Intervention de Pierre-Victor Tournier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 février 2014 : 1ère réunion
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Audition de M. Pierre-Victor Tournier directeur de recherche au cnrs

Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS :

Toute une littérature existe sur le sujet, largement mise à disposition sur Internet. Donner des exemples de contrainte pénale irait contre le principe qui régit le concept, celui du sur-mesure. Une contrainte pénale, c'est un ensemble de contraintes, définies dans un esprit pragmatique. Selon Norman Bishop, le pragmatisme consiste à savoir pourquoi on définit la contrainte, à faire qu'elle ait du sens pour tout le monde, et à prendre en considération le contexte économique, psychologique et familial où elle sera appliquée, l'objectif ultime étant la réussite de l'individu. S'il faut être ferme, la contrainte doit rester applicable. L'environnement où elle s'appliquera n'est pas immuable et pourra être transformé grâce à la communauté. Que la peine soit appliquée dans la communauté suppose que celle-ci joue un rôle.

La contrainte pénale pourra se traduire par des interdits ou des obligations - nous disposons déjà d'une boîte à outils pour cela. Elle pourra prendre la forme d'un traitement criminologique. Alain Blanc a travaillé sur ce concept qui consiste à donner un sens aux infractions : pourquoi les gens sont-ils passés à l'acte ? Cette approche sociologique définit une criminologie humaniste. Des contrôles plus ou moins stricts pourront s'effectuer dans le cadre de la contrainte pénale, comme l'obligation d'informer le juge d'application des peines d'un changement de domicile. Enfin, un traitement de nature sociale pourra être envisagé, sous la forme d'une aide offerte par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation pour que le condamné bénéficie des services de droit commun.

Prenons l'exemple concret de violences familiales sans gravité. Dans ce cas, la contrainte pénale sera plus efficace que la prison. Les interdits et obligations infligés au condamné sont facilement imaginables. Le traitement criminologique pourrait se réaliser au travers d'un groupe de parole - sur le modèle des alcooliques anonymes - mené par des conseillers pénitentiaires d'insertion assistés d'un psychologue. Les contrôles, stricts au début, interdiraient au condamné de rentrer chez lui.

En l'état, le projet de loi n'aborde pas les modalités concrètes de l'application de la sanction dans la communauté. Une discussion de fond reste à mener. Nous pourrions nous inspirer du modèle suédois ou danois, dans lequel des citoyens lambda participent à l'encadrement des prisonniers aux côtés des agents de probation.

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