Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de me trouver ici ce soir. En effet, vous savez pourquoi j’interviens : pour vous parler d’une voie routière originale, originale par nature puisqu’elle ne passe pas par Paris, d’un grand axe européen malgré tout, à savoir la route Centre-Europe Atlantique, autrefois appelé « axe Genève-Océan ».
Cette route a une histoire ancienne. Je n’entrerai pas dans le détail, sinon pour saluer ceux qui en ont été les initiateurs, à savoir Jean Valleix, député et premier adjoint au maire de Bordeaux d’alors, Jacques Chaban-Delmas, et l’ancien député-maire de Mâcon, Louis Escande.
Monsieur le ministre, tous deux avaient prévu vingt-cinq années de travaux pour réaliser la liaison Genève-Océan. Le financement, qui reposait toujours sur les mêmes bases, devait s’appuyer sur les fameux contrats de plan État-région, avec une participation de l’État, de la région et du département. Ce dispositif a vite montré ses limites : quand l’État était prêt, ce qui n’était pas toujours le cas, le département ne l’était pas, non plus que la région. Il fallait alors attendre que les trois le soient pour commencer les travaux, qui s’en trouvaient retardés d’autant.
Quarante-cinq ans après, il reste encore une moitié de cet axe à réaliser – je le rappelle, on prévoyait vingt-cinq ans de travaux en 1969 !
Il est vrai que certaines sections ont été aménagées beaucoup plus rapidement que d’autres : en 1989, l’axe Genève-Mâcon est devenu une autoroute ; il n'y a aucun problème de ce côté-là. De l’autre côté, à l’ouest, la configuration est plus originale et a dû s’adapter au trafic et à l’éclatement de cet axe vers Nantes, La Rochelle, Royan et Bordeaux. Les travaux avancent assez vite, à tel point que l’axe Angoulême-Bordeaux est pratiquement terminé et que l’axe Poitiers-Nantes est bien avancé – deux fois deux voies ou deux voies, selon les circonstances et les besoins.
Demeure le tiers central, monsieur le ministre, celui par lequel tout le monde passe – entre 19 000 et 20 000 véhicules par jour, dont 40 % de poids lourds, étrangers pour plus de la moitié d’entre eux, ce qui est très original. Pourquoi empruntent-ils cette route ? Parce qu’il n’existe pas vraiment d’autre solution. L’axe autoroutier Bordeaux–Clermont-Ferrand–Lyon est très peu fréquenté par les poids lourds, pour deux raisons : d’une part, il est coûteux ; d’autre part, et c’est la raison essentielle, il passe à plus de 1 000 mètres d’altitude, ce qui le rend impraticable pour les poids lourds une bonne partie de l’année. Voilà pourquoi ceux-ci préfèrent emprunter l’axe Centre-Europe Atlantique.
Un tronçon de cet axe tiers central a été réalisé immédiatement, entre 1981 et 1986, sans doute en raison de la très forte influence qu’exerçait le président du conseil général de la Creuse de l’époque auprès de l’Élysée.
Restait le tronçon Montluçon-Mâcon. Actuellement réalisé pour moitié, il dessert des régions difficiles d’accès du centre de la France : le département de l’Allier et l’ouest de la Saône-et-Loire. Surtout, il a la réputation d’être terriblement meurtrier, puisque l’on compte en moyenne, sur ses 160 kilomètres, vingt-quatre morts chaque année.
Les accidents sont tous identiques : une collision frontale entre un véhicule de tourisme et un camion circulant dans le sens opposé. Après avoir suivi sur dix, vingt ou trente kilomètres le même camion, les véhicules de tourisme, dès que la situation leur paraît favorable, tentent un dépassement, malgré une visibilité imparfaite, et se jettent contre le camion arrivant en face. J’y reviendrai dans ma conclusion.
Cette situation étant dénoncée de toutes parts sur ce territoire, votre prédécesseur, Dominique Bussereau, est venu trouver l’ensemble des élus de l’Allier et de Saône-et-Loire concernés pour tenter de trouver une solution. Il a proposé d’accorder une concession autoroutière sur l’axe Mâcon-Montluçon. Le département de l’Allier, je dois le dire, s’est montré d’emblée favorable à cette solution et l’a acceptée immédiatement. Nous avons fait valoir que les financements qu’avaient déjà apportés les régions et les départements nécessitaient bien un petit avantage. Celui-ci s’est traduit, dans le département de l’Allier, par la gratuité du tronçon Paray-le-Monial–Montmarault, ce qui n’est pas neutre pour ce département.
La Saône-et-Loire, quant à elle, a été atteinte d’une maladie rare, très contagieuse – c’est le vétérinaire qui parle –, à savoir une allergie socialiste soudaine à la concession autoroutière de la part d’un élu influent du département.