Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit à l’eau est un sujet d’autant plus vaste qu’il a changé de dimension, la question du droit fondamental de tout individu à une eau potable mettant désormais en jeu la problématique de la préservation de cette ressource vitale et celle, encore plus large, de la prise en compte du développement durable.
J’ai choisi d’aborder ici la question de la mise en œuvre de ce droit à l’eau par les collectivités territoriales, car elle est des plus actuelles.
Je voudrais tout d’abord insister sur le droit de chaque être humain à disposer de suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Car le problème se pose encore en France, qui est pourtant un pays développé, notamment pour les personnes défavorisées.
Je souhaite également souligner le lien indissociable entre le droit à l’eau et le droit à l’assainissement, c’est-à-dire la possibilité de jouir d’équipements d’assainissement garantissant à chaque individu l’hygiène, la santé et la salubrité.
Quelle est la situation actuelle ?
On peut considérer qu’aujourd’hui, en France comme dans l’ensemble des sociétés développées, l’accès à une eau de qualité et le fait de disposer d’un système d’évacuation des eaux usées sont deux composantes normales de la vie quotidienne.
Accéder à l’eau est donc une question non plus d’infrastructures, comme cela a pu l’être dans le passé, mais de moyens financiers, particulièrement pour les populations les plus démunies.
Face aux difficultés rencontrées par ces personnes qui sont dans l’impossibilité de régler leurs factures, les collectivités – car l’accès à l’eau est en grande partie leur problème – ont mis en place des solutions pour leur venir en aide.
Notre collègue Christian Cambon a évoqué la loi relative à la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement, issue d’une proposition de loi dont il était l’auteur. Ce texte a permis de renforcer la solidarité des communes à l’égard des personnes en situation de précarité.
Je le rappelle très brièvement, la loi permet aux services publics d’eau et d’assainissement d’attribuer une subvention au fonds de solidarité pour le logement pour financer des aides relatives au paiement des fournitures d’eau.
Néanmoins, tout n’est pas résolu. C’est pourquoi des dispositifs novateurs doivent également voir le jour. C’est le cas de la tarification « éco-solidaire », qui permet de mettre à la disposition des consommateurs des mètres cubes à bas prix pour leurs besoins vitaux, puis d’augmenter progressivement ce tarif.
À ce titre, la ville de Dunkerque, déjà évoquée par Ronan Dantec, est assez exemplaire, avec un prix de l’eau qui n’est pas le même selon l’usage. Cette tarification éco-solidaire s’accompagne d’une « allocation eau » pour les ménages à faibles revenus.
Cette démarche de tarification éco-solidaire présente en outre l’intérêt de favoriser un comportement économe.
Il faut le savoir, les usages et niveaux de consommation varient de façon très importante, y compris dans les pays développés, alors qu’on pourrait supposer que les consommateurs ont les mêmes besoins en eau et en font des usages similaires. Or un Américain utilise 400 litres d’eau en moyenne par jour, contre 150 à 300 litres pour un Français. Il est donc tout à fait possible de proposer une taxation par paliers pour encourager les comportements économes.
Par ailleurs, madame la ministre, peut-on parler du droit à l’eau sans prendre en compte l’augmentation sans cesse croissante des sans-abri ?
Le problème des personnes n’ayant pas accès à un point d’eau et non abonnées au service de distribution est un thème peu traité par le législateur. Je vous pose donc la question : n’est-il pas nécessaire d’envisager que les collectivités mettent en place, pour les milliers de personnes sans-abri, pour les populations vivant dans des logements non alimentés en eau, des structures leur assurant l’accès à l’eau et à des sanitaires publics décents ?
Il convient de souligner que ce type de démarche est d’ailleurs préconisé par la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, qui s’est prononcée sur ce sujet en 2013.
Un dernier point mérite d’être soulevé. Dans une étude publiée en 2013, la Confédération générale du logement dénonce la « jungle » des prix de l’eau en France : « La disparité et le niveau élevé d’un grand nombre de prix sont devenus la règle, ils entraînent de grandes injustices entre les consommateurs. »
C’est pourquoi il me semble nécessaire de demander au Gouvernement comment il compte lutter contre cette inégalité des territoires en matière de prix de l’eau, qui induit une inégalité entre les citoyens.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le rapport du Conseil d’État de 2010 consacré à l’eau et à son droit, qui date certes d’il y a trois ans, mais qui est toujours d’actualité. En effet, ce rapport soulève certains « vrais problèmes », dont le législateur devrait rapidement s’emparer.
Tout d’abord, il constate que les collectivités territoriales n’investissent pas suffisamment pour le renouvellement de leurs réseaux d’assainissement.
Il met ensuite l’accent sur le fait que ce sous-investissement est à l’origine d’un taux de perte excessif en eau potable par les réseaux publics, estimé à 20 %.
Il dénonce enfin le manque de prise en compte de la problématique du réchauffement climatique, qui nécessiterait la modification de certaines normes techniques concernant les réseaux de collecte des eaux pluviales ou d’assainissement.
Je tiens à conclure mon intervention en soulignant à quel point le sujet du droit à l’eau est au cœur de l’actualité.
En effet, quatre ans après la déclaration des Nations unies, le Parlement européen s’engage lui aussi pour le droit à l’eau. Il va tenir le 17 février prochain, c'est-à-dire dans quelques jours, sa première audition officielle portant sur l’initiative citoyenne relative à « l’eau, un droit humain ».
Madame la ministre, nous constatons que le droit à l’eau est une préoccupation de plus en plus présente parmi toutes celles qui ont trait au respect des droits de l’homme. Il est essentiel de savoir comment le Gouvernement entend s’y prendre afin de défendre le droit à l’eau pour tous nos concitoyens et, surtout, pour aider les collectivités territoriales à mettre en place des mesures permettant de faire respecter ce droit. §