Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en tant que membre de la commission Mobilité 21. Je tiens à le dire publiquement, les travaux de cette commission ont été réalisés dans une démarche de vérité. J’approuve totalement cette volonté de ne pas tromper nos interlocuteurs en leur promettant une avalanche de projets pharaoniques irréalisables.
Cela étant, j’interviendrai également de manière beaucoup plus large sur les sujets d’actualité dans les transports, qui sont nombreux, même si, vous vous en doutez bien, je ne pourrai pas le faire de manière exhaustive.
Les deux scénarios présentés à la fin du rapport de la commission Mobilité 21 sont une tentative de hiérarchisation, à mes yeux intellectuellement honnête, des projets d’infrastructures. Je constate avec plaisir que ce document sensible, quelque peu iconoclaste mais réaliste, a finalement été bien reçu par les élus, malgré les frustrations qu’il a pu susciter à sa sortie.
Il convient de rappeler les constats, strictement objectifs, qui ont permis d’élaborer les propositions de la commission.
Premier constat : c’est le transport ferroviaire qui nécessite les plus grands efforts d’investissement et de rationalisation. Le rapport de l’École polytechnique de Lausanne de 2005, puis celui de 2012, et le récent rapport de la Cour des comptes confirment que la France a laissé se dégrader son réseau ferroviaire classique pendant des décennies, au profit de la vitrine technologique des TGV.
À la suite de ces nombreuses alertes récentes et répétées, notre pays – c’est une bonne nouvelle – met actuellement les bouchées doubles pour rattraper le retard, avec plus de 1 000 chantiers cette année. Cette situation a malheureusement des conséquences sur la circulation et donc sur la qualité du service. Reste que cet effort gigantesque n’empêchera pas le réseau de continuer à vieillir, au moins jusqu’en 2016.
Autre constat préoccupant : le réseau routier français constitutif du plus grand patrimoine national, orgueil de notre pays, est dans un état de dégradation parfois inquiétant. De même, la congestion de ce réseau en milieu urbain ou périurbain pose un grave défi.
En matière de dégradation du réseau, je précise que 15 % des chaussées et 12 % des ouvrages d’art du réseau routier national non concédé avaient un « indice de qualité mauvais » en 2012. Le rapport Mobilité 21 met donc en garde : les mêmes causes produisent les mêmes effets ! Pour éviter le même effondrement que celui que nous avons constaté dans le secteur ferroviaire, j’alerte à nouveau le Gouvernement sur la nécessité d’entretenir correctement le réseau routier national avant qu’il ne soit trop tard.
Il faut le savoir, seulement 15 % des crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, soit environ 350 millions d’euros, sont consacrés aux dépenses de gros entretien et de régénération des réseaux. Compte tenu des difficultés pour pérenniser le budget de cette agence, nous avons de réels motifs d’inquiétude pour ce secteur du patrimoine.
La situation financière de l’AFITF n’est pas préoccupante ; elle est inquiétante ! En effet, on passe d’un budget initial pour 2014 de 1, 7 milliard d’euros de crédits de paiement à des autorisations de programme limitées à 597 millions d’euros, soit un effondrement des deux tiers des moyens financiers de l’Agence. Cela met en péril le troisième appel à projets, qui concerne plus de soixante agglomérations, ainsi que les contrats de projet État-région et les programmes de modernisation des itinéraires routiers de l’ensemble des régions françaises.
L’autre enjeu majeur afférent au réseau routier est évidemment la saturation des voiries aux heures de pointe. Il existe cependant des solutions, monsieur le ministre.
À l’occasion du débat sur la nationalisation des autoroutes, vous nous aviez indiqué qu’il y avait urgence à trouver des solutions sur la gestion de la période allant jusqu’à la fin des concessions et donc à travailler à un nouveau modèle de financement des infrastructures de transport. Pour explorer les différentes voies, juridiques et financières, vous aviez lancé une mission de réflexion dès votre arrivée au ministère. Où en êtes-vous de cette réflexion ? Par ailleurs, Alain Lambert dans l’Orne, Thierry Carcenac dans le Tarn et Jean-Claude Carle en Haute-Savoie ont exploré une solution sous la forme d’un partenariat public-privé, une initiative de péage sur voie expresse, afin de financer les travaux. Cette solution a déjà été soumise au Gouvernement. Comment ces propositions s’inscrivent-elles dans vos réflexions ?
Pour toutes ces raisons, la question plus vaste du partage des charges entre contribuable et utilisateur ne me semble pas totalement hors sujet, d’autant que seul le service public des transports dans la dernière décennie n’a pas suivi l’inflation et que, à ce jour, les bénéficiaires directs prennent une part de moins en moins importante à l’équilibre du système. À terme, cela revient à le condamner.
Je le rappelle, dans les TER, la billettique ne rapporte plus que 27 % du coût des transports. En outre, si nous avons la chance d’avoir en France le versement transport, qui n’existe pas dans le reste de l’Europe, ce dispositif est régulièrement attaqué et il a aussi ses limites, qui sont aujourd'hui atteintes. Que fait-on dans ce contexte ? Est-ce à l’utilisateur ou au contribuable de payer ces transports ? Sachant que seulement un Français sur deux acquitte l’impôt sur le revenu, demander au contribuable de payer la différence, c’est risquer de faire porter une nouvelle fois la charge sur les classes moyennes !