Intervention de Yannick Botrel

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Louis Bianco président de l'observatoire de la laïcité dans le cadre de la préparation du rapport « les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte » de M. Hervé Maurey

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Comme Edmond Hervé, je viens d'une région qui fut très religieuse - un historien a écrit il y a quelques années : « Dieu est mort en Bretagne ». Pratiquement 110 années nous séparent aujourd'hui de la loi de 1905, et les choses ont considérablement évolué. La religion n'a pas le même poids, son influence a énormément diminué. Quant au clergé, qui était particulièrement militant, il est aujourd'hui pour ainsi dire inexistant. Chez nous, un prêtre s'occupe de 15 ou 20 paroisses, comme, j'imagine, ailleurs en France. Cette loi de 1905 venait mettre un terme symbolique à une période de 40 années d'affrontement commencée juste après la guerre de 1870. On pourrait même évoquer des racines plus anciennes de la confrontation entre l'État et la religion, dès 1830 et même encore avant.

Cette loi de 1905, qui a marqué une période extrêmement violente dans le débat public, a eu comme point d'orgue les inventaires qui ont immédiatement suivi. En Bretagne se sont déroulées des scènes absolument inouïes par leur violence, y compris dans les villes, par exemple à Rennes, à Nantes, etc. Or cette loi a tranché une question qui fut pendante tout au long du XIXe siècle : celle de l'entretien des lieux de culte, alors à la charge des fabriques paroissiales. Avant 1905, la législation prévoyait que les communes devaient suppléer le budget des fabriques pour les églises et les presbytères. La commune intervenait donc, mais en deuxième lieu. Et, très souvent, elle intervenait parce que les fabriques paroissiales n'avaient pas les moyens de régler les frais d'entretien. En 1905, les communes sont devenues propriétaires de plein droit des églises et des presbytères. Les loyers ont d'ailleurs été fixés à l'époque et sont restés identiques pendant 80 ans. Puis les églises se sont « vidées ». Une indifférence, polie la plupart du temps, prévaut aujourd'hui.

Je tiens à rappeler deux situations intéressantes auxquelles j'ai assisté sur le territoire des Côtes-d'Armor. Dans ce département, une vague de construction d'églises s'est déployée entre 1850 et 1900 ; ces églises ne sont ni classées ni inscrites car sans intérêt patrimonial particulier. Elles ont été réalisées largement sur le compte des fabriques, à l'économie. Or, il s'avère aujourd'hui qu'elles présentent des désordres importants. Dans deux communes des Côtes-d'Armor, Plounérin et Plouagat, qui ont des municipalités de gauche, la question s'est posée de savoir si les églises devaient être conservées ou rasées. Dans les deux cas, les maires ont pris l'initiative d'un référendum. Compte tenu du fait que les églises sont, mis à part les jours d'enterrement, moins pleines que par le passé, j'étais perplexe sur le résultat de ces référendums. Dans les deux cas, la population s'est prononcée à une très large majorité pour la restauration de l'église. Ce ne sont pourtant pas des petits budgets, à l'échelle de ces deux communes. Ces exemples m'ont interpellé. Sont-ils à mettre en rapport avec l'identité communale ou avec d'autres phénomènes ? Je l'ignore. Dans ces deux cas précis, un vrai débat s'est organisé, qui a duré des mois, sinon parfois des années, et nous sommes arrivés à ce résultat.

Concernant maintenant l'usage des édifices, je n'ai pas rencontré d'exemple où l'affectataire a refusé l'accès à l'église pour des concerts ou des expositions, pourvu que le thème retenu soit en conformité avec la nature du lieu. Je ne connais pas moi-même, en tant que maire et par l'expérience que j'ai de mon territoire, de cas où l'affectataire a opposé un refus - sauf un, et je pense que dans ce cas l'affectataire était plus instrumentalisé par des personnes de son entourage que par ses convictions propres.

Comme le disait Edmond Hervé, nous ne sommes pas dans une région d'immigration. Simplement, je suis partisan de la laïcité, valeur essentielle qui structure aujourd'hui complètement et sans opposition notre société. Mais ce que je constate, c'est que la laïcité apparaît parfois comme un moyen de coercition à l'égard de religions militantes, très souvent l'islam. Cela renvoie à des phénomènes tels que l'identité nationale. On entend bien souvent des réflexions sur les lieux de culte consacrés à la religion islamique, même si ces lieux de culte sont tout à fait privés. Par exemple, dans la ville de Guingamp, dont l'agglomération fait 20 000 habitants, vit une petite communauté musulmane qui se réunit dans un lieu privé pour prier. Cela hérissait une partie de la population. Cette discussion renvoie donc au rapport que l'on peut avoir à l'égard de ces religions, et à mon avis cela dépasse le sujet religieux et touche à d'autres sujets.

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