Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai les grands ports maritimes et, plus spécifiquement, Le Havre. J’y ai d’ailleurs été invité par mon excellent collègue Louis Nègre, que je félicite de son intervention.
Monsieur le ministre, en juillet 2008, nous avons adopté la loi portant réforme portuaire. Les conditions de transfert, tant des personnels que des équipements concernés, ont globalement été respectées dans les délais prévus. Dès lors, comment expliquer que, plus de cinq ans après le vote de cette loi et trois ans après l’application des dispositions relatives aux personnels et aux équipements, l’activité de nos ports n’ait guère progressé, alors que, à l’étranger, il en allait différemment ? Anvers est toujours le premier port français. À lui seul, il voit transiter plus de conteneurs que l’ensemble de ceux qui passent par les ports français.
Pour qu’un port fonctionne, il faut bien sûr qu’il soit opérationnel, au niveau tant des équipements que des personnels, mais aussi que les moyens d’acheminement des marchandises soient satisfaisants, ce qui, malheureusement, n’est pas encore le cas aujourd'hui, surtout dans les secteurs ferroviaires et fluviaux.
J’en viens aux deux premières interrogations que je souhaite formuler, monsieur le ministre.
S’agissant du ferroviaire, qui n’a cessé de se réduire d’année en année, nous achevons la liaison électrifiée entre Serqueux et Gisors : sa réalisation a duré quatre ans, pour un investissement de 200 millions d’euros, alors que, dans le même temps, pour des investissements portuaires nouveaux, le port de Rotterdam a engagé 3 milliards d’euros de travaux et Anvers 1 milliard d’euros.
La vocation des ports normands, Le Havre et Rouen, est d’élargir les débouchés vers l’Europe, y compris l’Europe centrale. Monsieur le ministre, est-il prévu de poursuivre les travaux sur les lignes ferroviaires pour développer le transport ferroviaire ? Si oui, quand seront-ils mis en œuvre ? Il semble qu’un redémarrage du canal Seine-Nord soit envisagé. Ne risquons-nous pas, si nous ne procédons pas aux aménagements suffisants, de faciliter ainsi le développement des ports du Nord, alors que, si nous le voulons, Le Havre, Rouen et même Paris pourraient disposer d’atouts extraordinaires ?
Aujourd'hui, seul le port du Havre, avec Port 2000, et Rotterdam sont en capacité d’accueillir les plus grands porte-conteneurs. Si nous ne réagissons pas, il est à craindre que l’avantage que nous donne notre position géographique ne disparaisse progressivement. D’où la nécessité d’engager rapidement des investissements dans le domaine ferroviaire, afin d’élargir notre hinterland et notre zone de développement. Qu’est-il prévu à cet égard, monsieur le ministre ?
Notre situation est sensiblement identique dans le domaine fluvial. Si le trafic a légèrement augmenté, nous sommes loin d’être pleinement opérationnels. Il n’a jamais été autant question de développement durable. Depuis le Grenelle de l’environnement, le port du Havre a un objectif à atteindre pour ce qui concerne le pourcentage de conteneurs acheminés par des modes économes en CO2, c'est-à-dire par rail ou barge.
Le transport fluvial, manifestement dynamique, est probablement celui qui a le plus progressé dans l’hinterland du Havre. Toutefois, cette évolution aurait pu être beaucoup plus importante.
Quand il fait mauvais temps, il est quasiment impossible de transférer des conteneurs du terminal fluvial de l’Europe à Port 2000, les automoteurs ne pouvant faire le tour de l’estuaire pour entrer dans le bassin de ce port. Ainsi des conteneurs déchargés au terminal de l’Europe ont-ils mis plus de temps pour être transférés à Port 2000 – près de vingt et un jours pour une distance de 6 kilomètres –, que pour être acheminés du Havre à Hong Kong… Une telle situation ne doit-elle pas nous interpeller ?
La réalisation d’une plateforme multimodale est engagée, mais, pour l’heure, elle n’est pas encore opérationnelle. Je rappelle que la loi a été adoptée en 2008, il y aura donc six ans en juillet prochain.
Un autre aspect est à prendre en compte. Lorsque des transporteurs ou opérateurs choisissent leur port d’accueil, ils tiennent compte de l’efficacité des intervenants sur site, mais aussi des coûts de manutention. Or plus il y a d’opérateurs dans le port, plus ces coûts sont élevés.
Lorsque j’avais présenté, en 2008, mon rapport sur la loi portant réforme portuaire, après de très nombreuses auditions d’acteurs maritimes, il avait été suggéré, au titre des investissements à envisager au Havre pour établir un lien direct entre le fleuve et Port 2000, la mise en place d’une chatière, estimée à cette époque à environ 50 millions d’euros. De nombreux opérateurs plaident toujours aujourd'hui en ce sens. Là encore, il y a urgence. Qu’envisagez-vous dans ce domaine, monsieur le ministre ?
Manifestement, nous devons le reconnaître, il existe un décalage important entre la réactivité et l’engagement des responsables des ports étrangers, tant au Nord qu’au Sud, et la réactivité et l’engagement que nous observons chez nous.
Je souhaite à présent évoquer un autre domaine, lié aux transports en commun. J’ai eu l’occasion de prendre, en pleine campagne, un train qui m’a déposé au cœur de la ville de Fribourg. Il s’agissait d’un tram-train. Une telle orientation avait été évoquée comme une démarche intéressante à envisager en France.
Lorsque l’on regarde une carte du réseau ferré français, on s’aperçoit que presque toutes les villes de France disposaient de dessertes ferroviaires de proximité les reliant à leur arrière-pays. Presque partout, heureusement, ce réseau secondaire a été préservé, même si, après l’abandon des services dans les années soixante-dix, il y aura des travaux de remise à niveau à réaliser.
Pareillement, beaucoup de grandes villes utilisaient pour le transport urbain des tramways, qui ont également, pour une grande part, été supprimés à la même époque. Depuis dix ou quinze ans, on a vu ces mêmes grandes villes remettre en circulation de nouveaux tramways, plus modernes, bien sûr, pour diminuer le nombre des voitures et répondre aux besoins de la population.
Remettre en service certaines lignes ferroviaires, dont on a souvent gardé l’emprise, ressortirait à une démarche identique à celle dans laquelle s’engagent la plupart des villes. Chaque fois que c’est possible, il serait bien sûr souhaitable de le faire sous forme de tram-train.
Outre l’effort important en faveur du développement du transport collectif que cela représenterait, cela éviterait souvent d’importants et coûteux travaux d’aménagement routier indispensables du fait de l’augmentation du nombre de voitures, cela réduirait les embouteillages aux entrées de ville et cela dispenserait de nombreuses familles habitant à l’extérieur de la ville de devoir investir dans une seconde voiture, une charge financière souvent importante pour nombre de nos concitoyens. Je pense aussi aux jeunes ou aux personnes âgées, qui, avec un service cadencé, pourraient se déplacer plus librement.
Il existe à certains endroits des lignes indépendantes du réseau principal. Le transfert sur le réseau secondaire d’une part du trafic permettrait de libérer des sillons nécessaires pour d’autres activités. Je pense, bien sûr, au fret – c’est le cas pour Le Havre.
Monsieur le ministre, est-ce une démarche que le Gouvernement pourrait favoriser ? Il faudrait du temps, de l’argent, même si l’on en manque, pour envisager, fût-ce à terme, ce qui pourrait permettre un bon aménagement du territoire. Toutefois, gouverner, c’est prévoir !
Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous pourrez nous apporter.