion collective des acteurs, de conduire l'élaboration d'une stratégie, de dégager une vision à long terme. J'ai d'ores et déjà engagé des démarches de ce type dans plusieurs branches d'activités prioritaires : celles du textile, de la chimie et de la pharmacie.
D'abord, en ce qui concerne le secteur du textile, qui sera touché le 1er janvier 2005 par le choc très brutal que constituera l'ouverture des échanges avec la Chine, une mission stratégique a été mise en place ; son rapport vient de m'être remis. Par ailleurs, un groupe européen de haut niveau, dont la France a été à l'initiative et auquel elle a participé très activement, a également été instauré.
Ensuite, s'agissant du secteur de la chimie ensuite, qui est en pleine phase de recomposition, en particulier dans la région lyonnaise, avec des groupes en devenir comme Rhodia et Arkema, j'ai mis en place un groupe de travail au mois de septembre, dont la présidence a été confiée au député Daniel Garrigue.
Enfin, en ce qui concerne la pharmacie, secteur d'avenir dans lequel la France est forte, mais où elle doit se préoccuper de conserver son potentiel industriel, un comité stratégique, présidé par le Premier ministre lui-même, a été créé.
Le troisième axe est de favoriser l'accès aux ressources indispensables au développement des entreprises.
Je veux à cet égard mettre l'accent sur deux points essentiels : la nécessité d'une politique énergétique d'une part, l'importance des nouvelles technologies de l'information et de la communication d'autre part.
Je commencerai par évoquer la politique énergétique.
Le Gouvernement actuel a tenu, dès son arrivée, à réaffirmer avec force une réalité quelque peu oubliée : l'importance capitale de la politique énergétique parmi les politiques en faveur de la compétitivité.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : n'ayant pas de ressources énergétiques fossiles, notre pays supporte une facture pétrolière de 23 milliards d'euros. La consommation d'énergie est l'un des premiers postes de consommation des ménages : elle représente 7, 4 % de leurs dépenses. La production d'énergie est indispensable à toute activité industrielle.
Le projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui a été voté en première lecture, pose les fondements de notre politique énergétique pour l'avenir.
La loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui traduit nos engagements européens en matière de concrétisation de l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz, donne aux grands opérateurs industriels que sont EDF et GDF les moyens de se développer dans un cadre international.
Au-delà de ces textes, le Gouvernement a, sans attendre, traduit concrètement les orientations qu'il a définies avec le Parlement.
Ainsi, dans le domaine de la maîtrise de l'énergie, il a lancé, dès mai 2004, avec l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et l'ensemble des professionnels du secteur pétrolier et automobile qui se sont ralliés à cette démarche, une campagne de sensibilisation aux économies d'énergies.
S'agissant de la diversification du bouquet énergétique, le Gouvernement, après un débat au Parlement, a confirmé sans ambiguïté le choix de la filière nucléaire et le lancement du réacteur EPR - european pressurised reactor. Pour sa construction, EDF a entériné le choix du site de Flamanville. Ce projet, si longtemps différé malgré son importance pour notre pays, va pouvoir se concrétiser.
Le choix du nucléaire, celui de l'énergie hydraulique, dont la France est l'un des plus gros producteurs en Europe, c'est celui de l'autonomie énergétique. C'est aussi la réponse de la France à ses difficultés d'accès aux ressources fossiles, au problème de la maîtrise des rejets de gaz à effet de serre et à la nécessaire préservation du pouvoir d'achat de nos concitoyens face aux évolutions du prix du pétrole.
Mais il est clair que le nucléaire et l'hydraulique ne sont pas la solution unique. S'ils répondent bien au besoin d'électricité domestique et industrielle, en base, de notre pays, ils ne nous exonéreront pas des progrès à réaliser dans les domaines du transport et du chauffage, qui restent très dépendants du pétrole.
C'est pourquoi le Gouvernement a également souhaité développer les biocarburants en portant leur production de 500 000 tonnes à 1 300 000 tonnes en 2007, car c'est encore une énergie dans laquelle, au vu de nos atouts, nous pouvons être l'un des leaders européens.
S'agissant de la maîtrise des nouvelles technologies de l'énergie, le budget de l'industrie finance trois grands acteurs de la recherche qui sont les fers de lance de notre pays pour les recherches dans ce domaine : le CEA, l'ADEME, et l'IFP.
La dotation au CEA est stabilisée en 2005. Mais cet organisme bénéficiera prochainement d'un plan à long terme et d'un contrat d'objectif qui confortera dans la durée ses moyens pour la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, notamment l'utilisation de l'hydrogène, les piles à combustible et l'énergie photovoltaïque.
Avec 192 millions d'euros en 2005, la dotation de l'IFP est en baisse de 8 millions d'euros, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial. Mais cet organisme dispose de ressources externes importantes qui lui permettront de poursuivre les actions engagées au titre de son contrat d'objectif.
Enfin, le ministère de l'industrie renforce sa subvention globale à l'ADEME, qui est portée à 50 millions d'euros.
J'en viens aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
L'accès aux grands réseaux de communication constitue également un facteur clé du développement d'une économie de la connaissance.
L'accès à l'Internet à haut débit et à la téléphonie mobile est devenu une condition essentielle, non seulement de la compétitivité économique, mais aussi de l'intégration culturelle et sociale.
Les collectivités locales viennent d'être dotées, par la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, d'une compétence très large. Elles sont désormais autorisées à exercer les activités d'opérateurs de télécommunications, y compris, dans certains cas, en concurrence avec les opérateurs privés.
Mais l'Etat ne saurait se limiter à accompagner les projets de collectivités locales. La priorité du Gouvernement, c'est l'Internet à haut débit et la téléphonie mobile pour tous, c'est-à-dire l'extension à l'ensemble de la population nationale de la couverture en haut débit et en téléphonie mobile.
Le haut débit pour tous ne sera pas durablement installé si nous ne favorisons pas la concurrence la plus effective et la plus large possible.
Le moyen essentiel de favoriser la concurrence n'est pas, à mon sens, l'attribution de subventions par des administrations nationales, mais une régulation efficace du secteur. Les excellents résultats obtenus depuis deux ans par la France en matière de haut débit en sont la preuve. Faut-il rappeler que la France se situe dans le peloton de tête en Europe et dans le monde pour l'accès à Internet à haut débit ?
Monsieur Hérisson, les moyens de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, ont été renforcés, puisque six postes supplémentaires lui ont été accordés dans le projet de budget pour 2005 et que ses crédits augmentent d'un peu plus de 5 %.
Le marché du haut débit est devenu en deux ans un marché de masse. Plusieurs millions de Français ont accès à des offres innovantes à des tarifs abordables. Ce succès de la France est essentiellement dû au dynamisme de ses opérateurs et à sa régulation avisée du secteur. Il convient donc de veiller à ce que l'engagement de moyens publics locaux ou nationaux ne vienne pas perturber cette dynamique concurrentielle particulièrement vertueuse.
Mon objectif est de donner à l'ART la panoplie complète des instruments d'une régulation plus efficace du secteur sur l'ensemble du territoire.
La loi transposant le « paquet télécom » a paru le 9 juillet dernier. Je me suis engagé à ce que les décrets d'applications soient pris avant la fin de l'année 2004. Cet engagement est tenu. Le décret sur le contrôle des opérateurs puissants, qui comporte tous les instruments d'une régulation efficace du secteur a été publié.
Le quatrième axe concerne l'adaptation du tissu industriel aux mutations en cours.
La priorité à l'accompagnement des mutations industrielles est clairement affirmée dans le projet de budget pour 2005. Les crédits d'intervention du ministère de l'industrie destinés aux restructurations, à la reconversion des salariés, à la réindustrialisation des bassins d'emplois et à la gestion de l'arrêt de l'extraction charbonnière sont en progression de 8, 68 %.
Un nouveau dispositif de conversion, qui comporte un appel au financement bancaire, une garantie publique par la SOFARIS et le recours à un prestataire de conseil ayant un mandat limité dans le temps, sous forme de délégation de service public, a été mis en place. Ce dispositif est actuellement appliqué en Basse-Normandie pour Moulinex et dans le Nord-Pas-de-Calais pour Metaleurop.
L'augmentation des moyens consacrés à la sécurité et à la gestion de sites miniers en reconversion s'accompagnera de la modernisation de la garantie apportée par l'Etat aux droits sociaux des mineurs. La fin programmée des exploitants miniers publics, notamment du premier d'entre eux, Charbonnages de France, qui cessera toute activité à la fin de l'année 2007, nécessite que soit accélérée la mise en place du dispositif de l'après-mines dans tous ses aspects. La mise en oeuvre de ce dispositif sera poursuivie à un rythme soutenu durant l'année 2005. Nous avons largement débattu de cette importante question au Sénat le 24 novembre dernier.
Le cinquième axe concerne la modernisation de l'intervention de l'Etat.
Le projet de budget pour 2005 porte aussi la marque de la réforme budgétaire engagée par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Mon ministère s'est engagé dans un véritable mouvement de réforme de l'Etat.
Premièrement, la gestion des contrôles de véhicules est en cours d'externalisation. L'appel d'offres lancé au mois de juin 2004 a été un succès. Cette opération devrait se traduire pour l'Etat par une recette de 53, 8 millions d'euros. Elle témoigne de l'évolution des missions du ministère qui se recentre sur son rôle de régulateur et de normalisateur.
Deuxièmement, le Gouvernement a engagé une réforme de l'administration en régions en regroupant les services par pôles. Les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, seront intégrées aux pôles économiques, mais elles participeront à une expérimentation de rapprochement avec les directions régionales de l'environnement, les DIREN, au sein des pôles environnement.
Les DRIRE ont vocation à être les interlocuteurs privilégiés des entreprises industrielles de toute nature, qu'il s'agisse des contrôles réglementaires ou de leur développement. Leur double rattachement aux activités économiques et aux activités de contrôle de l'environnement consacre leur double mission, car elles sont l'essentiel de la culture industrielle à l'échelon local.
Troisièmement, enfin, l'Etat a engagé l'évolution en profondeur des grands opérateurs publics dont il a la tutelle.
L'évolution du statut d'EDF et de GDF constitue une étape majeure pour le développement de ces entreprises et la clarification du rôle de l'Etat, qui n'avait pas vocation à y rester actionnaire exclusif. Il en va de même de France Télécom, où l'Etat a réduit sa participation en dessous du seuil de 50 %.
La modernisation de La Poste est en cours. Elle a fait l'objet d'un débat approfondi dans cet hémicycle. M. Hérisson l'a décrite dans son rapport et vient d'en parler avec beaucoup de justesse. Je veux cependant y revenir brièvement.
Les principaux sujets stratégiques de La Poste s'inscrivent désormais dans le cadre du contrat de plan qui a été signé en janvier 2004 et qui comporte plusieurs dispositions ayant un impact budgétaire.
Ainsi, La Poste pourra bénéficier à compter de 2006 de l'exonération de charges sociales sur les bas salaires qui lui avait été refusée initialement par la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
Cette mesure a un coût budgétaire non négligeable puisqu'il est de l'ordre de 230 millions d'euros. Je crois cependant qu'il s'agit d'un progrès important dont nous pouvons nous féliciter et dont nous aurons certainement l'occasion de reparler lors de la discussion du budget de 2006.
Le contrat de plan reconduit également le dispositif de compensation relatif aux retraites des employés fonctionnaires de La Poste, en définissant une méthode pour parvenir à une solution plus complète.
Après dix-huit mois de travaux intenses, la mission confiée à M. Henri Paul sur le transport de la presse par La Poste a permis d'aboutir à la signature en juillet 2004 d'un accord couvrant la période 2005-2008.
Le secteur de la presse continue ainsi à bénéficier, de la part de La Poste, de tarifs préférentiels pour son transport et sa distribution. La presse peut en conséquence développer sa diffusion par une politique d'abonnements à un coût raisonnable pour le public, en bénéficiant de prestations relevant du service universel postal adaptées à ses besoins et fournies avec une bonne qualité de service.
Le projet de loi sur la régulation des activités postales dont vous avez débattu, mesdames, messieurs les sénateurs, tend à transposer la directive européenne de mai 2002, ce que seule la France n'a pas fait à ce jour. Il complète aussi la transposition de la directive de 1997 en créant un régulateur postal français indépendant, dont l'absence a justifié l'avis motivé adressé à La France par la Commission.
Le retard français dans la transposition des « directives postales » a conduit la Commission européenne à annoncer son intention de saisir la Cour de justice : il y a donc urgence.
Plus largement, l'ouverture progressive des marchés du courrier rend nécessaire une modernisation de la législation française en créant un cadre d'exercice pour les acteurs du secteur postal et en instituant un régulateur indépendant. Cette orientation est déjà mise en oeuvre dans de nombreux pays européens.
Le débat politique actuel sur la présence territoriale de La Poste conforte la priorité que le Gouvernement entend donner à la modernisation du secteur postal. L'Assemblée nationale examinera ce projet de loi en première lecture dès janvier.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget pour 2005 du ministère de l'industrie est un budget plus économe, car il tire profit des gains de réformes en profondeur et des simplifications en cours, mais il est aussi résolument offensif.
Il est tourné vers l'avenir, et l'avenir, pour toutes nos entreprises, c'est la globalisation des échanges et la bataille pour la compétitivité. Face à ce défi majeur, le soutien de l'Etat en matière industrielle doit se recentrer sur l'essentiel.
C'est le but de ce budget.