Intervention de Stéphane Le Foll

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 février 2014 : 1ère réunion
Avenir pour l'agriculture alimentation et forêt — Audition de M. Stéphane Le foll ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt

Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Le débat à l'Assemblée nationale sur ce projet a été de grande qualité. Avec 39 articles, le texte était volontairement bref. Au fil des quelques 1 700 amendements déposés, dont 408 ont été adoptés en commission et 208 en séance, il a notablement évolué. Nous disposons désormais d'une bonne base de travail ; je ne doute pas qu'elle sera encore améliorée par les sénateurs.

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre européen nouveau après la réforme de la politique agricole commune (PAC). Les négociations ont débouché sur un accord en juin 2013. Les discussions menées à Bruxelles ont traité de la convergence des aides, avec la sortie des références historiques. La France a défendu avec succès le principe de la dégressivité des aides : le paiement redistributif au titre des 52 premiers hectares sera revalorisé à hauteur de 10 % d'ici 2015, avec un objectif final de 20 %. Notre pays n'est pas isolé. L'Allemagne a fait le même choix : dès 2014, 7,5 % des aides du premier pilier serviront à revaloriser les aides aux premiers hectares. Un autre volet des négociations européennes a concerné le couplage des aides au sein du premier pilier, essentiellement en faveur de l'élevage. Nous avons aussi choisi de primer une partie des vaches laitières. Il s'agit d'un changement important : le couplage représentera 13 % des aides du premier pilier - et nécessaire - en effet, une partie des élevages se réduisent en France et dans certaines régions cette activité est menacée de disparition.

Le verdissement de la PAC est aussi un axe majeur. Ce verdissement résulte aussi de la négociation. Cette question appelle des choix européens et non nationaux, afin d'éviter les phénomènes de concurrence déloyale. Ont également été abordés les enjeux de l'installation des jeunes agriculteurs - désormais les possibilités de financement existent au titre du premier pilier à hauteur de 1 % en France, et nous maintiendrons les aides actuelles sur le deuxième pilier - et ceux du développement de la production fourragère et des protéines végétales. En ce domaine, notre autonomie et celle de l'Europe doivent être renforcées afin de limiter le recours aux importations de soja d'Amérique latine.

Dans le débat sur la diversité des agricultures, défendue par le président de la République lors de la campagne présidentielle, le choix a été fait de revaloriser à hauteur de 15 % les indemnités compensatrices de handicaps naturels. Assurer une production sur tous les territoires constitue en effet l'un des objectifs prioritaires de la politique agricole. Enfin, nous avons choisi de mettre en place un plan de modernisation de la production agricole : 3 % des aides du premier pilier seront reversées au deuxième pilier, afin de moderniser les bâtiments d'élevage, de les rendre économes en énergie, de les mettre aux normes du bien-être animal. Cela représente 200 millions d'euros par an, soit une enveloppe quinquennale d'un milliard d'euros, destinée à améliorer la compétitivité de la production française et les conditions de travail des exploitants.

Le projet de loi décline notre choix stratégique en faveur de la double performance économique et écologique. Il convient de sortir de l'opposition traditionnelle entre hauts rendements et productions respectueuses de l'environnement : il est possible de combiner les deux. De nombreux exemples en témoignent dans nos départements. L'idée a émergé, à l'Assemblée nationale, qu'il convenait même de viser une triple performance, économique, écologique et sociale. Cette orientation en faveur de l'agro-écologie se traduit par la création du groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Grâce à cet outil juridique, les agriculteurs seront acteurs du développement économique et écologique et non de simples sujets soumis à des normes.

Le projet vise aussi à réduire les impacts négatifs de l'agriculture sur les milieux naturels, par la diminution du recours aux intrants phytosanitaires et aux antibiotiques en élevage. L'antibio-résistance est un sujet de préoccupation majeur, tout comme la pollution du sol par les nitrates. Pour améliorer la performance sanitaire, le texte prévoit l'expérimentation d'un système de certificat d'économie de produit phytosanitaire et augmente la transparence des contrôles. Il simplifie la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires, désormais confiée à l'agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), ce qui clarifiera les responsabilités.

Pour renforcer l'organisation économique des filières, le texte consolide la contractualisation, afin de mieux organiser les producteurs face à la grande distribution. Il valorise la place et le rôle du médiateur, dont l'intervention l'an dernier a eu pour effet d'augmenter le prix du lait. Le texte améliore aussi l'information des producteurs au sein des coopératives agricoles.

Le projet accorde une priorité à la jeunesse au travers du contrat de génération destiné aux jeunes agriculteurs, de la rénovation des aides à l'installation et de la suppression de la surface minimale d'installation (SMI) remplacée par l'activité minimale d'assujettissement (AMA) qui devrait faciliter l'installation progressive. Le renouvellement des générations d'agriculteurs passe par la possibilité d'accéder à des terrains. Un article du projet est consacré à cette question. Il renforce le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), élargit leur droit de préemption et conforte le contrôle des structures. On m'a interrogé sur les possibilités d'aider les collectivités à reconquérir des terres agricoles perdues. Nous souhaitons aller dans cette direction. L'évolution démographique impose de modifier notre consommation de l'espace, d'éviter l'étalement urbain et de densifier les villes et les centres bourgs.

Le projet de loi conforte l'enseignement agricole. 80 % des élèves qui l'intègrent en sortent avec un diplôme et 86 % de ceux-ci trouvent un emploi. Cette réussite peut être pérennisée en ouvrant la possibilité aux élèves de poursuivre leur scolarisation à partir de la quatrième et de la troisième, d'accéder aux filières de technicien supérieur (BTS) et de bénéficier de la valorisation des acquis de l'expérience. Il convient d'accentuer la dimension internationale de l'enseignement actuel et de l'ouvrir aux nouveaux modes de production.

Le projet de loi crée un institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVF). Cette création est controversée. Je la défends. Le corpus de connaissances enseigné dans les établissements publics d'enseignement supérieur et les organismes de recherche relevant du ministère de l'agriculture en matière agronome, sanitaire, vétérinaire et forestière fonde la légitimité à long terme du ministère de l'agriculture. Dès lors, il est indispensable d'organiser la coopération entre ces organismes. Telle sera la mission du nouvel institut qui aura également pour objectif de valoriser notre recherche au niveau international.

La forêt française est morcelée. L'industrie de transformation du bois est affaiblie. Des centaines d'emplois ont été perdus car les scieries n'ont plus les moyens de se développer. Nous exportons des billes de bois et importons des meubles et du papier alors que nous disposons de la troisième surface forestière européenne. Comment changer la donne ? Le projet ambitionne de réorganiser la filière bois. Pour ce faire, il crée des GIEE forestiers afin de favoriser le regroupement des propriétaires. Le compte d'épargne forestière (CIFA) étend au bois coupé le bénéfice des aides fiscales auparavant réservées au bois sur pied. Les relations entre forestiers et collectivités locales sont abordées dans la loi à plusieurs reprises pour organiser l'exploitation de la forêt française.

Le projet traite enfin de l'agriculture des outre-mer. Il s'agit de permettre sa diversification afin de promouvoir l'approvisionnement local. Si La Réunion couvre 50 % de ses besoins, cette proportion tombe à 20 % dans certains territoires d'outre-mer. Il y a là un enjeu majeur.

J'ai décrit les grandes lignes du projet. Le texte trace un chemin et des objectifs clairs, afin de valoriser le potentiel de notre agriculture, dans toutes les régions et sur tous les territoires.

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