Ainsi que Roger Karoutchi l’a rappelé à l’instant, le nombre de voyageurs est considérable. Nos investissements doivent être améliorés en proportion !
Au reste, je parle de l’Île-de-France, mais on pourrait trouver bien des exemples en province. C’est le réseau dans sa globalité qui est en difficulté. Et encore, je ne reviens pas sur les infrastructures routières.
Au départ, le financement passait par le budget général : en soi, il est justifié que l’État contribue aux grandes infrastructures. Néanmoins, la situation budgétaire contrainte de ce dernier a nécessité des évolutions : puisqu’il devenait difficile de raisonner en termes d’engagements pluriannuels et d’annualité budgétaire, on n’a pas hésité à s’affranchir du principe de non-affectation des ressources et, pour essayer de sécuriser le dispositif, on a créé plusieurs recettes, venues abonder l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Or le piège s’est refermé sur ceux qui l’avaient tendu, la privatisation des autoroutes, puis l’abandon, subreptice, de l’écotaxe ayant produit sur les recettes l’effet inverse de celui qui était recherché. La faiblesse des financements publics remet en cause l’ensemble de la politique en matière d’infrastructures.
Longtemps, on a eu recours à des palliatifs : on a étalé les projets dans le temps, on a trouvé des expédients budgétaires, par exemple, sous forme de partenariats public-privé – encore que le coût des crédits puisse être élevé pour les opérateurs du privé. Finalement, on a compté sur d’hypothétiques financements européens. Or, comme vient de le souligner Ronan Dantec à propos du TGV Lyon-Turin, ces financements sont difficiles à mobiliser !
Plutôt que des palliatifs, on aurait pu imaginer une grande politique européenne de relance des investissements. Toutefois, ce « plan B » n’a même pas été esquissé. Puis, la commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, a esquissé un scénario intermédiaire, que le Gouvernement a tenté de reprendre à son compte.
Je le comprends, car cette commission, dont Louis Nègre a fait partie, a produit un travail intéressant et des conclusions auxquelles je souscris. En gros, ce scénario consiste à être moins ambitieux et à se concentrer sur l’essentiel : la régénération du réseau et les investissements les plus prioritaires.
En réalité, la commission avait proposé deux scenarii, et c’est le plus ambitieux des deux, donc le plus difficile à financer, que le Gouvernement a retenu… Autant dire que, sans l’écotaxe, appliquer un tel scénario relève de la mission impossible !
Essayant de comprendre quelle était la position du Gouvernement sur ce sujet, j’ai tâché de remonter à la source et, comme M. Mézard, j’ai trouvé les déclarations de Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget – quand on parle de finances, c’est encore à Bercy que l’on trouve le plus d’informations !
Auditionné par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’écotaxe, M. Cazeneuve a déclaré : « Si la taxe poids lourds n’est pas mise en place, il conviendra de revoir nos objectifs en matière de modernisation de nos infrastructures de transport. » On ne saurait être plus clair ! Le ministre a même ajouté : « Mon message est donc le suivant : considérer que l’on peut conduire la politique des transports, que nous avons co-élaborée avec vous, de manière inchangée, sans mettre en œuvre une contribution qui permette le rendement attendu, n’est pas réaliste dans le contexte budgétaire que nous connaissons. »
Comme l’a rappelé Louis Nègre, le produit de l’écotaxe devait s’élever à 800 millions d’euros pour cette année : son abandon signifie 40 % de budget en moins pour l’AFITF.
Monsieur le ministre, puisque le conseil d’administration de l’Agence s’est réuni ce matin, pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont vous pensez résoudre l’équation ? Quels investissements comptez-vous maintenir ? Lesquels allez-vous différer ?
On comprend fort bien qu’il soit difficile, pour l’État, d’investir en puisant dans le budget général. Je perçois également la difficulté de la mission qui est la vôtre, monsieur le ministre : vous devez, dans votre propre budget, trouver de quoi financer l’absence de l’écotaxe. Autrement dit, une cure d’amaigrissement s’annonce, qui sera sans doute douloureuse. Je crois qu’il faudra se prononcer sur cette question, car l’ensemble de la politique relative aux infrastructures de transport est maintenant totalement remise en cause.
Tout cela nous invite à réfléchir à des scénarios de substitution. L’hypothèse d’une contribution accrue de l’utilisateur d’une infrastructure au financement et à l’entretien de celle-ci a été avancée tout à l'heure par Louis Nègre, que j’aurai cité abondamment aujourd'hui, et toujours avec plaisir.
Certains chiffres nous invitent à y réfléchir, même si, je le sais, ce sujet n’est pas simple sur le plan politique. J’ai en mémoire qu’il existe un écart de dix points entre la France et l’Allemagne pour la contribution de l’usager au coût du transport : cette part représente chez nous environ 30 % du prix réel, lorsqu’elle atteint 40 % outre-Rhin.
Après tout, c'est ce que l’on a fait avec le projet Charles-de-Gaulle Express, appelé CDG Express, et je rejoins ceux qui sont convaincus de la nécessité du financement choisi, qui mérite que l’on s'y intéresse.
À la différence de mon collègue Michel Teston, que j'ai écouté avec attention, je suis très prudent à propos des problèmes de fiscalité. J’admets cependant qu'une part de TIPP puisse éventuellement devenir un élément de la solution.
Monsieur le ministre, après avoir abordé ces différents sujets, je mesure la difficulté qui est la vôtre. Nous restons évidemment à votre écoute pour que le Parlement contribue à sortir le budget des infrastructures de transport des difficultés dans lesquelles il se trouve.