Si nous ne créons pas de nouveaux flux financiers, nous ne pouvons plus engager les projets annoncés. Ceux qui soutiennent aujourd’hui la suppression de l’écotaxe devraient probablement mieux mesurer les conséquences en cascade de cette suspension, voire de cette suppression, sur l’activité économique et la modernisation durable de notre pays.
Je ne détaillerai pas ici les propositions que j’ai pu formuler dans mon rapport sur le budget des transports routiers pour sortir de cette situation de blocage.
Je me contenterai simplement de les rappeler brièvement : supprimer les différences de traitement entre petites et grandes entreprises de transport routier pour l’application de la taxe – c’est un point important – ; envisager, bien sûr, des exonérations sectorielles pour le monde agricole ; trouver les moyens de contraindre la grande distribution à assumer le coût de l’écotaxe, au lieu de tenter de reporter celui-ci sur les producteurs et les transporteurs ; surtaxer les 44 tonnes à 5 essieux, qui sont responsables de la dégradation accélérée des chaussées ; enfin, mesurer le report de trafic sur les autoroutes à compter de l’entrée en vigueur de l’écotaxe, afin de récupérer pour le budget de l’État la majeure partie des nouveaux bénéfices des sociétés privées, lesquelles n’ont guère à se plaindre des conditions de privatisation, comme Michel Teston l’a souligné dans son intervention.
Je voudrais tout de même redire que chaque mois qui passe sans écotaxe laisse échapper près de 80 millions d’euros de financement des infrastructures. Pour répondre à cet imprévu, l’AFITF a déjà puisé 430 millions d’euros dans son fonds de roulement et baissé les budgets de certains projets, notamment ceux qui figurent dans les PDMI ou les contrats de plan État-région – ce sont donc plutôt des projets de proximité qui sont concernés –, sans compter le retard pris dans l’entretien du réseau, ce qui pourrait nous coûter bien plus cher demain.
Parallèlement, l’absence de taxe sur les poids lourds maintient une situation de concurrence déloyale au détriment des modes de transport non routiers, lesquels devraient pourtant être aujourd’hui avantagés, car ils sont moins polluants. Ce sont les seuls à payer leurs infrastructures, alors que nous payons tous pour la route !
Cinq organisations professionnelles du transport non routier de marchandises – ferroviaire, fluvial, maritime et transport combiné –, qui emploient plus de 300 000 salariés en France et génèrent un chiffre d’affaires annuel de plus de 40 milliards d’euros, ont d'ailleurs attiré l’attention, à la fin du mois de janvier dernier, sur la menace que fait peser la suspension de l’écotaxe sur leurs secteurs.
Selon elles, « les perspectives d’investissement pour le rail sont lourdement pénalisées par l’annulation du versement à RFF de 135 millions d’euros de compensation dû par l’État au titre des péages fret. » De plus, les « Voies navigables de France ne peuvent plus financer le programme de régénération et de développement du réseau, et n’ont pu ni fixer ni voter leur budget 2014, puisque l’AFITF ne sera pas en mesure de verser en année pleine à VNF les 60 millions d’euros annoncés ».
Cette situation nous amène à nous interroger sur le choix du Gouvernement en faveur du plus ambitieux des deux scénarios proposés par la commission Mobilité 21, dite aussi « commission Duron », qui prévoit entre 28 et 30 milliards d’euros d’investissements nouveaux moyennant une hausse des sources de financement de 400 millions d’euros par an.
Si j’en crois le rapport d’information de MM. Mézard et Pointereau du 30 mai 2013 sur l’avenir des infrastructures de transport, il existe de réelles convergences, pour ne pas dire un consensus, entre nous sur cette question : il faut « donner la priorité aux investissements portant sur la modernisation des infrastructures existantes, qu’elles soient routières, ferroviaires ou fluviales ». Les écologistes ne pourraient dire mieux !