Intervention de Marc Massion

Réunion du 3 décembre 2004 à 15h30
Loi de finances pour 2005 — Commerce extérieur

Photo de Marc MassionMarc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme il est de tradition lorsque l'on parle du commerce extérieur, qui est un thème relativement consensuel entre nous, je commencerai ma présentation par une bref tableau de la situation internationale et de la position française au regard des derniers chiffres connus, avant de commenter les grandes évolution du budget proprement dit.

L'originalité de l'année consistera en un commentaire des indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui ont pu nous être transmis.

Quelle est la situation du commerce extérieur français ?

Il convient tout d'abord de replacer son évolution dans un contexte plus large. Plusieurs éléments peuvent le caractériser, qui sont d'une grande importance. Ainsi, l'année 2004 a été marquée par un retour limité de la croissance, mais nous ignorons si elle se poursuivra. En effet, la hausse continue des prix du pétrole, les incertitudes géopolitiques ou bien les craintes suscitées par l'élargissement de l'Union européenne sont autant de facteurs qui pourraient, le moment venu, handicaper une croissance qui reste fragile.

Au niveau des négociations internationales, deux faits doivent être rappelés.

D'abord, l'échec du sommet de Cancun, qui a révélé de graves divergences entre les différents partenaires. La déclaration interministérielle qui a conclu les débats, réaffirmant la détermination des membres à achever les négociations au 1er janvier 2005, ne doit pas dissimuler les incertitudes qui pèsent sur cette forme de multilatéralisme. Si un accord-cadre a pu être négocié le 31 juillet 2004, il ne préjuge en rien le contenu de l'accord final et il n'est pas certain que l'échéancier puisse être tenu.

Ensuite, les différends commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis semblent plus exacerbés que jamais. Le rapporteur spécial des crédits de l'aviation civile, notre collègue Yvon Collin, a fait état de ses craintes quant au contentieux relatif à Airbus. Je partage naturellement son point de vue, même s'il faut faire la part des choses. On observe, en effet, une concordance troublante entre la campagne électorale américaine et les plaintes de l'administration, et il n'est absolument pas certain que Boeing ait intérêt à porter l'affaire devant l'organe de règlement des différends. Donc, sur ce point, nous devons attendre la position de la nouvelle administration Bush.

J'en viens maintenant à la position française.

En apparence, elle s'est caractérisée, au premier semestre 2004, par une hausse des exportations de 3, 1 %. Cependant, les importations ayant progressé de 3, 8 %, l'excédent commercial est en recul, à 1, 1 milliard d'euros, alors qu'il était de 2, 2 milliards d'euros au second semestre 2003. Naturellement, ce chiffre peut sembler inquiétant. Il convient toutefois de le relativiser.

Tout d'abord, une croissance des importations n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Je vous rappelle que les plus forts excédents commerciaux ont été constatés en années de crise, non pas à cause de la progression de nos exportations, mais tout simplement parce que les gens ne consommaient pas ! Donc, une partie au moins de ce tassement n'est que le reflet de la hausse, même modérée, de la consommation nationale. De plus, la part de marché mondial de la France reste stable, en termes tant absolus que relatifs.

Cependant, je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, consacrer quelques développements à deux points qui me paraissent importants : les déséquilibres régionaux de nos échanges et la place des PME.

De manière optimale, la structure géographique de nos échanges devrait correspondre aux grandes tendances observées dans le monde. Or, on constate qu'ils sont toujours très nettement déséquilibrés en faveur de nos partenaires de l'Union européenne, avec 66 % du total.

De plus, alors que nos échanges avec l'Amérique latine et l'Afrique restent stables, ils ont tendance à reculer avec l'Asie émergente, notamment en raison de la crise monétaire violente de la fin des années quatre-vingt-dix.

Je ne citerai qu'un seul chiffre : l'Europe occidentale, le Proche-Orient et le Moyen-Orient représentent 45 % du commerce mondial, mais absorbent 75 % de nos échanges.

Pour ce qui est de la part des PME dans le commerce français, selon les dernières données disponibles, en 2002, sur 2, 4 millions de PME, seules 115 000 ont participé aux échanges extérieurs, soit 5 %. Il y a donc une dissociation entre la réalité de l'économie française, composée essentiellement de PME, et la structure des exportations, majoritairement dominées par les grands groupes qui obtiennent, il est vrai, des résultats remarquables. A titre de comparaison, en Allemagne, 18 % des PME exportent.

Ces deux éléments - déséquilibre des échanges et place des PME - appellent des politiques volontaristes. C'est le sens de l'action lancée par le Gouvernement, qui doit s'inscrire sur le long terme, prévoyant des plans particuliers pour vingt-cinq pays cibles et une accessibilité plus grande des PME au réseau de la DREE, la direction des relations économiques extérieures, via notamment les directions régionales du commerce extérieur. Les régions devraient d'ailleurs recevoir prochainement des compétences plus larges en matière de promotion de leur territoire à l'international ; je crois que c'est une bonne chose.

Mais, plus que jamais, nous avons besoin d'actions concrètes. A titre d'exemple, je me permets de vous rappeler le contrôle sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA, que j'ai mené cette année avec mon collègue Joël Bourdin. Il s'agit là manifestement d'un bel instrument au profit du monde agricole, et il serait réellement dommage de ne pas en conserver en partie la maîtrise. Cependant, comme nous avons pu le montrer - et je pense que ce constat vaut pour le commerce extérieur - cela nécessite une vision claire et à long terme, ainsi qu'un vrai courage politique.

Il convient, dans ce contexte, de rappeler l'intervention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la conférence de l'exportation, le 25 octobre dernier. L'ancien ministre d'Etat s'est montré déterminé à soutenir l'effort des entreprises françaises par le biais de plusieurs mesures, dont deux méritent d'être rappelées, même si elles ne concernent pas directement les crédits du commerce extérieur : un crédit d'impôt export pour les PME et un contrat emploi-export, sur le modèle des contrats de chantier. Nous jugerons de l'efficacité de ces mesures, mais il est évidemment positif que l'exportation mobilise les acteurs publics et privés.

Sur l'ensemble de ces thèmes, je souhaiterais que M. le ministre puisse nous donner son sentiment et qu'il nous précise le cadre que le Gouvernement se fixe afin d'améliorer de manière significative la position française au niveau international, partant du principe que, quelle que soit notre sensibilité politique, nous ne pouvons que souhaiter que la France demeure le grand pays exportateur qu'elle est depuis longtemps.

J'en viens, mes chers collègues, à la présentation des grandes lignes du projet de budget pour 2005.

Les crédits sont en nette baisse par rapport à 2004, puisqu'ils diminuent de 6, 19 %. A cet égard, deux éléments doivent être soulignés.

D'une part, des efforts importants ont été mis en oeuvre par la direction des relations économiques extérieures, afin de rationaliser son réseau et de fermer certaines implantations. Il devrait ainsi être possible de financer les projets destinés aux « pays prioritaires ».

D'autre part, je vois dans cette réduction des crédits les effets très positifs de la contractualisation. Depuis plusieurs années déjà, la DREE et la direction du budget signent des « contrats de performance ». Sans entrer dans le détail, des objectifs qualitatifs et quantitatifs sont fixés de part et d'autre, et des évaluations sont réalisées annuellement.

On peut remarquer qu'il s'agit d'une préfiguration de la LOLF et que les méthodes employées pour ces contrats ont été utilisées pour l'ensemble des ministères. L'année dernière, je déplorais que le contrat n'ait pas été signé. De fait, il l'a bien été, la veille de l'examen du budget au Sénat ! On peut donc voir dans cette reconduction un élément extrêmement positif.

L'évolution des crédits appelle finalement peu de remarques. La réorganisation d'UbiFrance, fusionné avec le Centre français du commerce extérieur et dont une partie est délocalisée à Marseille, génère des économies de l'ordre de 5 millions d'euros.

En ce qui concerne la mise en place de la LOLF, l'actuel budget du commerce extérieur est éclaté en cinq missions différentes. Par souci de clarté, je ne présenterai que deux d'entre elles, les trois autres étant en fait assez éloignées des objectifs du commerce extérieur puisqu'elles concernent surtout l'aide au développement.

La mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques » regroupe l'essentiel des crédits de l'administration centrale du ministère des finances, dont ceux de la DREE. On peut cependant isoler cette direction dans l'objectif n° 4, qui concerne « la prise en compte des intérêts économiques de la France ».

Il convient de remarquer que l'indicateur associé ne peut mesurer pleinement l'efficacité d'une action qui dépend de nombreux paramètres - attitude de nos principaux partenaires, importance des enjeux, etc. En conséquence, l'indicateur choisi est avant tout qualitatif. Il consiste à fixer annuellement des objectifs prioritaires de négociation et à évaluer sur cette base l'efficacité sur une échelle de zéro - objectif non atteint - à trois - objectif atteint -.

Pour l'année 2005, cinq négociations ont été choisies : l'amélioration des positions françaises dans la détermination des positions communautaires ; l'Organisation mondiale du commerce et la suite de la conférence ministérielle de Doha ; la poursuite des accords régionaux ; la promotion de la diversité culturelle, notamment dans le cadre de l'UNESCO ; enfin, les contentieux commerciaux transatlantiques.

Il convient de remarquer que la détermination des objectifs reste largement à l'appréciation du Gouvernement. Une information préalable du Parlement serait bienvenue, notamment destinée aux rapporteurs spéciaux et pour avis des commissions concernées.

La mission « développement et régulation économique » comprend un programme « développement des entreprises » qui vise à « faciliter le développement d'un tissu économique structurant pour les territoires et générateur d'emplois, tout en contribuant à la répartition équilibrée des activités sur le territoire ».

L'action n° 7 du programme « développement international de l'économie française » comprend la totalité des crédits des missions économiques à l'étranger et des directions régionales du commerce extérieur, les DRCE, tant en personnels qu'en fonctionnement et en immobilier, ainsi que les crédits d'intervention en faveur d'UbiFrance, de l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, des expositions universelles, des contrats de plan Etat-régions mis en oeuvre par les DRCE. Il s'agit donc de la partie la plus importante du commerce extérieur.

L'action comprend deux finalités : le développement international des entreprises françaises par l'information, la mise en relation et la promotion, ainsi que l'implantation de sociétés étrangères par la mise en valeur du territoire national.

A ces deux finalités, on peut associer deux indicateurs.

L'indicateur n° 1 mesure le nombre d'entreprises clientes du réseau international de la DREE. Il prend donc pour données la base SIRET pour les entités françaises ou l'identifiant unique Athéna pour les entités à l'étranger. La mesure est de périodicité mensuelle.

Le choix de cet indicateur paraît pertinent. En effet, le fait pour une entreprise d'accéder au réseau payant de la DREE est la reconnaissance de l'efficacité de ses missions. Cela étant posé, l'indicateur pourrait être affiné en fonction de la taille de l'entreprise, ce qui permettrait de distinguer les efforts consentis en faveur des petites entreprises ou de déterminer si les plus grands groupes - qui, compte tenu de la structure du tissu économique français, représentent la majorité de nos exportations - utilisent aussi les services de la DREE.

De même, il n'est pas prévu d'associer à cet indicateur le taux de satisfaction des entreprises ; j'estime qu'il devrait également en être tenu compte.

Enfin, l'indicateur ne mesure pas les clients pour les opérations collectives à l'étranger, notamment les actions menées par UbiFrance, ce qui est regrettable puisqu'il s'agit précisément de la vocation de cette société.

Cet indicateur gagnerait donc à être affiné et enrichi.

Sous cette réserve, les indicateurs choisis me semblent permettre de manière relativement satisfaisante de déterminer la contribution de la DREE à la conduite de la politique commerciale de la France.

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