Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 6 février 2014 à 15h00
Débat sur l'avenir des infrastructures de transport

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul :

Je citerai, brièvement, les recommandations de la commission Mobilité 21, le lancement important et financé – enfin ! – du tunnel Lyon-Turin, la reconfiguration du canal Seine-Nord-Europe, le Grand Paris Express et, bien entendu, le milliard d’euros de travaux annuels prévus pour la modernisation, la régénération et l’entretien des infrastructures ferroviaires.

La mobilité a toujours été un besoin pour les peuples, afin de développer leurs sociétés. Au fil du temps, les infrastructures se sont développées, le plus souvent en tenant compte de la spécificité du mode de transport et du type de circulation, pour devenir les points d’ancrage des plus grandes modernités d’aujourd'hui.

Une infrastructure est avant tout complexe ; c'est un objet aux multiples dimensions dont il est primordial de tenir compte pour tout projet. Elle se définit le plus souvent comme un objet technique, mais c’est surtout un objet structurant et territorialisé, qui s’inscrit à la fois dans l’espace et dans le temps.

Dans notre société, les infrastructures, quelles qu’elles soient, sont primordiales pour garantir la liberté de déplacement des personnes et des biens et pour assurer le fonctionnement et le développement de l’économie. Elles participent massivement à l’aménagement du territoire, donnant du sens à ce qui est essentiel pour l’homme : la mobilité.

J’en finirai avec cette présentation sommaire en indiquant que les projets, qu’ils soient urbains, routiers ou ferroviaires, qu’ils concernent les voies navigables ou portuaires, les aéroports ou les pistes cyclables, doivent respecter de multiples objectifs généraux et permanents. Ils doivent en conséquence être évalués selon de nombreux critères, qui tiennent aux besoins des usagers, au développement économique et social comme aux échanges internationaux. Notre pays est aussi une incontournable plateforme multimodale entre le nord et le sud de l’Europe – cela nous oblige évidemment, monsieur le ministre.

Nos infrastructures de transport participent bien de la politique européenne des transports. Elles sont également, depuis le Grenelle de l’environnement, au cœur de la transition énergétique. On ne peut désormais imaginer de construire des infrastructures sans intégrer, aux différents stades de la conception des projets, les questions de la sécurité et du risque pour prévenir les accidents et les incidents, y compris ceux qui sont liés aux phénomènes climatiques, à la pollution de l’eau, aux atteintes à la biodiversité et aux risques technologiques, ces derniers posant par exemple la question de la réduction des passages à niveau, de la conformité des tunnels ou de la réduction des routes à forte pente.

J’ajoute qu’il faudrait développer, dans les études, l’intégration, qui est actuellement trop rare, hélas, des notions de coûts complets, comprenant les investissements, le fonctionnement et les impacts environnementaux, et de cycle de vie de l’infrastructure, en prenant en compte le long terme.

Ce débat m’a donné l’occasion de revenir sur le Livre blanc rédigé par Jacques Delors lorsqu'il était président de la Commission européenne. Ce document date de juin 1993. Il m’en est resté un message fort : la volonté d’engager un vaste programme d’infrastructures dans l’Europe entière et aussi dans notre pays. Je porte encore le regret que, dans les tiroirs de la Commission européenne, le Livre blanc soit resté, pour une bonne part, lettre morte. Les successeurs de Jacques Delors n’ont pas voulu engager ces travaux, qui nous manquent aujourd’hui.

« Ce Livre blanc, écrivait Jacques Delors, « a pour ambition de nourrir la réflexion et de contribuer à la prise des décisions décentralisées, nationales ou communautaires qui nous permettront de jeter les bases d’un développement soutenable des économies européennes, aptes à faire face à la compétitivité internationale, tout en créant les millions d’emplois nécessaires ».

Il répondait par avance à la question posée aujourd’hui : les économies européennes ont un avenir à condition d’investir et de structurer l’aménagement du territoire. D’où la nécessité de réseaux d’infrastructure transeuropéens, pour circuler mieux, plus sûrement et pour moins cher. Pour conclure rapidement, trop rapidement, sur le Livre blanc, je rappelle qu’il était prévu d’investir, d’ici à l’an 2000, quelque 250 milliards d’écus équivalents euros. Ce n’était pas rien !

Notre réseau routier national s’est réduit comme peau de chagrin depuis le transfert de la plupart des routes aux départements et la privatisation des autoroutes en 2006. Sur cette question, je partage l’avis de mon collègue Michel Teston.

Je rappelle qu’à cette occasion l’État a perçu 14, 8 milliards d’euros, alors que la Cour des comptes avait estimé, dans son rapport annuel de 2008, que la valeur globale des 7 000 kilomètres d’autoroutes publiques s’élevait à 24 milliards d’euros. Il faudrait aujourd'hui 50 milliards d’euros pour racheter le réseau, ce qui est évidemment impensable.

Il est par ailleurs dommage que ces 14, 8 milliards d’euros n’aient pas servi en totalité à réduire la dette du secteur ferroviaire. Une telle opération aurait été, me semble-t-il, acceptée par tous.

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