Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 6 février 2014 à 15h00
Débat sur l'avenir des infrastructures de transport

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

En tout cas, il est clair que les transports sont au cœur du mécanisme de croissance économique.

Du fait de la nécessité de se doter d’infrastructures adaptées, ils sont aussi l’un des moyens de la reprise économique, l’un des leviers permettant de créer de l’emploi, de structurer des filières, notamment industrielles. À cet égard, il faut mentionner les moyens prévus dans le cadre des programmes « investissements d’avenir ».

Cela vaut dans le secteur des transports ferroviaires, mais aussi dans l’aéronautique et dans un certain nombre de projets que l’on peut considérer comme « orphelins », au sens des maladies orphelines.

J’étais, voilà deux jours, à la SNCF pour lancer l’expérimentation des drones civils. Voilà un sujet extraordinaire, qui mobilise plus d’une centaine de start-up françaises dans les régions de Bordeaux et de Toulouse. Pour conserver sa place de leader mondial dans ce domaine, la France doit, d’une part, donner une impulsion à une réglementation qui fera de notre pays la référence concernant l’utilisation de ces drones et, d’autre part, engager et accompagner toutes ces innovations.

L’enjeu, lorsque nous parlons des infrastructures, est aussi de doter notre territoire des moyens durables pour la croissance et le dynamisme économiques.

Cet enjeu est également européen. Cela n’a pas été souligné, mais le contexte a bien évolué en quelques mois. Souvenez-vous du combat qu’a mené le Président de la République et qui s’est conclu par l’évolution des budgets européens en vue de mobiliser des moyens supplémentaires pour les grandes infrastructures de transport.

Je pense notamment à la révision du réseau transeuropéen de transport au cours de la période 2014-2020. La France – elle n’était pas seule, mais elle était au premier rang de ce combat – a fait passer l’enveloppe, qui était modeste au départ, à 23, 2 milliards d’euros : 10 milliards d’euros pour les pays du fonds de cohésion et 13, 2 milliards d’euros – avec une augmentation de 65 % – pour la France ; des montants sans commune mesure avec ceux que nous avons pu connaître dans la période précédente, 2007-2013.

Grâce à ces mesures, émergeront de grands projets d’aménagement. Des questions m’ont été posées concernant deux d’entre eux. J’y reviendrai brièvement, notamment le projet Lyon-Turin et le projet de canal Seine-Nord.

Je rappelle que, sur ces grands projets de dimension européenne comme les corridors européens de transport, nous avons obtenu l’éligibilité, à hauteur de 40 %, à des subventions européennes, ce qui n’était pas nécessairement le cas voilà encore quelques mois.

Toujours à propos du contexte européen, n’oublions pas que le transport, ce sont aussi des relations sociales, des hommes et des femmes qui évoluent dans un environnement qui doit être favorable au développement. À cet égard, nous déplorons le manque d’implication qui a été, des années durant, celui de la France en faveur de politiques sociales européennes : de fait, nous avons adopté en la matière une vision uniquement orientée vers la concurrence, débouchant sur le dumping social. Désormais, dans ce combat-là aussi, la France prend toute sa place, et je m’en félicite.

Dans le transport routier de marchandises, entre 2007 et 2012, l’activité a diminué de 25 % – pas moins ! –, le pavillon français se voyant ainsi remis en cause. Bien sûr, la crise est en partie à l’origine de cette diminution, mais celle-ci résulte aussi des politiques de dérégulation sociale qui ont été suivies, de la concurrence exacerbée qui a conduit au dumping social. Ont été ainsi mises en place les conditions propices à une déstructuration qui a également touché l’aménagement du territoire.

Par exemple, il n’est pas en France un seul canton qui n’accueille au moins d’un transporteur routier. Eh bien, nous avons fait reculer la Commission, qui avait la volonté de libéraliser la réglementation européenne en prévoyant d’assouplir un peu plus le cabotage.

Je pourrais également citer le combat que nous avons mené concernant le transport aérien et le fameux rendez-vous du Conseil informel au sujet du projet de Ciel unique européen. La France était, à l’origine, quasiment la seule à refuser que l’on s’engage une nouvelle fois dans une sophistication de réglementations qui tendaient, en définitive, à remettre en cause notre modèle d’organisation. D’ailleurs, les syndicats s’en sont émus, et nous nous sommes entendus avec l’Allemagne – c’est suffisamment rare pour que je le souligne ! – pour adopter une position de plus en plus convergente.

Nous avons adressé des courriers au commissaire européen Siim Kallas pour lui demander que ne soient pas instaurées des règles destructrices dans ce domaine sensible des transports aériens, où une certaine stabilité est nécessaire pour assurer la sécurité et la régularité des vols.

En outre, lors du Conseil informel de Vilnius, nous avons tout simplement exigé l’arrêt d’une nouvelle réforme de dispositions qui n’étaient même pas encore mises en œuvre : à peine le Ciel unique II était-il engagé qu’un Ciel unique II+ était projeté !

S’agissant du contexte européen en matière d’infrastructures de transport, nous devons donc non seulement mobiliser des financements européens, mais aussi faire en sorte que soient élaborées des politiques qui s’inspirent clairement de notre vision de l’aménagement du territoire comme une impérieuse nécessité, du rôle de l’État stratège, notre conception d’un État qui intervient.

Il n’est pas un seul domaine, concernant les transports, où nous ne fassions appel à la puissance publique, qu’il s’agisse de la réglementation, de l’investissement ou de la stratégie. Et c’est bien légitime ! D’ailleurs, les grands investissements ont toujours été structurants. Encore faut-il que, par des règles interprétées de manière parfois un peu dogmatique, on ne fasse pas obstacle à l’intervention de l’État, y compris à son action régulatrice. Je pense notamment à la réforme ferroviaire, aux éventuelles évolutions des modes de financement des infrastructures. Je pense également aux relations avec les transporteurs autoroutiers et aux secteurs maritime et portuaire. Si nous avions écouté la Commission, nous serions actuellement confrontés à une libéralisation des services portuaires qui nous poserait de grandes difficultés, à nous mais aussi à bien d’autres.

Ce contexte nous amènera, dans les prochains mois, à convoquer une grande conférence européenne, dont l’initiative revient à la France. Nous avons été rejoints par la présidence grecque, qui a souhaité organiser ce rendez-vous avec nous à Paris. Cette conférence aura pour thème l’harmonisation sociale dans le transport, notamment le transport routier de marchandises.

La France doit donc prendre position sur les orientations européennes, sur toute la démarche européenne. Nous avons trop souvent imputé à l’Europe la responsabilité de nos difficultés, alors que la France a elle-même appréhendé, de par ses politiques, voire par la promotion de certaines théories, la question européenne sous un angle qui était non pas purement « européen », mais bien national, et dogmatique. Je souhaite que nous puissions revenir sur cette attitude.

La France, dans le domaine des transports, n’est pas absente du débat européen, et cela pour une raison très simple : d’un point de vue stratégique, elle est offensive au niveau national pour l’ensemble de ses réseaux et dans la complémentarité des politiques qu’elle entend mener.

Je tiens à remercier les différents intervenants, notamment MM. Jean-Jacques Filleul et Michel Teston, d’avoir rendu hommage à la politique engagée par ce gouvernement, à la volonté qui a été la sienne d’allier pragmatisme, prise en compte des réalités, soutenabilité et ambition. Même Louis Nègre lui a rendu, au moins indirectement, sans l’avouer, cet hommage, sans doute de manière un peu retenue, plus timide…

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