Je suis admiratif du travail de Claude Jeannerot qui a bâti un rapport très dense en une nuit. Je le remercie d'avoir effectué une présentation relativement consensuelle qui se réfère aux travaux de Gérard Larcher, auquel j'associerai Jean-Claude Carle.
Nous approuvons les dispositions du texte relatives au CPF, au financement et à la transparence du dialogue social, à la simplification de la collecte de la taxe professionnelle et à la réduction du formalisme administratif. En revanche, nous sommes réservés sur le choix de la procédure accélérée. Le texte, loin de se borner à transposer l'ANI, qui comporte des dispositions nouvelles sur les comités d'entreprises, l'inspection du travail, le contrat de génération, le temps partiel qui auraient mérité réflexion et recul. Je crains un texte d'affichage résultant d'une alliance objective entre le Gouvernement et le Medef : le Medef mettra en avant la baisse des charges des entreprises et le Gouvernement, la réussite du dialogue social. Mais des sujets de fond ne sont pas traités, comme les critères de la représentativité patronale et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle à destination des PME, qui est juste amorcée.
En qualifiant cette réforme de « pari », vous reconnaissez la légitimité de ma critique sur l'absence de travail préalable d'évaluation sérieux. La baisse du taux de cotisation des entreprises de 1,6 % à 0,9 % de la masse salariale va entraîner une baisse de collecte pour les Opca de 6 milliards d'euros. Quelles seront ses conséquences ? Comment va-t-on financer l'amélioration de l'offre de formation à destination des chômeurs et la hausse du budget du FPSPP de 600 à 900 millions d'euros ?
Vous prétendez augmenter l'offre de formation pour les chômeurs, et en particulier pour les chômeurs de longue durée grâce à l'augmentation de la participation du FPSPP ; c'est peu au regard de l'enjeu et, surtout, c'est au détriment du parcours de sécurisation de l'emploi. En réalité, les deux dispositifs fonctionnent comme des vases communicants. Quelles seront les ressources de ce fonds ? La collecte des Opca baissera - pour certains à bon droit, car ils avaient de la marge - et leurs excédents, dont ils reversaient une partie, baisseront donc eux aussi.
Ne serait-il pas opportun de porter de 150 à 250 heures le plafond du CPF des chômeurs de longue durée par des mécanismes d'abondement ? Ce dernier requiert des formalités qui constituent aujourd'hui un véritable parcours du combattant ; c'est une faille qui n'a pas été évaluée financièrement. Comme Isabelle Debré l'avait souligné, il faudrait prévoir précisément la compensation des charges des salariés de TPE partis en formation. La CGT avait formulé une proposition que j'avais approuvée : former un salarié de TPE pour qu'il puisse remplacer le chef d'entreprise souhaitant prendre sa retraite. Si 20 % des ressources du FPSPP sont sanctuarisés pour les TPE, l'utilisation des fonds n'est pas fléchée dans le texte. Nous souhaitons tous que cette réforme aboutisse, mais je regrette que la volonté de médiatisation nous laisse aussi peu de temps.
Principale pomme de discorde entre nous : l'apprentissage est sacrifié, alors qu'il devrait constituer une voie d'excellence. Le passage de 44 % à 56 % de la part perceptible directement par les régions au détriment des centres de formation n'est-elle pas une compensation du désengagement de l'Etat, dont la suppression des contrats d'objectifs et de moyens est la marque ? C'est le fond du problème soulevé par l'Assemblée nationale concernant les Compagnons du devoir.
Une convention a été très vite signée entre les trois principales organisations patronales du « hors champ » et les autres organisations patronales, mais nous n'avons pas de certitude sur leur association à la gouvernance du fonds paritaire de financement des partenaires sociaux, dont l'existence est reportée à des dispositions réglementaires si ces derniers ne parviennent pas à s'entendre.
La réorganisation de l'inspection du travail est certes nécessaire mais nous refusons le pouvoir exorbitant octroyé aux inspecteurs qui peuvent infliger des amendes administratives considérables - 10 000 euros par salarié ! - sans contrôle judiciaire. Cela revient à leur donner un droit de vie ou de mort sur certaines entreprises ; c'est un très mauvais signal à l'heure où le Président de la République prône la réhabilitation du dialogue social. Pour éviter des dérives, un contrôle judiciaire serait souhaitable. Tout aussi exorbitant est le droit que vous leur reconnaissez d'emporter des documents administratifs autant qu'ils le jugent utile.