Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 5 février 2014 à 14h30
Débat sur le droit à l'eau

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec un grand plaisir que je me trouve aujourd'hui devant vous, car j’attache une importance particulière à la problématique de l'eau.

Cependant, j’en appellerai à votre indulgence. Chacun sait l'intérêt que mon collègue Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, porte à cette problématique, notamment au regard des études qu’il a menées dans son propre département, le Gers, et je puis vous assurer qu’il aurait souhaité répondre lui-même à vos interventions. Néanmoins, je m’efforcerai de répondre, autant que je le pourrai, à vos interventions.

Ces interventions, je les ai toutes trouvées fort intéressantes, en mesurant le pas que nous avons accompli depuis les aqueducs, sans oublier le tribunal des eaux de Valence sur les marches de sa cathédrale, jusqu’à l'EPTB de la vallée de la Bresle – que je connais bien – ou aux problèmes spécifiques de la Guadeloupe, que M. Desplan vient d’exposer avec beaucoup de pertinence.

Je tiens à remercier tous ceux qui sont intervenus, à commencer par vous, monsieur Favier, qui avez ouvert ce débat sur le sujet essentiel qu’est le droit à l'eau, droit à portée universelle s’il en est, ainsi que l’a souligné Mme Didier.

Le dossier du droit à l’eau a plusieurs dimensions : sociales, sanitaires, environnementales, économiques. Vous avez, les uns et les autres, parfaitement mis en lumière les enjeux de la qualité, de la tarification et de la gestion publique, et nous avons bien compris que le devoir essentiel des gestionnaires publics était de garantir, d’une manière ou d’une autre, le service rendu au citoyen.

Je note également que plusieurs d’entre vous n’ont pas manqué d’insister sur le problème récurrent des non-abonnés à la distribution de l'eau et des solutions qu’il convenait d’y apporter.

Voilà tout un ensemble de problématiques sur lesquelles j’essaierai de vous apporter quelques informations, même si, bien entendu, je ne le ferai sans doute pas aussi bien que Philippe Martin l’aurait fait.

Tous les orateurs ont rappelé que l'eau est un bien commun de l'humanité, une ressource indispensable, une préoccupation quotidienne, pour les Français comme pour tous les peuples. Les chiffres concernant l'eau sont bien connus : l’eau couvre 71 % de la superficie de la planète, mais 1 % seulement de cette ressource est utilisable et consommable. C’est donc aussi un bien précieux, rare, auquel nous devons accorder une attention particulière.

L’un d’entre vous évoquait tout à l'heure la nécessité de mesurer sa consommation personnelle. Eh bien, je crois que c’est un point essentiel, qui mérite toute notre vigilance.

Compte tenu de l’importance du sujet, le Gouvernement a lancé une évaluation de la politique de l’eau dans le cadre de la modernisation de l’action publique, évaluation à laquelle Philippe Martin avait lui-même participé, en tant que parlementaire élu du Gers, avec toute l’attention que justifie la situation de ce département.

Les conclusions de cette évaluation ont été présentées lors de la table ronde consacrée à l’eau à l’occasion de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013, et des décisions résultant de ces conclusions ont été retranscrites dans la feuille de route rendue publique le 27 septembre.

Je signale tout particulièrement à votre attention, monsieur Desplan, que, parmi ces décisions, figure un plan pluriannuel qui devra être décliné dans les départements et collectivités d’outre-mer. C’est là, monsieur le sénateur, un élément de réponse à la spécificité de votre territoire.

Un constat s’impose, tout d’abord. Avoir accès à l’eau potable et à l’assainissement est essentiel pour vivre dans la dignité et garantir les droits de l’homme. Sans accès à une eau de bonne qualité et à des infrastructures d’assainissement, personne ne peut espérer disposer des droits fondamentaux que sont l’hygiène ou la salubrité.

L’accès à l’eau participe au développement de nos sociétés ; il est l’une des conditions de la santé et du bien-être des populations. Des centaines de millions de personnes dans le monde ne jouissent toujours pas de ces droits et six millions de personnes meurent, chaque année, à la suite de maladies liées à l’absence ou à la mauvaise qualité de l’eau.

C’est pourquoi l’inscription, au mois septembre 2000, de l’accès à l’eau et à l’assainissement parmi les huit objectifs du millénaire adoptés lors du Sommet du millénaire de l’Organisation des Nations unies est si importante. L’objectif est clair : réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a accès ni à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.

Depuis 2000, des progrès ont été accomplis, mais ils restent encore très insuffisants. Ainsi, 11 % de la population mondiale, soit plus de 780 millions de personnes, ne disposent toujours pas d’un accès à l’eau potable. La situation est particulièrement critique en Afrique subsaharienne, et les disparités régionales restent fortes et peuvent être sources de tensions entre les populations.

Malgré la reconnaissance du droit à l’eau comme un droit humain par les Nations unies en 2010, le chemin est encore long pour réduire les inégalités et permettre aux populations défavorisées d’accéder enfin à des conditions de vie et d’hygiène acceptables.

Face à l’immense défi posé au niveau mondial, la France, parce qu’elle est la patrie des droits de l’homme, a une responsabilité particulière dans la recherche des solutions pour mettre en œuvre efficacement le droit de l’eau pour les populations les plus défavorisées à l’échelle mondiale.

La France a été pionnière dans la reconnaissance d’un droit à l’eau, que vous avez à nouveau essayé de définir, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dès 1992, le législateur a affirmé : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. »

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, à laquelle plusieurs d’entre vous ont fait référence, a consacré le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Toutefois, chacun d’entre vous en est conscient dans cette enceinte, il reste beaucoup à réaliser pour rendre ce droit à l’eau effectif. La mise en œuvre de ce droit ne peut se faire que si elle s’appuie sur une gouvernance forte, transparente, permettant les initiatives locales et la participation de toutes les parties prenantes.

Vous le savez, la France promeut la gestion par bassin versant, associée à une planification, une instance de concertation et un recouvrement des coûts. L’affirmation du rôle des autorités locales dans la gestion de l’eau et de l’assainissement est une certitude partagée ; elle est indispensable pour la résolution des conflits, le développement des compétences et la planification financière.

À cet égard, je me permets de rappeler que le Sénat a été à l’origine d’une disposition particulière sur la gestion des milieux aquatiques introduite dans la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles qui vient d’être promulguée. Je pense à la mise en place des établissements publics territoriaux de bassin et des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau, afin de mieux valoriser les schémas d’aménagement et de gestion des eaux. C’était un point important.

Mettre en œuvre le droit à l’eau, c’est aussi garantir le financement de l’eau pour tous. Cela ne signifie pas la gratuité totale : si la ressource en eau est un bien public inaliénable, l’accès à ce bien repose sur l’engagement de lourds investissements qui ne sauraient s’accommoder du principe de la gratuité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion