Intervention de Renaud Dutreil

Réunion du 3 décembre 2004 à 15h30
Loi de finances pour 2005 — Fonction publique et réforme de l'état

Renaud Dutreil, ministre :

Les syndicats de la fonction publique ne veulent considérer qu'un seul de ces facteurs, la valeur du point indiciaire. C'est cette incompréhension qui a conduit dans l'impasse toutes les tentatives de négociation salariale, tant de la part du gouvernement actuel que de celle des gouvernements précédents. Tous se sont heurtés à cette contradiction.

Il est vrai qu'une feuille de paye moyenne recouvre des situations différentes, certains fonctionnaires touchant plus, d'autres moins. Je suis le premier à le reconnaître et c'est pourquoi je propose aux organisations syndicales d'identifier les fonctionnaires qui ont le moins bénéficié de l'augmentation du pouvoir d'achat, voire ceux qui ont perdu du pouvoir d'achat.

Quoi qu'il en soit, le point indiciaire n'est certainement pas la meilleure façon de corriger ces inégalités, puisqu'il distribue, les yeux fermés, les crédits qui lui sont alloués. Je lui préfère une politique salariale de justice sociale, celle-là même que j'ai présentée aux organisations syndicales le 23 novembre dernier et que j'évoquerai à nouveau devant elles le 8 décembre prochain.

Certes, la définition d'une politique salariale pour les années à venir ne peut s'abstenir d'une réflexion sur les effectifs. Là encore, ne nous dissimulons pas derrière des tabous. Sans faire des effectifs une variable d'ajustement budgétaire, on peut imaginer que l'Etat de demain, notre Etat moderne, dont la mission première est de rendre un service aux usagers et aux citoyens, peut garantir un service d'aussi bonne qualité avec des effectifs moindres. La réforme de l'Etat, c'est aussi cela. Or, aujourd'hui, certains syndicats acceptent l'idée de gains de productivité au sein de l'Etat.

Sur cette question des salaires, j'ajoute, pour répondre à Mme le rapporteur pour avis, que les rémunérations doivent également être un outil de motivation des agents. Tous les éléments de modulation existent déjà dans le statut, mais ils sont peu utilisés dans ce sens : pour ne parler que des primes de rendement, dont l'appellation est d'ailleurs trompeuse puisque ces primes sont souvent versées de façon forfaitaire, c'est dans le cadre statutaire qu'est actuellement expérimentée la rémunération au mérite des cadres dirigeants des administrations centrales de l'Etat. Ce nouveau dispositif est mis en oeuvre dans cinq départements ministériels qui se sont portés volontaires, à savoir les finances, l'agriculture, la défense, l'équipement et l'intérieur, ainsi qu'au sein des services du Premier ministre.

La rémunération globale sera modulée, à hauteur de 20 %, en fonction des résultats effectivement obtenus. C'est là une innovation importante que je souhaite voir généralisée en 2005 à tous les ministères, du moins pour l'ensemble des agents qui exercent des emplois de responsabilité, car ce système de rémunération au mérite individuel ne peut être étendu à l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, auxquels d'autres outils doivent être appliqués.

Mme Gourault m'a également interrogé sur la motion présentée par les magistrats du tribunal de grande instance de Moulins, dans l'Allier, qui se sont émus de la prime modulable instituée par le décret du 26 décembre 2003 aux termes duquel cette prime est « attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ».

Ces primes modulables ne sont en aucun cas une atteinte à l'indépendance des magistrats ! Elles existent d'ailleurs dans les juridictions administratives et financières ainsi qu'à la Cour de cassation sans que personne ne puisse mettre en doute l'indépendance de ces magistrats. Personne ne pourrait imaginer un seul instant que l'indépendance de la magistrature puisse être menacée par une prime modulable, qui représente de surcroît une part modeste de la rémunération des magistrats.

Mme Gourault et M. Portelli m'ont questionné sur la transposition des directives européennes dans la fonction publique et sur la situation de agents non titulaires.

Vous le savez, le droit communautaire influence de plus en plus la fonction publique française - souvent dans un sens positif -, notamment dans les domaines suivants : l'ouverture des emplois publics aux ressortissants communautaires, la lutte contre les discriminations, les conditions de recours au contrat à durée déterminée.

J'ai constaté, en prenant mes fonctions, un certain retard dans la transposition des normes européennes. Pour y répondre, j'ai fait préparer un projet de loi de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Il sera soumis, lundi 6 décembre prochain, à l'approbation du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Je souhaite, en effet, que mon ministère soit exemplaire en matière de transposition des directives.

Ce projet de loi, qui répond notamment aux problématiques posées par le rapport de M. Lemoyne de Forges, sera soumis au Parlement dès le début de l'année 2005.

J'attache une importance particulière à la transposition de la directive européenne du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée, qui doit permettre de réduire la précarité dans la fonction publique. La lutte contre la précarité est en effet l'un des objectifs fixés par le Gouvernement. Cette directive avait d'ailleurs été approuvée sous le gouvernement de M. Jospin, qui aurait dû la transposer et qui ne l'a pas fait.

C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai lancé une concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet.

Il est aujourd'hui possible de renouveler sans fin le contrat des agents contractuels à durée déterminée de la fonction publique sans que ces derniers aient la possibilité de se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Cette situation n'est conforme ni au droit communautaire, je le répète, ni surtout à une bonne gestion des ressources humaines. On imagine la situation matérielle de ces agents qui, de façon renouvelée et permanente, restent dans la précarité !

Il faut donc améliorer les règles d'emploi des contractuels de la fonction publique, dans le respect des principes du statut de la fonction publique.

Pour ce faire, je propose, premièrement, un contrat à durée déterminée de trois ans maximum, renouvelable dans la limite de six ans maximum. Cette durée, relativement longue, est destinée à permettre aux contractuels d'être candidats au moins deux fois aux concours internes de recrutement des fonctionnaires. Quatre ans d'activité sont, en effet, nécessaires pour se présenter à ces concours.

Deuxièmement, le renouvellement du contrat après six ans ne sera possible que pour un contrat à durée indéterminée.

Troisièmement, je propose également la transformation automatique des contrats des agents ayant plus de cinquante ans et justifiant de huit ans de service public en contrats à durée indéterminée. Cette disposition est destinée à protéger ceux qui seraient les plus susceptibles de rencontrer des difficultés sur le marché du travail.

Enfin, je propose l'application anticipée du dispositif de transformation automatique en CDI au 1er juin 2004.

Je note que les organisations syndicales, après quelques hésitations - que l'on comprend bien, car il s'agit là d'une véritable innovation dans le statut de la fonction publique -, ont assez bien accueilli ce projet, qui va améliorer très concrètement la vie des agents concernés. Ces derniers éprouvent aujourd'hui des difficultés au quotidien, et c'est la raison pour laquelle il fallait prendre rapidement ces mesures.

La question des carrières longues a été ma priorité lorsque j'ai pris mes fonctions, et elle est aujourd'hui réglée. Les dispositions que nous avons prises vont profiter à 100 000 fonctionnaires, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion