Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réuni à Stockholm à la fin du mois de septembre 2013, le GIEC, le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, annonçait une hausse des températures comprise entre 0, 3°degré Celsius et 4, 8°degrés Celsius d’ici à 2100. Ses estimations prévoient également une hausse du niveau de la mer de 26 centimètres à 82 centimètres au cours de la même période.
Se fondant sur des scénarios du GIEC, un rapport de l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, de 2009 avait déjà donné le ton. À supposer que la demande en eau reste stable, c'est-à-dire pour la satisfaction des besoins actuels de l’industrie, de l’agriculture pour l’irrigation et de l’alimentation en eau potable, on observerait en France un déficit de 2 milliards de mètres cubes par an à l’horizon 2050.
Cela se traduirait par une multiplication des conflits d’usage, par une dégradation de la qualité des eaux ou encore par la perturbation des écosystèmes aquatiques ou dépendants de la ressource en eau.
Le droit à l’eau devient donc une question primordiale, pour assurer la continuité de l’ensemble des activités humaines.
Ce droit est aujourd’hui reconnu par l’article L. 210-1 du code de l’environnement, qui dispose : « Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »
Le droit à l’eau est, à mes yeux, un enjeu à plusieurs dimensions. Le temps qui m’est imparti m’oblige cependant à concentrer mon propos sur deux défis qui me paraissent essentiels.
Le premier défi est social et domestique : sur notre territoire, chacun doit pouvoir disposer du droit à l’eau, avec une attention particulière portée aux ménages les plus modestes ou en difficulté.
Le second défi est celui d’une politique de l’eau à long terme. Si nous voulons préserver le droit à l’eau, nous devrons répondre aux enjeux du réchauffement climatique, aux conséquences de celui-ci sur l’agriculture et, à plus large échelle, aux conflits d’usage que suscite la rareté de l’eau.
Je souhaite tout d’abord évoquer l’accès à l’eau sur notre territoire.
La facture « eau et assainissement » représente aujourd’hui environ 1, 25 % du revenu disponible moyen d’un ménage, soit une facture annuelle de l’ordre de 430 euros pour une famille composée de deux adultes et de deux enfants.
Alors que le prix moyen de l’eau augmente, qu’il est fortement variable d’un département à l’autre, voire d’un service à l’autre, il convient de s’intéresser aux outils facilitant l’accès à l’eau pour les foyers les plus modestes.
À ce titre, le groupe UDI-UC s’est félicité de la mise en place d’une expérimentation, en vue de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau.
Engagée pour une période de cinq années, la mesure figure dans loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, adoptée sur l’initiative de M. Brottes ; nous nous souvenons tous qu’elle a été largement vidée de sa substance initiale !
Quoi qu'il en soit, cette loi a mis en place, jusqu’au mois d’avril 2018, une expérimentation sur la tarification sociale de l’eau dans les communes, régions et autres collectivités territoriales qui souhaitent participer au dispositif.
Les collectivités participantes seront autorisées à prévoir une facturation progressive de l’eau potable, avec possibilité d’instaurer une première tranche de consommation gratuite pour les abonnés en situation de précarité énergétique.
La définition des tarifs pourra être modulée en fonction du nombre de personnes ou des revenus du foyer, de l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou d’une aide octroyée pour l’accès à l’eau.
Je suis tout particulièrement attentif à ce sujet, étant membre du Comité national de l’eau, qui est chargé du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation. Le Comité devra remettre au Gouvernement, avant la fin de l’année 2015, un rapport décrivant les actions engagées dans le cadre de l’expérimentation et, avant la fin de l’année 2017, un rapport d’évaluation et de proposition.
Le droit à l’eau passe également par plus de souplesse dans l’accessibilité aux services d’eau et d’assainissement.
Comme plusieurs études ont pu le démontrer, plus les clients sont en situation financière difficile, plus le coût de services essentiels tel celui de l’eau pèse lourd, par comparaison aux prix payés par les autres clients, compte tenu de la part de l’abonnement fixe, lequel a évidemment une incidence sur le prix moyen du mètre cube consommé.
En outre, les frais supplémentaires créés par l’utilisation de moyens de paiement de substitution au prélèvement automatique constituent un obstacle supplémentaire et ils sont mal vécus par les ménages précaires.
Très attaché au principe d’équité, le groupe UDI-UC a présenté et fait adopter un amendement sur ce sujet dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation, amendement aux termes duquel le délégataire du service public d’eau et d’assainissement sera désormais obligé de proposer, parmi les modes de paiement utilisables, le chèque et une modalité de paiement en espèces. De plus, il sera tenu d’offrir gratuitement à tous ses clients la possibilité de payer ses factures par mandat compte.
Une telle mesure me semble intéressante en ce qu’elle contribue à renforcer le droit à l’eau. Je veillerai à ce qu’elle puisse être définitivement adoptée, demain matin, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la consommation.
Les enjeux liés à l’eau ont considérablement évolué. À une échelle plus globale que l’aspect social que je viens d’évoquer, les défis sont immenses : disponibilité et qualité de l’eau – l’une ne saurait aller sans l’autre –, multiplicité des usages, réchauffement climatique, protection de la ressource et des milieux, sécheresse, inondations ou encore santé publique…
Le temps de l’eau abondante est révolu. L’eau est désormais une ressource fragile.
Comment garantir à chaque secteur d’activité une eau de qualité, en quantité suffisante ? C’est le défi auquel nous serons tous confrontés.
Comme a pu l’écrire M. Philippe Martin, lorsqu’il était député, dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture de juin 2013, « une gestion équilibrée de la ressource en eau suppose de conjuguer la protection des milieux, les usages économiques et un partage équitable de l’eau ».
Il est donc primordial de ne pas opposer les usages agricoles aux autres usages et aux exigences des milieux naturels.
Je pense que les conflits d’usage peuvent être réglés par des approches territoriales à l’échelle du bassin hydrographique, car elles permettent à l’ensemble des acteurs de partager le diagnostic et d’établir des solutions durables, équitables entre tous les usages.
L’existence de tels projets territoriaux, s’appuyant sur une démarche de concertation associant tous les acteurs du territoire, permettrait de dépassionner le débat sur l’achèvement des évolutions réglementaires et sur les retenues de substitution, notamment dans le domaine agricole.
L’agriculture absorbe aujourd’hui plus de 70 % de l’eau consommée, à travers l’élevage, l’irrigation ou encore l’accroissement de la production de plus grandes quantités de denrées alimentaires.
Le droit à l’eau est donc essentiel pour sécuriser les activités des agriculteurs et relever le défi alimentaire dont il est question dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
De plus, le réchauffement climatique, tout particulièrement dans ma région du Sud-Ouest, fait craindre des conditions climatiques de plus en plus méditerranéennes, et donc des périodes de sécheresse plus longues. Dans une telle situation, comme certains spécialistes de la question l’ont souvent souligné, soit on subit, soit on anticipe !
La sécurisation des cultures spécialisées, mais aussi la contractualisation agricole et le maintien des exploitations ne peuvent s’opérer sans garantie de la ressource en eau.
Je reste convaincu que nous devons encourager la création de réserves de substitution gérées collectivement ; elles pourraient soulager la pression sur les fleuves tels que la Garonne.
Madame la ministre, cela fait vingt ans qu’il est question du projet de barrage de Charlas.