Intervention de Ambroise Fayolle

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 février 2014 : 1ère réunion
Gestion de la dette française — Audition de M. Ambroise Fayolle directeur général de l'agence france trésor

Ambroise Fayolle, directeur général de l'Agence France Trésor :

Dans mon intervention liminaire, je vous présenterai d'abord l'AFT, avant de vous exposer le financement de l'État en 2013 et les prévisions de financement pour 2014. Enfin, je ferai un point sur l'environnement actuel de marché.

Nous exerçons deux missions principales. Tout d'abord, nous devons pourvoir aux besoins de trésorerie de l'État afin que celui-ci soit en mesure de respecter à tout moment et en toutes circonstances l'ensemble de ses engagements financiers. Cette mission se décline au jour le jour dans le cadre de la gestion du compte du Trésor, qui est tenu par la Banque de France. Les prévisions d'encaissements et de décaissements de l'État et des correspondants du Trésor sont en permanence mises à jour par l'AFT afin de faire face à un besoin de trésorerie ponctuel et placer les excédents ; l'exécution des flux d'encaissement et de décaissement sur le compte s'élève à plus de 40 milliards d'euros par jour. Cette mission se décline également sur l'ensemble d'une année. À ce titre, l'AFT prépare le programme de financement à moyen et long terme de l'État joint au projet de loi de finances. Elle évalue par ailleurs les besoins prévisionnels de bons du Trésor à taux fixe (BTF) pour couvrir, le cas échéant, le besoin de financement résiduel de l'État compte tenu des autres variations anticipées sur le compte du Trésor.

Notre deuxième mission est de gérer la dette au mieux des intérêts du contribuable. La stratégie de l'AFT consiste à favoriser la liquidité de la dette française dans une logique de régularité et de transparence, en conjuguant innovation et sécurité. Une enquête réalisée par IEM Finance fin 2013, dont les conclusions sont publiques, souligne la confiance des investisseurs dans les titres de dette français, qui se caractérisent par leur liquidité.

L'AFT est un service à compétence nationale relevant de la direction générale du Trésor du ministère de l'économie et des finances. Nous travaillons également en relation étroite et quotidienne avec la direction générale des finances publiques et la direction du budget. L'AFT est composée de 38 agents relevant de 8 cellules opérationnelles.

S'agissant du besoin de financement de l'État en 2013, l'encours de la dette négociable au 31 décembre 2013 s'élevait à 1 457 milliards d'euros. Le total des émissions nettes à moyen et long terme pour 2013 a atteint 168,8 milliards d'euros, soit un montant conforme à celui annoncé fin 2012 dans le programme indicatif de financement. La durée de vie moyenne de la dette était de 7 ans et 5 jours fin 2013. La détention de la dette négociable par les non-résidents s'élevait à 64,5 % selon la Banque de France au 30 septembre 2013. Des conditions de financement extrêmement favorables ont permis à l'AFT de contenir le montant de la charge de la dette pour l'année 2013 à 44,9 milliards d'euros, soit un niveau inférieur de 2 milliards d'euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013 (46,9 milliards d'euros).

J'en viens à présent au besoin de financement de l'État en 2014. Celui-ci s'élèvera à 176,4 milliards d'euros et sera financé en grande partie par le programme d'émissions à moyen et long terme nettes de rachats. Le montant des émissions, prévu à 174 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, a été révisé, en décembre, à 173 milliards d'euros, soit une légère augmentation par rapport aux émissions effectuées en 2013, à hauteur de 169 milliards d'euros. Comme les années précédentes, l'AFT ajustera ses émissions à la demande des investisseurs. Il ne s'agit donc pas de forcer le marché à acheter des titres dont la maturité ne serait pas la plus demandée, mais bien de s'ajuster à la demande en cours d'année. Par ailleurs, le programme de financement prévoit des émissions d'obligations indexées sur l'inflation : celles-ci représenteront environ 10 % du programme total d'émission à moyen et long terme. Enfin, la charge de la dette en 2014 est prévue à 46,7 milliards d'euros.

En ce qui concerne l'environnement de marché, la France a bénéficié en 2013 de conditions de financement exceptionnelles. Entre la fin 2012 et la fin 2013, le taux à 10 ans français a augmenté de 56 points de base, pour s'établir à 2,56 % le 31 décembre 2013. Le spread - c'est-à-dire l'écart de taux - avec l'Allemagne s'est stabilisé autour de 60 points de base.

En réalité, les conditions de financement sur les marchés des dettes souveraines ont connu deux phases principales au cours de l'année 2013. Entre début 2013 et mai 2013, la situation de la zone euro a continué à se stabiliser et la base d'investisseurs de la dette française s'est diversifiée. Cette amélioration s'est poursuivie avec le changement de politique monétaire de la Banque centrale du Japon. Le taux à 10 ans français a atteint un niveau historiquement bas de 1,8 % en mai 2013. Puis les anticipations d'un resserrement de politique monétaire de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed), au sein de laquelle une réflexion était en cours pour mettre fin à une politique monétaire très accommodante, ont entraîné une remontée généralisée des taux. Il en est résulté une grande volatilité. Les taux d'intérêt ont augmenté de 0,8 % entre début mai et juillet, pour atteindre 2,6 % en ce qui concerne le taux à 10 ans français. À partir du troisième trimestre, deux phénomènes ont entraîné une stabilisation des taux, voire une légère diminution. D'une part, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a déclaré qu'il ne fallait pas nécessairement avoir une corrélation trop forte entre les taux américains et ceux de la zone euro, où la reprise économique est moins visible. Selon les lignes directrices de la BCE, celle-ci s'engage à maintenir ses taux au niveau actuel ou à un niveau plus bas pendant une période prolongée. D'autre part, alors que les marchés financiers anticipaient un resserrement de la politique monétaire américaine, la Fed a fait savoir qu'elle attendrait avant de modifier sa politique monétaire. Le taux français à 10 ans s'établissait ainsi à 2,5 % fin 2013.

Ce matin, ce taux s'élevait à 2,2 %, ce qui correspond à une légère baisse depuis le début de l'année. Cette évolution est contraire aux anticipations de la majorité des analystes, au regard de la diminution des achats de titres aux Etats-Unis (de 85 milliards de dollars par mois avant décembre 2013 à 65 milliards de dollars par mois aujourd'hui). La baisse des taux s'explique principalement par la conjonction d'une baisse des anticipations d'inflation dans la zone euro et d'une immédiate baisse des perspectives de croissance mondiale par rapport à ce qui était anticipé, en particulier dans les pays émergents. Dans le même temps, l'amélioration du sentiment de marché sur la zone euro a conduit à une baisse des taux sur les pays périphériques : les taux à 10 ans de l'Italie et de l'Espagne ont ainsi baissé respectivement de 46 points de base (pb) et 30 pb sur la période, et ceux de l'Irlande et du Portugal de respectivement 40 pb et 115 pb. Dans la suite de l'année, la mise en oeuvre progressive du resserrement de la politique de la Fed et la reprise attendue de la croissance, notamment en Europe, pourraient conduire à une hausse des taux de long terme, mais moins rapide que ce qui était anticipé fin 2013.

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