Intervention de Alain Gournac

Réunion du 5 février 2014 à 14h30
Débat sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

Mais si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour regarder devant nous, pour aller de l’avant, pour mobiliser nos concitoyens, les pouvoirs publics, nos partenaires européens et internationaux, et pour proposer, car c’est notre rôle de parlementaire !

Le rapport de la présidente de la délégation est très riche et très dense. Il retrace notamment les auditions des responsables du monde associatif, qui se sont exprimés avec beaucoup de franchise, avec des accents de vérité, éprouvant parfois des difficultés à parler tant les choses étaient graves ! Ils regardent l’horreur droit dans les yeux, continuent sans relâche un formidable travail, qui est une véritable promesse d’espoir : Amnesty international, Gynécologie sans frontières, l’UNICEF, le Comité international de la Croix-Rouge, d’autres encore ont répondu aux sollicitations de notre délégation.

Je tiens également, après Mme Gonthier-Maurin, à me réjouir que des représentants du ministère de la défense aient aussi participé à nos auditions. Cela démontre bien la pluralité des enjeux et l’ampleur du sujet.

Je ne peux revenir sur tous les aspects de la question. En revanche, je souhaite insister à cette tribune sur quelques aspects essentiels.

Tout d’abord, si le viol de femmes, d’enfants et de personnes âgées est un phénomène inhérent aux conflits armés, il ne faut surtout pas pour autant le banaliser. Il faut s’en émouvoir, s’en alarmer au plus haut point, le dénoncer vigoureusement, le punir.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, notre pays connaît ce bien précieux entre tous qu’est la paix. Notre conscience en est presque émoussée par l’habitude, au point que pour beaucoup, notamment pour les jeunes générations, la guerre n’est plus qu’un spectacle dont on suit les épisodes à la télévision. Ses effets, ses conséquences, les atrocités qu’elle charrie virent à la fiction, quand il faudrait que les médias les explicitent plus souvent pour attiser une prise de conscience générale.

Le viol, cet acte ignoble, part, chez le guerrier, d’une volonté de souiller l’ennemi afin de nuire, par une descendance au sang mêlé, à son unité ethnique. Il entend également avilir la femme comme telle, en en faisant un objet sexuel, un exutoire pour la soldatesque. C’est insupportable ! Nombre de pages du journal de cette jeune Berlinoise dont je vous ai parlé au début de mon intervention, sont littéralement glaçantes d’effroi.

Force est de le constater, la barbarie a ouvert une nouvelle porte dans l’enfer lors de la guerre en ex-Yougoslavie. Le viol y a été théorisé et combiné avec une volonté génocidaire.

L’organisation de camps de « femmes-à-violer » – entendez-vous, mes chers collègues ? – auxquelles on a imposé des grossesses est une tragédie épouvantable. Ces camps étaient des « usines » à enfants, destinées à servir une politique démographique ethnique.

Oui, mes chers collègues, les termes peuvent choquer, mais ce fut la réalité. C’était hier !

Trente ans après ces terribles événements et à l’heure où l’Union européenne s’apprête à mettre en place des processus et des mécanismes préalables à l’intégration de certains pays de l’ex-Yougoslavie, il importe de connaître la réalité historique et humaine. Que sont devenues ces femmes ? Que sont devenus ces enfants ?

Il en est de même pour ce qui se passe aujourd’hui en République démocratique du Congo, où des viols sont commis sur des femmes et des enfants. Ce sont des escadrons entiers qui bafouent les droits de l’homme et ceux de l’enfant.

C’est pour cela, mes chers collègues, que ce sujet doit trouver un relais diplomatique fort. A-t-il été abordé lors du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique au mois de décembre dernier, alors que bon nombre de chefs d’État africains étaient présents ? Hélas, non ! C’est à travers des programmes d’aide au développement, axés aussi sur l’éducation, que la France pourra œuvrer et aider ces femmes meurtries.

De plus, il me semble très important que ces femmes puissent se reconstruire tant psychologiquement que physiquement. Madame la ministre, dans le domaine de la chirurgie réparatrice, la France a un savoir-faire spécifique. Il serait très intéressant que des coopérations universitaires et médicales puissent être mises en place entre les pays où les viols ont eu lieu et notre pays.

Je pense notamment au docteur Pierre Foldes et à l’Institut de santé génésique qu’avec d’autres il a créé à Saint-Germain-en-Laye. Cet expert international prodigue ses conseils depuis des années auprès de certaines ONG.

Il est du devoir de la France de mettre ce savoir et cette expérience au service de toutes ces femmes ; c’est également sa vocation. Ce sera le meilleur moyen d’endiguer l’horreur et de redonner un tant soit peu à ces femmes le goût de la vie qu’elles ont perdu.

En tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je pense que les politiques de coopération doivent être multiformes et innovantes ! Pourquoi alors ne pas aller de l’avant et sortir des coopérations classiques ? Pourquoi ne pas adapter notre coopération aux besoins des pays à qui nous la destinons ? La coopération médicale peut être un formidable moyen de retour à la vie pour ces femmes. Sachons saisir cette opportunité !

Pour conclure, madame la ministre, je forme le vœu que la diplomatie de notre pays puisse se faire mieux entendre sur ce sujet des violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés. Pour cela, qu’elle décide de hausser le ton en rappelant des principes intangibles, dont aucun relativisme culturel ne doit nous faire douter ! §

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