Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 février 2014 : 2ème réunion
Choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne- examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

La proposition de loi aborde un sujet sensible. Alors que le Gouvernement vient de retirer son projet de loi sur la famille pour se concentrer sur les questions économiques et sociales, sur la baisse des dépenses publiques et sur le pacte de responsabilité, est-il opportun d'examiner une question sociétale qui divise les Français, à savoir la légalisation de l'euthanasie ? Le débat sur la fin de vie doit être mené dans un respect profond des personnes et des convictions, car il renvoie chacun à son approche personnelle de la vie et de la mort. Il soulève des questions aussi graves que les débats sur l'IVG, la peine de mort, le pacs ou le mariage pour tous.

La loi du 4 mars 2002 a reconnu aux patients le droit de refuser une thérapie même si cela met leur vie en danger. Bien qu'elle ne règle pas tous les cas de figure, comme l'ont montré les affaires Humbert et Sébire, elle a constitué une réelle avancée en faisant passer les patients du rôle de spectateur de leur maladie à celui d'acteur, en leur reconnaissant ce que certains se sont empressés de qualifier de droit à l'euthanasie passive. La réitération de ce principe par la loi du 22 avril 2005 ne donne pas au patient la liberté d'être acteur de sa propre mort. Depuis lors, le débat, sans cesse relancé, autour de l'accompagnement à la mort reste souvent stérile. A la volonté de certains de contrôler le début de la vie répond chez d'autres la tentation de maîtriser la fin de vie. La loi Leonetti offre la possibilité d'interrompre un traitement déraisonnable et d'apaiser les douleurs physiques par l'administration de produits qui peuvent accélérer la mort, celle-ci survenant comme un processus naturel.

Les heures que nous consacrons à débattre de la fin de vie nous rappellent ce qu'Albert Camus nommait l'absurdité de la condition humaine : notre mort et celle de nos proches demeurent révoltantes. Pour autant, grâce à la conscience de cette mort inéluctable nous goûtons le moment présent. La loi Leonetti garantit l'accès aux soins palliatifs. N'est-il pas préférable de continuer à informer sur ce texte qui reste méconnu du grand public plutôt que de relancer des polémiques ?

Respect de la vie, dépendance, vieillissement, dignité de la personne humaine, autant de thèmes qui s'entrecroisent. Le droit à la mort reste contraire aux valeurs des médecins et aux sources morales de notre démocratie. Il est inacceptable que la société assigne à la médecine la tâche de tuer un patient. Pour moi, le suicide est une liberté et non un droit. La proposition risque de créer un nouveau métier, celui d'euthanasieur. Nous sommes tous convaincus qu'il convient de rendre la mort plus douce et plus naturelle, il ne nous appartient pas de la provoquer. L'acte de tuer est incompatible avec le devoir de ne pas nuire. L'autoriser saperait la confiance des familles vis-à-vis des soignants. Le devoir d'humanité consiste à prendre soin de l'autre. Nous devons accepter notre condition de mortel tout en refusant la douleur. Renoncer à l'acharnement thérapeutique, rompre l'isolement des malades en fin de vie, épargner le désarroi aux familles, éviter la culpabilité des soignants tous ces objectifs peuvent être atteints par le développement de la culture palliative. Il est indispensable de confirmer l'importance des soins palliatifs, de créer des unités dans tous les services et de former les médecins. Le refus de la souffrance, la solidarité avec les plus faibles nous réunissent. L'aide au suicide, l'euthanasie masquent une fuite de nos responsabilités. Leur légalisation consacrerait moins la victoire de la liberté que la défaite de la volonté.

Certains veulent légaliser l'euthanasie au nom du respect et de la dignité de la personne; cette approche n'est ni complète ni sereine. Rendre effectif et équitable l'accès aux antalgiques, accompagner en fin de vie et favoriser les soins palliatifs, voilà le combat politique que nous avons à mener, les engagements que nous devons à nos concitoyens.

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