Intervention de Claude Jeannerot

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 février 2014 : 1ère réunion
Formation professionnelle emploi et démocratie sociale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot, rapporteur :

Si je parle de pari, c'est que beaucoup dépend du comportement des acteurs. Ce texte réunit néanmoins des facteurs clés de succès. L'obligation légale de financement était jusqu'à aujourd'hui purement formelle. Il y a eu un engagement, il est plus que tenu ! Pourquoi les entreprises, si nous leur donnons une plus grande liberté, diminueraient-elles leur effort ? Nous pensons au contraire qu'il sera renforcé.

Vous parlez de vases communicants ; mais les grandes lignes tracées par le Premier ministre aux partenaires sociaux à la conférence sociale de juin 2013 comportaient l'exigence de réorienter la formation au bénéfice des demandeurs d'emploi et des salariés des TPE. La réorientation des financements poursuit cet objectif. Les ressources du FPSPP seront plus prévisibles : elles étaient jusqu'à présent fixées chaque année par les partenaires sociaux et ont fait l'objet en 2011 et 2012 d'un prélèvement total de 600 millions d'euros... La différence entre le droit individuel à la formation et le compte personnel de formation, c'est que dans ce dernier, l'accent est mis sur les demandeurs d'emploi et les salariés des TPE. Le FPSPP leur consacrera respectivement 300 millions d'euros et 20 % de ses ressources. De ce point de vue, les objectifs sont atteints.

La tuyauterie de l'apprentissage est très complexe, et je ne crois pas que tout le monde ici soit expert en ce domaine. Ne nous arrêtons pas sur chaque ligne et chaque mot, appréhendons plutôt le sens global : l'ambition forte affichée pour l'horizon 2017 est de former 500 000 apprentis, ce qui n'est pas rien lorsque la tendance est à la baisse. Quatre objectifs sont poursuivis : renforcer le financement, simplifier la collecte de la taxe d'apprentissage, renforcer le rôle des régions et sécuriser le parcours des apprentis, dont 20 % abandonnent leur apprentissage dès la première année. Les ressources de l'Etat sont transférées aux régions : pourquoi en faire un sujet de clivage ? Pourquoi n'auraient-elles pas les moyens de définir une politique satisfaisante au sein d'une instance où la voix des départements peut se faire entendre, le Crefop ? Les ressources sont maintenues et davantage ciblées vers l'apprentissage. Je vous confirme que la question particulière des Compagnons du devoir a été résolue par l'Assemblée nationale. Enfin, un amendement sera présenté pour garantir la participation des acteurs du hors champ à la gouvernance des fonds paritaires.

Concernant l'inspection du travail, comment peut-on affirmer que les inspecteurs auront un droit de vie ou de mort sur les entreprises ? Aujourd'hui, les pénalités prévues sont comprises entre 450 et 1 500 euros pour des infractions relatives à la durée du travail ou aux rémunérations, et atteignent 3 750 euros par salarié pour celles relatives à l'hygiène et à la sécurité. Le débat contradictoire entre l'inspecteur - qui ne dispose en rien des pleins pouvoirs - et son responsable hiérarchique représente une sécurité. Rien dans ces dispositions ne contrevient aux conventions de l'OIT. C'est sans doute à cause de son caractère équilibré que ce texte suscite des critiques à la fois de la droite et d'une partie de la gauche. Les amendes sont au surplus toujours données sous le contrôle du juge administratif. L'entreprise a la possibilité de faire entendre ses arguments sous un mois. L'échelon hiérarchique, qui étonne Aline Archimbaud, n'est pas nouveau : il se déplace. Aujourd'hui, une section compte un inspecteur du travail, qui encadre deux contrôleurs et un secrétaire ; demain, les contrôleurs ont vocation à devenir inspecteurs s'ils réussissent l'examen professionnel - renforçant ainsi le corps - et des unités de contrôle composées de huit à douze inspecteurs seront encadrées par un responsable. Ce système ne mettra pas en danger l'indépendance de chacun des inspecteurs, mais facilitera la mise en oeuvre des actions collectives. Vous ne pouvez pas regretter qu'on ne combatte pas assez le travail illégal et laisser à chaque inspecteur le soin d'organiser son travail isolément, comme il l'entend ! Une cellule de lutte contre le travail illégal garantira l'effectivité de cet objectif. Le renforcement du droit d'accès aux documents semble vous inquiéter. Rassurez-vous, certains secrets sont protégés par la loi, comme le secret médical ou le secret professionnel des avocats.

Dans l'ANI du 11 janvier 2013, les partenaires sociaux ont fixé à 24 heures hebdomadaires la durée plancher du travail à temps partiel. Rappelons que le salarié peut décider de travailler pour une durée plus courte. Le projet de loi ne fait que suspendre cette règle afin que le dialogue social dans les branches puisse se poursuivre. Les partenaires sociaux avaient sans doute mal anticipé cette étape. Je n'ai pas de réponse sur le plan juridique à votre questionnement, légitime, sur la rétroactivité ; je vous propose d'approfondir ce point d'ici la séance.

Le CPF est abondé au prorata du temps travaillé. Les salariés à temps partiel subissent le plus souvent cette situation, et ce sont le plus souvent des femmes. Je proposerai un amendement autorisant un accord collectif, d'entreprise ou de groupe, à y déroger dans un sens favorable aux salariés. Certains s'inquiètent des compensations prévues à l'article 15 pour les régions et rappellent que le débat institutionnel sur les niveaux de collectivités devrait refaire surface. Ils invoquent aussi les dotations en diminution. Mais les moyens correspondants au transfert de compétence aux régions seront inscrits dans la loi de finances pour 2015 ; ce projet de loi s'inscrit dans la législation actuelle et ne préjuge pas ce qui pourrait advenir par la suite.

L'Assemblée nationale a intégré aux articles 1er bis, 6, 8 et 12 plusieurs recommandations de sa délégation aux droits des femmes. Nous pourrons peut-être renforcer ces dispositions.

Mme Laurence Cohen estime que la réforme de l'inspection du travail s'est faite sans concertation préalable. Or, dès juillet 2012, Michel Sapin a lancé la réflexion. La concertation a été engagée et de nombreuses réunions du comité technique ministériel ont eu lieu. L'article 20, qui consacre le principe d'autonomie et d'indépendance, démontre que le Gouvernement veut préserver ce qui fait la force du corps d'inspection.

René-Paul Savary m'a interrogé sur le CIF et le CPF qui sont bien évidemment des dispositifs distincts, mais le CPF pourra servir de levier supplémentaire à une démarche de CIF pour que les intéressés puissent suivre une formation qualifiante plus longue.

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