Les banquiers, que je représente ici, n'ont pas prise sur de telles décisions. Si la transmission d'informations fiscales à l'administration n'est pas pour nous chose nouvelle, puisqu'elle est entrée dans notre législation en 2005, il reste que la nature des recherches et de l'information exigée par FATCA a requis d'importantes adaptations. Depuis le courant de 2011, les banques ont mis en place des projets internes très lourds. L'accord intergouvernemental permet cependant de bien définir le champ des obligations et nous permettra d'échapper, à terme, à la retenue à la source. Cependant, pour les établissements internationaux comme la Société générale, implantée dans 77 pays, cela suppose de se plier à autant d'accords intergouvernementaux. Or, les définitions, comme celle de « revenu financier » ou de « compte-titre », ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Si bien que la balance coûts-avantages nous conduit à clore les comptes américains dans certains pays. Au reste, cela n'est pas toujours possible ; je pense aux doubles nationaux. Sans compter que l'administration américaine recherche ce qu'elle appelle les « indices d'américanité » - soit l'existence de flux financiers entre des comptes, comme ceux qui peuvent exister, par exemple, avec des enfants installés aux États-Unis.
Se pose, dès lors, la question de l'équilibre entre intérêt général et obligations imposées non seulement aux banques, mais aussi et surtout à leurs clients. D'ailleurs, la question du transfert de données n'est toujours pas réglée : un client pourrait contester le transfert en se fondant sur la législation européenne relative à la protection de la vie privée. En dépit des efforts de l'administration fiscale, qu'a soulignés Edouard Marcus, la complexité de ces échanges d'informations est telle qu'à trois mois de l'entrée en vigueur de l'accord, nous ne disposons encore d'aucune documentation stabilisée et nous sommes contraints de faire confiance, alors que les choses peuvent bouger à tout moment.
Le coût de l'adaptation pour les banques justifierait une rémunération du service rendu. Lorsque EDF effectue un service d'intérêt général, l'entreprise est rémunérée à ce titre. Ne travaillons-nous pas au service de l'intérêt général du monde entier ? Depuis 2011, nous avons dépensé de 200 à 300 millions d'euros pour une adaptation qui ne concernera pas plus de 200 000 comptes bancaires sur les quelque 50 millions enregistrés en France.