Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 6 février 2014 à 15h00
Débat sur l'avenir des infrastructures de transport

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

À cet égard, il nous faut faire preuve d’un peu d’originalité pour trouver des financements innovants. J’ai demandé la mise en place d’une mission de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, mission chargée d’anticiper la fin des concessions autoroutières.

L’objectif est de nous permettre de mobiliser des moyens financiers de manière à définir les conditions de la pérennité du financement des infrastructures de transport dans les années prochaines.

Il est important d’anticiper les conditions de financement des infrastructures. Elles seront peut-être difficiles, compte tenu des contraintes qui pèsent sur les budgets publics. Il nous revient donc de définir des solutions financièrement favorables et juridiquement recevables. Elles devront notamment être compatibles avec un droit européen qui, pour être parfois exigeant, n’est pas pour autant paralysant. La Commission européenne prête en effet une grande attention à ces questions. Il nous faudra parvenir à une discussion ouverte sur ce sujet.

Le premier axe vise donc la recherche de financements innovants : une mission d’étude est engagée. Le deuxième axe s’appuie sur les infrastructures susceptibles d’être financées autrement que par des ressources budgétaires. Par exemple, le CDG-express, dont le coût atteint 1, 6 milliard d’euros, peut être financé par une société publique dédiée, rassemblant RFF et Aéroports de Paris. Là où d’autres auraient envisagé un partenariat public-privé, nous privilégions un partenariat public-public, sans sacrifier concomitamment l’enjeu du transport du quotidien.

Nous devons, selon moi, mettre également à contribution les concessionnaires autoroutiers. Cela a été fait : j’ai souhaité augmenter de 100 % la redevance domaniale. Le Conseil d’État a calmé mon enthousiasme en limitant cette hausse à 50 %. Il reste que c’est la première fois que cette redevance est réactualisée. Or il s’agit, je vous le rappelle, de la contrepartie de la gestion d’un bien public. Il est légitime qu’en échange de cet usage d’un domaine public, la redevance soit révisée, alors même que l’activité des concessionnaires dégage des sommes importantes.

Je ne reviendrai pas sur les conditions de privatisation de ce secteur. Vous avez dit tout le mal que vous en pensiez, et vous avez raison. Peut-être êtes-vous un peu plus indulgents sur certaines travées… Oui, ces milliards d’euros nous auraient été utiles. Oui, ils nous auraient permis de financer des infrastructures. Nous mesurons, aujourd’hui, en période de difficulté budgétaire, le poids de l’erreur stratégique qu’ont été la privatisation, surtout dans les conditions où elle a été réalisée, et le choix de ne pas affecter l’essentiel du vil prix obtenu au financement de l’AFITF. On peut même parler d’une forme de dilapidation du bien public.

L’AFITF doit être maintenue : cela n’est plus un sujet de débat. À ce titre, je considère que les conclusions de la Cour des comptes ne sont pas fondées. Au contraire, cette agence me paraît présenter une utilité réelle pour obtenir des ressources au-delà de la subvention budgétaire : redevances domaniales, taxe d’aménagement du territoire, recettes tirées des radars, etc. Les financements de l’agence sont donc divers.

Il n’en demeure pas moins que le financement du plan concernant les infrastructures s’appuyait sur l’écotaxe poids lourds…

Nous avons eu à ce sujet un très bon débat, exigeant. Il était d’autant plus important que cette réforme initiait une démarche de transition environnementale, une vision équilibrée du changement sociétal que doit apporter l’infrastructure routière, et cela autour d’une idée très simple : l’utilisation des infrastructures à des fins économiques doit faire l’objet d’un financement de la part de ceux qui en bénéficient. Cela est parfaitement légitime, notamment lorsqu'il s’agit de valoriser l’atout que constitue la situation géographique notre pays.

Il ne faut pas laisser à la charge des seuls contribuables la modernisation et le renouvellement des infrastructures. Au contraire, lorsqu’il y a utilisation à visée économique, le transport de marchandises doit donner lieu à une redevance liée à l’usage. §On évite ainsi de faire peser sur le seul budget de l’État ou des collectivités des sommes pouvant être rassemblées par d’autres moyens.

Vous connaissez le contexte et les difficultés rencontrées, vous avez entendu les revendications qui ont amené le Premier ministre, en toute sagesse, à suspendre la mise en place de ce dispositif. Au demeurant, elle avait déjà été retardée à plusieurs reprises : la société concernée nous avait fait savoir qu’elle n’était pas en situation de livrer ses prestations en temps et en heure, c'est-à-dire le 20 juillet. La date a donc été reculée, une première fois au mois d’octobre, puis une seconde fois à la fin de l’année.

Finalement, le contexte a conduit à une instabilité qui a porté atteinte à la crédibilité du dispositif. Il fallait donc reprendre les choses à la base, afin de donner des chances à la réussite de cette écotaxe. Pour ce qui me concerne, c’est la seule chose qui me préoccupe. À ce titre, il est heureux que les parlementaires en soient saisis.

Le sujet est complexe : dès que l’on touche à l’une des dispositions, cela emporte des conséquences sur d’autres secteurs. Il en va ainsi, par exemple, des préconisations concernant le tonnage : elles induisent une concurrence des véhicules utilitaires légers, et c’est un problème qu’il faudra bien régler. De même en ce qui concerne le rayon d’action et d’éventuelles exonérations : il faut les confronter au droit européen, susceptible d’autoriser, ou non, certaines de ces dispositions.

Les choses sont donc plus compliquées qu’il n’y paraît. Pour autant, il est important que les parlementaires prennent leur part du problème : c’est la vocation de la mission d’information qui a été constituée, mais aussi celle du débat de ce soir. Celui-ci illustre d’ailleurs l’entente existant, au-delà des instrumentalisations politiciennes, autour de la nécessité de franchir le pas et de fonder cette redevance destinée à financer les infrastructures.

Il est dommage, à mes yeux, que quelques-uns de ceux qui ont porté cette mesure lorsqu’ils étaient dans la majorité en fassent, une fois dans l’opposition, une utilisation tactique ou politicienne. Cette réforme constitue pourtant un enjeu de société !

Oublions donc cela, pour tenter de nous mobiliser sur l’utilité de l’écotaxe pour les territoires. Je reçois les élus, je connais leurs attentes et je sais combien toutes les problématiques touchant aux infrastructures – modernisation, renouvellement, sécurisation – et tous les enjeux liés aux transports sont suspendus à la mise en place de ce dispositif.

Je ne peux que tenir ce discours de vérité aux élus que je reçois et qui revendiquent à juste titre telle ou telle amélioration d’infrastructure destinée au désenclavement de leur territoire, à son développement économique, à sa compétitivité, à l’amélioration de la vie quotidienne de ses habitants…

Nous devons donc parvenir à établir ce dispositif.

Il appartient au président Jean-Paul Chanteguet de présenter des propositions en ce sens au Gouvernement.

Une subvention budgétaire a d’ores et déjà été attribuée à l’AFITF, à titre de complément budgétaire de financement. Le conseil d’administration de l’AFITF a voté un budget qui prévoit 1, 814 milliard d’euros de crédits de paiement et 646 millions d’euros d’autorisations d’engagement. La subvention de base sera abondée par une subvention complémentaire, afin de donner un peu de lisibilité à l’AFITF et d’assurer une certaine activité pendant la période de suspension de la mise en place de l’écotaxe. Certes, ce n’est pas suffisant, mais cela répond aux préoccupations exprimées par les membres de l’AFITF et son président.

Les préconisations de la mission d’information sur l’écotaxe poids lourds devront être au plus proche des territoires. En effet, l’écotaxe doit permettre d’apporter des solutions efficaces.

Aujourd'hui, je le dis, l’écotaxe poids lourds n’est pas abandonnée. Je n’ai d’ailleurs reçu nulle consigne de plaider en faveur de l’abandon total ou partiel de cette taxe. Non, il s’agit de mettre en place un dispositif robuste, qui soit acceptable et accepté.

À cet égard, plusieurs pistes peuvent être envisagées pour faire en sorte que l’application de cette taxe soit, notamment, au plus près des territoires. Je ne suis pas membre de la mission d’information, …

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